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LES PERSONNES PORTEES DISPARUES
Résolution adoptée par consensus par la 115ème Assemblée
(Genève, 18 octobre 2006)


La 115ème Assemblée de l'Union interparlementaire,

profondément préoccupée et alarmée par les souffrances que continuent d'endurer les familles des personnes disparues en raison d’un conflit armé ou autre situation de violence interne et par les disparitions forcées,

considérant que le problème des personnes disparues relève à la fois du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits de la personne,

guidée par les principes et normes du droit international humanitaire, et en particulier par les quatre Conventions de Genève du 12 août 1949 et leurs deux protocoles additionnels de 1977; ainsi que par les instruments du droit international des droits de la personne et en particulier la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention relative aux droits de l'enfant et la Déclaration et le Programme d’action de Vienne adoptés en juin 1993 par la Conférence mondiale sur les droits de l’homme (A/CONF.157/23),

prenant note de la résolution 2005/66, "Droit à la vérité", adoptée par la Commission des droits de l’homme des Nations Unies le 20 avril 2005,

rappelant la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 47/133 du 18 décembre 1992,

prenant note des résultats de la Conférence internationale d’experts gouvernementaux et non gouvernementaux sur les personnes disparues, qui s’est tenue à Genève, Suisse, du 19 au 21 février 2003,

prenant note aussi de l’adoption par la 28ème Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge qui s’est tenue à Genève, Suisse, du 2 au 6 décembre 2003, de l’Agenda pour l’action humanitaire, et en particulier de son Objectif général 1, "Respecter et restaurer la dignité des personnes disparues lors de conflits armés ou d’autres situations de violence armée, et de leurs familles",

tenant compte de la Convention interaméricaine sur les disparitions forcées adoptée le 9 juin 1994 et des résolutions AG/RES. 2134 (2005) et AG/RES. 2231 (2006) sur les personnes disparues et l'assistance aux membres de leur famille, adoptées par les 35ème et 36ème assemblées générales de l’Organisation des Etats américains, respectivement,

convaincue que le respect du droit international humanitaire par toutes les parties à un conflit armé peut, dans une large mesure, contribuer à prévenir les disparitions forcées,

consciente de la nécessité pour les Etats d'adopter une politique nationale globale holistique sur les personnes disparues comprenant toutes les mesures nécessaires afin de prévenir les disparitions de personnes, de faire la lumière sur le sort des personnes qui ont disparu, de répondre aux besoins des familles des disparus, de reconnaître les faits et d'établir les responsabilités dans les évènements ayant entraîné des disparitions dans des situations de conflit armé ou de violence interne et dans le cas des disparitions forcées,

convaincue qu'il incombe au premier chef aux gouvernements de prévenir les disparitions et de déterminer le sort des personnes disparues, et que ceux-ci doivent reconnaître qu'ils sont responsables de la mise en œuvre des mécanismes, politiques et lois nécessaires,

affirmant le droit individuel des familles de savoir et de disposer d'informations sur le sort de leurs proches disparus à cause d’un conflit armé, d'une situation de violence interne ou d'une disparition forcée, y compris le lieu où ils se trouvent et, s'ils sont morts, les circonstances et causes de leur décès,

réitérant l'importance de la lutte contre l'impunité dans la prévention des violations du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits de la personne,

rappelant que le Statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale, adopté le 17 juillet 1998, définit la disparition forcée de personnes comme constituant un crime contre l’humanité lorsqu'il est commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque,

observant avec une vive préoccupation que les familles, tant qu’elles restent dans l’incertitude quant au sort de leurs proches, sont dans l’incapacité reconstruire leur vie et celle de leur communauté, ce qui mine souvent les relations entre les communautés pendant plusieurs générations,

rendant hommage aux nombreuses organisations internationales, régionales ou locales, intergouvernementales ou non gouvernementales, et particulièrement au Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, qui, partout dans le monde, s’efforcent de faire la lumière sur le sort des personnes portées disparues à cause d’un conflit armé, d’une situation de violence interne ou d'une disparition forcée, de maintenir et rétablir les liens familiaux et de soutenir les familles de disparus,

convaincue du rôle essentiel que l'Union interparlementaire et les parlements peuvent jouer dans la résolution du problème des personnes disparues,

soulignant la nécessité d'une coopération entre les Etats pour résoudre efficacement les cas de disparitions grâce à l'entraide en matière d'échange d'informations, de localisation et d'identification des personnes disparues, et de restitution des restes humains,

