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DECLARATION SUR LA DIMINUTION DE L'AIDE PUBLIQUE AU DEVELOPPEMENT (APD) ET DE L'AIDE FINANCIERE EN GENERAL

Adoptée sans vote par le Conseil interparlementaire lors de sa 162ème session
(Windhoek, 11 avril 1998)


L'aide publique au développement (APD) continue de décroître à un rythme alarmant. Loin de se rapprocher de l'objectif de 0,7 pour cent du produit national brut (PNB) fixé par la communauté internationale dès 1972 et réaffirmé à la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED) en 1992, l'APD globale est passée d'une valeur moyenne de 0,35 pour cent au début de la présente décennie à moins de 0,25 pour cent aujourd'hui. En valeur absolue, l'APD a diminué de 25 pour cent au cours des sept dernières années, passant de 60 milliards de dollars E.-U. en 1990 (chiffre le plus élevé jamais atteint) à 45,5 milliards de dollars en 1997.

Cette baisse résulte de nombreux facteurs. L'engagement politique en faveur de l'aide dans les pays donateurs se heurte à des contraintes budgétaires chroniques, encore aggravées dans nombre de pays par un chômage massif. La fin de la guerre froide a fait disparaître les motivations sécuritaires et idéologiques de l'aide. La prise de conscience d'une certaine dépendance des pays les plus pauvres vis-à-vis de l'aide et un scepticisme grandissant quant à l'efficacité de l'aide en matière de développement et de lutte contre la pauvreté ont encore accentué la désaffection constatée. L'évolution des conceptions fondamentales du développement a également eu des incidences. L'abandon progressif de la notion de développement assimilant ce dernier à une croissance tirée par le secteur public en faveur de conceptions multiformes et plus élaborées privilégiant un développement humain, participatif et axé sur le marché a suscité des incertitudes sur le véritable rôle de l'aide publique au développement. En bref, une crise de confiance quant à son utilité.

Le déclin de l'APD est très préoccupant. Elle est une source de financement capitale pour nombre de pays en développement et, s'agissant du développement social, elle ne peut pas être remplacée par les flux financiers privés. Elle est par ailleurs au cœur des engagements pris par les Etats à plusieurs conférences mondiales tenues sur le développement durable au cours de cette décennie. Si les Etats ne contestent pas que le financement de la mise en œuvre du programme Action 21 et d'autres engagements internationaux en faveur du développement durable doivent provenir principalement de sources nationales, publiques et privées, il faut mobiliser et apporter des ressources financières nouvelles et additionnelles, suffisantes et prévisibles pour atteindre les objectifs de lutte contre la pauvreté, de protection de l'environnement et de croissance économique.

Au-delà des préoccupations financières, le déclin de l'APD a aussi des incidences politiques graves sur la recherche de consensus en matière de développement durable, eu égard au volet environnemental en particulier. La session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies tenue en juin 1997 (Rio+5) a montré que l'absence de progrès sur la question du financement du développement durable a eu des incidences négatives très nettes.

Il est donc urgent de renverser la tendance à la baisse de l'APD, ce qui nécessite l'adoption de stratégies visant à donner une plus grande efficacité à cette aide et à s'assurer de nouveau l'adhésion des donateurs. Nous proposons que les parlements nationaux lancent un débat plénier sur la question de la baisse de l'APD afin de susciter dans l'opinion publique une meilleure compréhension de ses enjeux, un appui plus large et, partant, une action des gouvernements. Pareil débat devrait être axé sur les paramètres ci-après pour l'orientation future à donner à l'aide :

i) L'objectif de développement de l'APD, implicite mais souvent occulté par une conception réductrice assimilant développement et croissance, doit être réaffirmé. Il nous faut insister sur le fait que le fondement éthique de l'APD est en dernière analyse qu'elle contribue à réduire la pauvreté, pour les générations actuelles et futures. A cette fin, l'APD doit viser le développement durable conçu comme un immense chantier visant à réaliser - de façon intégrée et solidaire - le triple objectif de la croissance économique, du progrès social et de l'équité, et de la protection de l'environnement. Par définition, ces objectifs doivent primer sur tous les impératifs commerciaux ou partisans à court terme.

ii) Il faut, dans le même temps, rendre l'APD globalement plus efficace. Tant les bailleurs de fonds que les pays bénéficiaires doivent veiller à ce que le financement de l'APD soit utilisé de la manière la plus efficace et qu'il contribue à la croissance économique, au développement social et à la protection de l'environnement dans le cadre du développement durable. Une utilisation plus efficace de l'APD est essentielle en effet pour enrayer la désaffection actuelle des donateurs et susciter un appui politique à l'accroissement du volume de l'APD auprès des gouvernements et de l'opinion des pays donateurs.

iii) Pour atteindre ces objectifs, le développement durable et, partant, l'utilisation de l'APD, doivent être la résultante des priorités nationales. Les projets d'aide ont de meilleures chances de réussir s'ils sont le fruit d'un processus participatif très large où les dirigeants politiques, les institutions de l'Etat et la société civile conviennent des changements de politique souhaitables et les traduisent en normes politiques et administratives communément admises.

