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LES EMBARGOS ET SANCTIONS ECONOMIQUES SONT-ILS ENCORE ACCEPTABLES D’UN POINT DE VUE ETHIQUE, SONT-ILS ENCORE EFFICACES, ET PERMETTENT-ILS D’ATTEINDRE LEUR OBJECTIF DANS UN MONDE DE PLUS EN PLUS GLOBALISE ?

Résolution adoptée par la 104ème Conférence interparlementaire par 834 voix contre 245, avec 159 abstentions
(Djakarta, 20 octobre 2000)


La 104ème Conférence interparlementaire,

réaffirmant les principes et objectifs inscrits dans la Charte des Nations Unies et le rôle joué par l'Organisation des Nations Unies dans le maintien de la paix et de la sécurité,

rappelant que, pendant les années 1990, la mise en place de régimes de sanctions, et de sanctions économiques en particulier, en vertu de l’Article 41 de la Charte des Nations Unies, est devenue beaucoup plus fréquente que pendant les décennies précédentes, et rappelant également le paragraphe 3 de l'Article premier de la Charte,

estimant que la communauté internationale a maintenant acquis suffisuffisamment d’expérience en la matière pour procéder à une évaluation de ce type de mesures,

se félicitant des débats qui ont été consacrés à cette question au sein de l'Organisation des Nations Unies et du Conseil de sécurité en particulier, et saluant le travail d’analyse et de réflexion remarquable réalisé en la matière à l’initiative de certains gouvernements ainsi que par des organisations non gouvernementales,

convaincue de la nécessité de préserver l’universalité des mesures prises par les Nations Unies et d’éliminer tous les obstacles qui peuvent y porter atteinte, et préoccupée dès lors par le caractère mitigé du bilan des sanctions économiques imposées par les Nations Unies et par le fait que certains régimes de sanctions sont fortement contestés, ce qui conduit à un scepticisme et une méfiance grandissants face à cet instrument dont le Conseil de sécurité dispose pour assurer la paix et la sécurité internationales,

sachant que l’application par les Etats membres des sanctions décidées par le Conseil de sécurité laisse souvent fort à désirer,

consciente que les sanctions économiques ont des répercussions humanitaires que renforce encore l’interdépendance économique d’un monde globalisé et qui, plus que toute autre chose, ont miné le soutien du grand public aux sanctions,

soulignant que les régimes de sanctions globales, plus particulièrement, ont des effets négatifs sur les conditions de vie dans le pays visé qui tendent à dépasser la limite de l’admissible, étant donné qu’ils frappent la population sans discrimination, alors que leur but est d’amener le gouvernement (ou, le cas échéant, certains acteurs non étatiques impliqués dans un conflit) à respecter les résolutions du Conseil de sécurité,

considérant que les effets non souhaités sur la population se multiplient lorsque des sanctions globales sont appliquées sans limite dans le temps ou dirigées contre des pays en développement qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour parer à ces effets,

sensible à l’impact négatif des sanctions économiques imposées par les Nations Unies sur les Etats tiers qui sont les partenaires commerciaux de l’Etat visé, et en particulier sur les pays voisins qui, souvent, enregistrent des pertes considérables et ne sont pas aidés suffisamment par le reste de la communauté internationale, en dépit des dispositions de l’Article 50 de la Charte des Nations Unies,

insistant sur la nécessité de distinguer clairement les sanctions décidées par le Conseil de sécurité de celles qui sont utilisées par des Etats, agissant unilatéralement ou de concert, en tant qu’instrument de leur politique étrangère,

faisant valoir que, si la Charte des Nations Unies ne conteste pas le droit souverain de chaque pays (ou groupe de pays) de décider avec qui il entretient des relations économiques et commerciales et, dès lors, d'interrompre, le cas échéant, ses relations économiques et commerciales avec un autre pays pour marquer son désaccord avec la politique menée par celui-ci, il n’en reste pas moins que :

a) les sanctions économiques de ce type ne peuvent jamais lier des pays tiers ou leurs ressortissants,

b) le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale des Nations Unies sont compétents pour apprécier ces sanctions du point de vue de la paix et de la sécurité internationales, conformément aux Articles 34 et 35 de la Charte des Nations Unies,

c) les sanctions unilatérales infligent des souffrances injustifiées à la population des pays qui en sont victimes, en particulier aux enfants, aux femmes et aux personnes âgées, qu'elles touchent de plus en plus,

déplorant le recours à des sanctions unilatérales comme instrument de politique étrangère et à des fins inavouées,

constatant que le statut de l'instrument des sanctions économiques au regard du droit international – qu’il s’agisse de sanctions imposées par les Nations Unies ou par des Etats - ne couvre pas tout l'éventail des conséquences secondaires de ces sanctions, tant du point de vue des besoins humanitaires que de l'impact négatif sur des pays tiers,

1. considère qu'il faut éviter autant que possible d'imposer des sanctions économiques mais que celles-ci peuvent être un instrument utile et légitime permettant au Conseil de sécurité d’assurer la paix et la sécurité internationales et, chaque fois qu'il y a lieu de les appliquer, qu'elles doivent être bien conçues et bien mises en œuvre;

2. souligne que le principe de la solidarité internationale doit s'appliquer quand il s'agit tant d'appliquer des sanctions que d'en minimiser les répercussions humanitaires et l'impact économique sur des pays tiers;