  1. prie instamment toutes les parties à un conflit ou une situation de violence interne de prendre toutes les mesures nécessaires afin de prévenir les disparitions conformément aux règles applicables du droit international humanitaire, et prie instamment les Etats de défendre et de protéger les droits de la personne en toutes circonstances afin de ne pas être eux-mêmes impliqués dans des disparitions forcées et de les interdire;

  2. prie instamment les Etats d'observer les règles qui protègent les droits de la personne pour prévenir les disparitions forcées, et en particulier invite les Etats qui n'ont pas encore signé, ratifié ou appliqué les instruments susmentionnés à le faire sans plus tarder;

  3. prie instamment l'Assemblée générale des Nations Unies d'adopter la Convention sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, et encourage les Etats à la ratifier dès que possible après son adoption;

  4. demande à tous les parlements de porter le problème des personnes disparues à l’attention de leurs gouvernements respectifs par tous les moyens dont ils disposent, afin que des politiques nationales globales soient adoptées pour résoudre le problème des personnes portées disparues, mieux venir en aide aux familles des victimes et prévenir de nouvelles disparitions;

    Ces politiques nationales impliquent :

    a) l’adoption et la mise en œuvre d'une législation nationale sur les personnes disparues, accompagnée des mesures réglementaires et administratives nécessaires, qui couvre notamment les aspects suivants :

    • la reconnaissance du droit de savoir et donc l'information des familles sur le sort de leurs proches disparus;
    • la reconnaissance d'un statut juridique aux personnes portées disparues conformément à des règles standardisées comme celles proposées par le Comité international de la Croix-Rouge dans ses Recommandations pour l'élaboration d'une législation nationale sur les personnes portées disparues et leurs familles;
    • l'incrimination en droit pénal national des violations des normes du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits de la personne applicables aux disparitions, et en particulier l'incrimination de la disparition forcée;
    • la mise en place d'un mécanisme d'enquête et de poursuites pour garantir l'application du droit pénal susmentionné;
    • la reconnaissance des droits des familles des disparus pendant la période où leurs proches sont portés disparus, une attention particulière étant portée aux personnes vulnérables;
    • la mise en œuvre de mesures garantissant que toutes les personnes, en particulier les mineurs et autres personnes vulnérables, sont dotées de moyens d'identification personnelle;
    • la mise en œuvre de mesures garantissant que les membres des forces armées et de sécurité sont dotés de moyens d'identification personnelle, au minimum d'une plaque d'identité, et que ces moyens d'identification sont obligatoirement et correctement utilisés;
    • le droit d'échanger des nouvelles familiales en toutes circonstances;
    • dans le cas particulier des personnes privées de liberté, la mise en œuvre de mesures garantissant que l'information sur la capture ou l'arrestation de ces personnes, leur adresse et leur état de santé est communiquée aux familles, aux avocats, aux autorités consulaires ou à toute autre personne ayant un intérêt légitime à être informée de leur situation; et que le contact avec ces personnes est maintenu;
    • la mise en œuvre de mesures permettant de vérifier la libération de ces personnes, de garantir leur sécurité et d'aviser leurs familles ou d'autres personnes désignées par elles;
    • le droit d'être enregistré et détenu dans un établissement reconnu officiellement;
    • la protection des personnes contre les risques de disparition, en particulier les personnes privées de liberté, en autorisant des visites d’inspection régulières, indépendantes, impromptues et sans restriction, par le Comité international de la Croix-Rouge ou par une autre organisation nationale ou internationale indépendante;
    • la mise en place d'un bureau national de renseignements chargé de centraliser et de transmettre l'information sur les blessés, les malades et les naufragés, ainsi que les personnes privées de liberté et les morts, conformément aux normes juridiques et éthiques relatives à la protection des données personnelles, y compris les informations médicales et génétiques;
    • l'identification et le traitement approprié des restes humains;
    • l'imprescriptibilité du crime de disparition forcée, d'enlèvement de mineur et de suppression d'identité quand il est commis par un organe étatique ou avec l'assentiment, la protection ou la complicité de l'Etat, ou de tout autre crime contre humanité;
    • l'impossibilité de gracier, d'amnistier ou de prendre des mesures politiques similaires pour mettre fin aux poursuites pénales ou à la sanction pénale pour les crimes susmentionnés;
    • l'impossibilité d'occuper des fonctions officielles quand, de l'avis de l'autorité constitutionnelle ou légale compétente, l'accusé est considéré comme étant l'auteur des crimes susmentionnés;
    • le droit des mineurs retirés illégalement à leurs parents et proches de connaître leur véritable identité;
    • la protection des témoins de disparitions et de leurs familles.

