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SUIVI DE RIO : FINANCEMENT ET TRANSFERT DE TECHNOLOGIE

Déclaration adoptée par le Conseil interparlementaire lors de sa 158e session
(Istanbul, 20 avril 1996)


L'un des acquis essentiels de la Conférence des Nations Unies pour l'environnement et le développement (CNUED) a été la démonstration que l'interdépendance des nations était plus forte que la confrontation Nord-Sud. Cette Conférence a en effet permis de comprendre que la croissance économique, le développement social et l'élimination de la pauvreté dans les pays en développement étaient des objectifs essentiels non seulement pour ces pays eux-mêmes mais pour la réalisation d'un développement durable à l'échelle de la planète.

A Rio, il a été convenu qu'il était "de l'intérêt commun des pays développés et en développement, et de l'humanité en général, y compris des générations futures, de doter les pays en développement de moyens efficaces, notamment de ressources financières et techniques, sans lesquels il leur serait difficile de s'acquitter pleinement de leurs engagements".

L'Union interparlementaire s'est activement associée au processus de la CNUED. Elle considère que l'apport d'un financement adéquat et un transfert de technologies non nuisibles à l'environnement constituent des éléments essentiels à la réalisation du développement durable. C'est pourquoi, à maintes reprises, elle a incité ses parlements membres à presser leurs gouvernements de respecter leurs engagements et à appuyer leur action dans ce sens. En outre, au fil des évaluations du suivi de la CNUED, réalisées par le Comité du développement durable, le Conseil interparlementaire a été amené à constater que la difficulté de résoudre les questions du financement et du transfert de techniques entravait gravement les efforts déployés pour mettre en oeuvre le programme établi à Rio.

Ainsi, la détérioration de la conjoncture internationale et de la situation économique des pays développés (montée du chômage, déficits commerciaux et accroissement de la dette publique) ont largement émoussé les promesses faites à Rio. Quant aux pays en développement, ne disposant pas des ressources humaines, techniques, scientifiques et financières nécessaires, leur capacité de se conformer aux exigences du développement durable se trouve considérablement restreinte. Dans ces pays, l'instabilité politique (absence de démocratie) et les conflits armés créent souvent des entraves supplémentaires.

Le déclin de l'aide publique au développement (APD), tant en termes absolus qu'en pourcentage du produit national brut (PNB), est une cause de profonde inquiétude. En effet, pour de nombreux pays en développement, l'APD constitue une importante source de financement extérieur. En outre, elle pourrait jouer un rôle non négligeable pour favoriser la réalisation du développement durable dans les régions et les secteurs qui sont peu susceptibles d'attirer des capitaux privés, y compris les investissements étrangers directs.

Bien que les flux de capitaux privés aient considérablement augmenté, le fait qu'ils se concentrent dans un nombre limité de pays en développement et de secteurs est préoccupant. En outre, ils sont instables et sont rarement orientés vers la préservation de l'environnement et le transfert de technologie. Les retraits soudains de ces capitaux ont des effets extrêmement déstabilisants sur les économies des pays en développement.

Le problème de la dette extérieure des pays en développement continue d'entraver la croissance de ces pays et les empêche d'honorer leurs engagements en faveur du développement durable.

S'écartant de leur engagement original en faveur d'un transfert de techniques respectueuses de l'environnement à des conditions favorables (concessionnelles et préférentielles), les gouvernements des pays développés ont désormais tendance à s'en remettre au secteur privé. De cette façon, sont essentiellement pris en compte les impératifs du marché et pas suffisamment la situation sociale, économique, écologique et culturelle ni les priorités des pays receveurs.

De plus, les pays qui n'ont pas les moyens d'élaborer et d'appliquer des politiques nationales propices au transfert de technologie, ne bénéficient pas de ce transfert, ce qui limite davantage leur capacité d'appliquer les recommandations contenues dans le Programme Action 21.

Le Conseil interparlementaire déplore cet état de fait qui risque de remettre en question le partenariat mondial pour le développement durable et menace, à terme, la survie de l'humanité.