3. fait plus particulièrement les recommandations suivantes pour rendre les régimes de sanctions des Nations Unies plus efficaces et plus justes et pour en garantir l'acceptation et l'application universelles :

a) la mise en place de sanctions économiques par le Conseil de sécurité doit être basée sur une conception claire de l’ensemble des moyens dont il dispose pour amener un Etat récalcitrant à respecter ses résolutions, et ces sanctions ne doivent pas être une solution de facilité adoptée à la place d’autres moyens qui seraient plus appropriés en l'espèce mais qui demandent un plus grand effort de la part de la communauté internationale;

b) la conception des sanctions elles-mêmes doit être considérablement améliorée :

  • les objectifs doivent être clairement définis et réalistes, ce qui implique que des critères objectifs de levée partielle ou complète des sanctions doivent être stipulés dès le début;

  • les activités faisant l’objet de restrictions doivent également être définies avec un maximum de précision, afin d’éviter toute ambiguïté quant à la portée des sanctions et d'en faciliter ainsi l'application, en particulier lorsqu’il s’agit d’embargos sur les armes ou de restrictions financières;

  • les sanctions économiques globales sont à éviter autant que possible parce qu’elles font souffrir trop de personnes innocentes; on leur préférera les sanctions ciblées qui touchent directement les dirigeants politiques du pays visé et qui sont particulièrement adaptées aux sanctions financières (par exemple, le gel de comptes bancaires étrangers), aux restrictions sur les voyages et aux embargos sur les armes;

  • le Conseil de sécurité doit évaluer les effets non souhaités des sanctions qu’il se propose d’imposer, quel qu'en soit le type, en s'attachant à en étudier tant l’impact humanitaire sur la population du pays visé que l’impact économique sur d’autres pays, notamment les pays voisins;

  • il conviendrait de prévoir dès le début des exemptions humanitaires pour protéger les groupes les plus vulnérables dans le pays visé;

  • un dispositif devrait être mis en place pour dédommager les pays tiers des pertes qu'ils ont subies;

  • les sanctions doivent être imposées pour une durée déterminée, afin de garantir que leur maintien s’appuie sur la même majorité au sein du Conseil de sécurité que celle par laquelle elles ont été décidées;
c) une fois mises en place, les sanctions doivent faire l’objet d’un suivi attentif de la part du Conseil de sécurité, ce qui nécessite un renforcement considérable des capacités de gestion des régimes de sanctions disponibles au sein du Secrétariat des Nations Unies; ce suivi doit porter sur trois aspects :
  • la réalisation des objectifs des sanctions, c’est-à-dire la mesure dans laquelle le pays visé se conforme aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité;

  • la mise en œuvre des sanctions par les pays membres des Nations Unies qui sont tenus de les appliquer;

  • l’évolution des conséquences non souhaitées des sanctions sur la population du pays visé et sur les pays tiers;
d) le Conseil de sécurité doit tenir compte des résultats du suivi des régimes de sanctions; il doit plus particulièrement être prêt à adapter éventuellement le régime de sanctions initialement adopté (notamment en fonction du comportement du pays visé) et à prendre les mesures d’accompagnement nécessaires (notamment pour pallier les effets non souhaités); les violations constatées des sanctions, et des embargos sur les armes en particulier, devraient être rendues publiques et les responsables identifiés, qu’il s’agisse d’Etats ou d'autres entités;
4. invite le Conseil de sécurité à lever les sanctions économiques à caractère global imposées par les Nations Unies, y compris celles qui visent l'Iraq, et à réévaluer tous les autres régimes de sanctions actuellement en vigueur à la lumière des principes énoncés ci-dessus;

5. exhorte tous les Etats à respecter les sanctions imposées par les Nations Unies et à adopter la législation nécessaire afin de punir les violations des sanctions, et des embargos sur les armes en particulier;

6. invite les organisations régionales et sous-régionales à contribuer à la mise en oeuvre des sanctions imposées par les Nations Unies en demandant à leurs Etats membres d'en harmoniser l'application, en coopérant avec les comités de sanctions du Conseil de sécurité au contrôle de l’application des sanctions par ces Etats, ou par d’autres moyens;

7. demande aux Etats de n'utiliser qu'avec la plus grande circonspection l’instrument des sanctions économiques dans le cadre de leur politique étrangère, de rester attentifs aux répercussions humanitaires de ces mesures, qui peuvent être considérables, comme le démontre le cas du Burundi, et de s’abstenir en tout cas d’actions qui soient contraires à la volonté de la communauté internationale, telle qu’elle est exprimée par l’Assemblée générale ou le Conseil de sécurité des Nations Unies;

8. s’oppose catégoriquement à l’adoption, par un Etat (ou groupe d’Etats), de lois ou d’autres mesures à effet extraterritorial visant à obliger des Etats tiers ou leurs ressortissants à appliquer des sanctions économiques décidées par lui, comme cela s’est produit dans le cas de Cuba;

9. exige que les médicaments et produits alimentaires soient systématiquement exclus de toutes sanctions multilatérales ou unilatérales imposées à un pays;

10. demande également aux Etats d’envisager l’élaboration, dans le cadre des Nations Unies, d’un instrument de droit international codifiant les normes humanitaires à respecter lors de la mise en place de sanctions économiques, tant par les Nations Unies que par les Etats, et prévoyant des possibilités de recours devant une instance juridique;

11. engage les parlements et les parlementaires à exercer pleinement leur fonction législative et leur droit de contrôle sur leur gouvernement à propos des questions relatives aux sanctions économiques.

Note : vous pouvez télécharger une version électronique du texte intégral de la brochure "Résultats de la 104ème Conférence et réunions connexes de l'Union interparlementaire" au format PDF (taille du fichier environ 494K). Cette version nécessite Adobe Acrobat Reader que vous pouvez télécharger gratuitement.Get Acrobat Reader


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