    b) la mise en place de mécanismes nationaux d'application et de coordination, notamment par l'intermédiaire de commissions nationales chargées d'appliquer le droit international humanitaire;

    c) l'examen et le règlement systématique de la question des personnes disparues à la fin d'un conflit dans le cadre d'un processus visant l'instauration et le maintien d'une paix durable et la mise en œuvre, chaque fois qu'il y a lieu, de mécanismes nationaux appropriés indépendants et impartiaux, judiciaires et non judiciaires, dans le but de faire la lumière sur le sort des personnes disparues et de répondre aux besoins des familles et des communautés;

    d) la mise en place d'instances parlementaires compétentes en matière de droit international humanitaire, entre autres pour le suivi de la question des personnes disparues;

    e) la formation adéquate des agents de l’Etat dans les domaines du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits de la personne, ainsi que de la législation nationale sur les personnes disparues et de son application;

    f) la mise à disposition des crédits nécessaires.

  5. prie les Etats de prévoir des sanctions pour la destruction ou la rétention illégale d'informations sur les personnes disparues, tout en définissant expressément les cas où des exceptions à ces règles peuvent être requises;

  6. demande aux Etats d'étendre ces politiques nationales et leur mise en œuvre aux autres contextes de disparitions, afin d'assurer en toutes circonstances la même protection aux disparus et à leurs familles;

  7. invite les parlements, dans l'élaboration et la mise en œuvre de ces politiques, à encourager les autorités nationales compétentes à avoir recours à l’expertise des organisations qui traitent de la question des disparitions, notamment le Comité international de la Croix-Rouge;

  8. invite les Etats à coopérer au plan international pour résoudre efficacement les cas de disparition en s'entraidant en matière d'échange d'informations, d'assistance aux victimes, de localisation et d'identification des personnes disparues, ainsi que d'exhumation, d'identification et de restitution des restes humains, et préconise la création d'une base de données internationale à cette fin;

  9. invite les parlements à soutenir le travail du Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées

  10. encourage les parlements à se mettre en contact avec leur société nationale de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge afin de mieux connaître et soutenir ses activités en faveur des personnes disparues et de leurs familles;

  11. invite les parlements à coopérer par le partage et l'échange d'informations, d'expériences et d'expertise sur l'action parlementaire menée pour assurer la mise en œuvre de la présente résolution;

  12. demande à l'Union interparlementaire de demeurer saisie de la question, par l'entremise du Comité chargé de promouvoir le respect du droit international humanitaire, sans se limiter aux disparitions résultant d'un conflit armé ou d'une situation de violence interne;

  13. invite l'Union interparlementaire à élaborer dans les meilleurs délais un guide sur les personnes disparues à l'intention des parlementaires;

  14. encourage l'Union interparlementaire à mettre en place un système d'annonces de dons interparlementaires pour soutenir et financer la traduction de ce guide dans un maximum de langues.


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