iv) De même, les projets de développement devraient être mis en œuvre dans le cadre de politiques économiques, sociales et environnementales rationnelles et d'institutions nationales transparentes, participatives et efficaces. Si la croissance est effectivement nécessaire pour alléger la pauvreté, elle ne permet d'atteindre ce résultat que si elle est écologiquement durable et s'inscrit dans un cadre institutionnel et politique qui garantisse un partage équitable de ses fruits.

v) Les gouvernements, tant ceux des bailleurs de fonds que des pays bénéficiaires, ainsi que les institutions financières internationales sont tenus d'assurer une plus grande transparence en ce qui concerne les objectifs des programmes d'aide et de veiller à ce que les affectations et l'utilisation des fonds soient conformes à ces objectifs. Une plus grande transparence dans la détermination des objectifs et dans l'affectation des ressources contribuera à amener les bailleurs de fonds à moins recourir à l'aide conditionnelle et les bénéficiaires à moins utiliser l'aide à des fins politiques et économiques à court terme.

vi) L'APD devrait être destinée plus aux pays les moins avancés et aux secteurs des pays en développement et des pays en transition qui ne bénéficient pas d'un financement suffisant de diverses sources privées, tant locales qu'externes. Il s'agit généralement des secteurs dont l'objectif premier est de favoriser le développement humain et qui relèvent du social (éducation, santé, élimination de la pauvreté, etc.), ainsi que, très souvent, de la protection de l'environnement.

vii) L'APD peut servir à couvrir les coûts supplémentaires des actions et politiques conduites par les pays à des fins environnementales mondiales, notamment les mesures visant à la mise en œuvre de diverses conventions internationales. Sachant le rôle prépondérant que joue en la matière le Fonds pour l'environnement mondial (FEM), les gouvernements ont la responsabilité de le doter de moyens suffisants et de définir des solutions propres à faciliter l'accès à ses ressources. Il faut, en outre, accorder une attention particulière à l'ensemble des activités relevant du programme de ce fonds.

viii) Un recours plus systématique au dialogue entre donateurs et bénéficiaires et une coordination plus efficace entre les bailleurs de fonds eux-mêmes s'imposent pour que l'APD réponde aux priorités nationales et facilite en même temps la réalisation des objectifs précis convenus à l'échelle internationale. Il semble également nécessaire d'assurer une plus grande coordination en matière de politiques et meilleure collaboration entre les institutions bilatérales et multilatérales de financement, dont les organismes financiers internationaux, s'agissant aussi des diverses activités de financement et de coopération technique menées par les organisations du système des Nations Unies, ainsi que par des ONG.

ix) Une stratégie de développement durable clairement définie et axée sur les besoins des bénéficiaires est un mécanisme susceptible de se révéler très efficace en matière de coordination entre les bailleurs de fonds et les bénéficiaires. Les stratégies de développement durable nationales et sectorielles peuvent servir de base pour l'établissement des programmes de financement alimentés par des ressources financières nationales et internationales, dont l'APD.

x) Il faut aussi étudier et promouvoir de nouvelles approches en matière d'utilisation de l'APD. On pourrait notamment étudier la possibilité d'affecter de moins en moins l'APD au financement de projets individuels au profit d'objectifs plus vastes de réforme politique nationale visant au développement durable, y compris la nécessité de faire face aux éventuelles répercussions sociales à court terme de pareilles réformes. En outre, le rôle de catalyseur que peut jouer l'APD dans la mobilisation d'investissements privés en faveur du développement durable est également à l'ordre du jour.

xi) Dans le vaste contexte de l'APD, le problème de l'endettement des pays les plus pauvres et les plus endettés appelle également une solution. Outre les mécanismes traditionnels tels que le rachat de dettes par les banques commerciales et d'autres plus innovateurs comme les échanges dette/nature ou la conversion de la dette en mesures de développement social, on soulignera ici le rôle que peut jouer l'Initiative en faveur des pays pauvres les plus lourdement endettés (HIPC), initiative conjointe de la Banque mondiale et du FMI actuellement en cours d'exécution.

xii) Enfin, toute politique globale sur le financement du développement durable doit aussi traiter la question des subventions et tout particulièrement celles qui conduisent à un développement non durable. Les subventions existantes devront être rendues plus transparentes, examinées au parlement, réformées et, si besoin est, abolies. Dans le même temps, un soutien devra être apporté aux groupes les plus vulnérables qui pourraient en subir le contrecoup.

xiii) L'APD n'est pas une forme de charité. Dans bien des cas, elle présente un grand intérêt à long terme pour les contribuables des pays donateurs eux-mêmes. En répondant aux besoins sociaux urgents, notamment à la nécessité d'éradiquer la pauvreté, l'APD peut jouer un rôle important dans la prévention de crises sociales potentiellement dangereuses qui, à leur tour, peuvent dégénérer en conflits nationaux ou régionaux. Par ailleurs, comme cela est indiqué plus haut, l'APD est à même de jouer un rôle crucial en amenant tous les pays à s'unir pour lutter contre les problèmes d'environnement à l'échelle mondiale qui ne sauraient être réglés par les seuls pays développés.


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