Il reconnaît que face à l'aggravation de la situation économique dans le monde, il est de plus en plus difficile aux gouvernements, des pays du Nord comme du Sud, de tenir des engagements qui leur imposent de lourds sacrifices dans l'immédiat et dont les bénéfices ne se feront sentir qu'à long terme, à l'échelle de la planète. Toutefois, conscient que le coût de l'inaction sera bien supérieur à celui de l'application des décisions mûrement réfléchies qui ont été prises à la CNUED :

  • Il enjoint à nouveau aux gouvernements des pays développés de respecter les engagements qu'ils ont pris en adoptant le Programme Action 21, y compris ceux relatifs à l'octroi aux pays en développement de ressources financières prévisibles, nouvelles et additionnelles, à l'augmentation de l'APD à 0,7 pour cent du PNB et au transfert d'écotechnologies à des conditions favorables;
  • A ce sujet, il se félicite de l'approche pragmatique récemment adoptée par la Commission du développement durable, qui consiste à chiffrer les besoins par secteur et engage vivement celle-ci à poursuivre ses travaux dans ce sens;
  • Il souligne la nécessité de compléter et de renforcer les apports financiers internationaux en améliorant la rentabilité de l'aide et en mobilisant des ressources nationales tant dans les pays développés que dans les pays en développement, notamment par le biais d'instruments économiques et par un changement des orientations ainsi que par la création de fonds nationaux pour l'environnement;
  • Il estime nécessaire de réduire les subventions qui nuisent à l'efficacité économique et engendrent une dégradation de l'environnement tout en compensant cette réduction par une aide financière directe aux groupes les plus vulnérables;
  • Il insiste sur le fait que les gouvernements des pays développés et des pays en développement eux-mêmes ont la responsabilité commune de prendre des mesures favorisant, dans les pays en développement, des investissements étrangers privés qui soient de nature à contribuer au développement durable et garantissant la stabilité des flux de capitaux privés;
  • Il réaffirme que de nouveaux progrès sont indispensables pour qu'une solution efficace, durable et axée sur le développement puisse être apportée au problème de la dette des pays en développement, en particulier des plus pauvres et des plus endettés d'entre eux. Il encourage notamment à cet égard la mise en place de mécanismes novateurs tels que l'échange dette/nature ou dette/développement social;
  • Il engage les institutions financières internationales et les organismes de développement à redoubler leurs efforts pour intégrer les objectifs économiques, sociaux et environnementaux liés au développement durable dans leurs stratégies et priorités institutionnelles;
  • En ce qui concerne le transfert de techniques, il souligne que ces techniques devraient être axées sur la demande, écologiquement rationnelles et adaptées aux besoins de leurs utilisateurs potentiels, compte tenu de la situation sociale, économique et culturelle ainsi que des priorités du pays concerné;
  • Il invite les gouvernements à fixer des normes écologiques minimales pour le transfert de technologie et la coopération dans ce domaine, à intégrer les écotechnologies dans les programmes d'assistance technique et à prendre des mesures concrètes pour favoriser les accords de partenariat entre fournisseurs de technologies et utilisateurs potentiels. Ils devraient notamment renforcer la coopération entre les organismes publics, le secteur privé et les établissements à vocation scientifique et technique au niveau national;
  • Il rappelle que le secteur privé joue un rôle essentiel dans le transfert de techniques et qu'il appartient aux gouvernements de créer des conditions propices à ce transfert. Pour ce faire, d'une part il engage les gouvernements des pays développés à encourager les entreprises privées, notamment par des mesures d'incitation financière et fiscale, à favoriser et à accélérer le transfert d'écotechnologies dans les pays en développement. D'autre part, il engage les pays en développement à se doter d'un cadre juridique transparent et fiable et à consentir les efforts nécessaires à l'acquisition, l'évaluation, l'adaptation et l'utilisation des écotechnologies. Ces pays devraient en outre veiller à utiliser davantage les technologies locales qui sont de nature à favoriser un développement durable;
  • Enfin, il invite instamment les parlements et les parlementaires du monde entier, en leur qualité de gardiens de l'intérêt public, à exploiter pleinement les mécanismes et les moyens d'action dont ils disposent pour maintenir, dans leurs pays, la volonté politique essentielle à la mise en oeuvre de ces décisions.

En adoptant la présente Déclaration, le Conseil interparlementaire enjoint aux décideurs du monde entier de saisir l'occasion de l'évaluation générale, qui aura lieu en 1997, pour relancer l'esprit de Rio et garantir que l'immense espoir suscité par le Sommet de la Terre ne soit pas déçu.


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