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Union interparlementaire | |
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dont la 131ème Assemblée de l'UIP a pris acte
La première séance a consisté en un débat interactif avec le Professeur Alfred de Zayas, Expert indépendant de l’ONU sur la promotion d’un ordre international démocratique et équitable. M. de Zayas a rappelé son rapport au Conseil des droits de l’homme et plaidé en faveur de processus démocratiques plus solides et plus participatifs, à la fois à l’échelon national et à l’échelon international. Il a déclaré que la démocratie représentative avait par essence des limites, notamment parce qu’elle ne fonctionne que si les parlementaires sont tenus pour responsables devant leurs électeurs. Dans de trop nombreux pays cependant, les dirigeants politiques tombent sous la coupe de groupes de pression et de groupements d’intérêts qui font écran à la volonté populaire. Plusieurs exemples ont été fournis pour étayer ces propos. Il a été question notamment des budgets des armées et de la défense, qui ne sont jamais totalement transparents et sont adoptés sans que les parlements puissent débattre d’une réduction des dépenses militaires au profit de l’éducation, de la santé ou d’autres services publics. Il semble tout à fait envisageable ainsi de réduire les dépenses militaires dans le monde de 10 pour cent par exemple (sur un budget annuel de 130 milliards de dollars E.-U. à ce jour) si tous les pays acceptaient d’agir de même, de sorte que personne ne serait désavantagé. M. de Zayas a ajouté que, pour renforcer la démocratie représentative, il fallait notamment assurer la présence aux élections d’un éventail de candidats offrant une réelle possibilité de choix et limiter l’emprise des dirigeants des partis sur les représentants élus. Le recours aux referendums devrait être plus fréquent par ailleurs pour permettre aux citoyens d’intervenir plus directement en politique. Le déficit démocratique relevé dans beaucoup de pays, à la fois dans les pays développés et dans les pays en développement, frappe aussi les institutions de la gouvernance mondiale, de l’Organisation des Nations Unies à la Banque mondiale en passant par le Fonds monétaire international et l’Organisation mondiale du commerce. Ces institutions devraient toutes être regroupées sous l’égide des Nations Unies, et l’ONU elle-même devrait rendre davantage de comptes au peuple. Selon M. de Zayas, la création d’une assemblée parlementaire mondiale rassemblant des représentants élus permettrait aux Nations Unies de mieux répondre aux besoins véritables des citoyens du monde entier. L’une des délégations présentes en salle a souscrit à cette idée; une autre l’a rejetée. La Présidente de la Commission a rappelé aux participants que la Commission permanente des Affaires des Nations Unies avait pour fonctions essentielles d’organiser des auditions avec de hauts responsables de l’ONU, de déterminer comment les parlements pouvaient contribuer aux principaux travaux en cours dans le système des Nations Unies et d’examiner les activités correspondantes en vue de renforcer la transparence. Dans les débats qui ont suivi, il est apparu clairement que les points de vue exprimés par M. de Zayas suscitaient des échos à plusieurs titres. Des questions ont été posées sur les déficits démocratiques à l’échelon international, notamment sur la représentativité véritable du Conseil de sécurité sur l’absence de pays en développement dans des instances internationales clés et sur l’influence croissante de multinationales non tenues de rendre des comptes au sein des institutions des Nations Unies ou d’autres institutions internationales. Aucune amélioration n’est possible sur ces différents plans si les parlements ne parviennent pas à se doter de moyens de contrôle plus efficaces et s’ils ne sont pas véritablement déterminés à demander des comptes aux gouvernements. La deuxième réunion-débat de la Commission a été consacrée à l’influence des entreprises sur la prise de décisions à l’ONU. Etaient invités en qualité d’experts : Mme P. Bayr (Autriche), M. J. Kakonge, Représentant permanent du Kenya auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, et M. J. Martens, Directeur du Global Policy Forum. Les débats ont été animés par M. A. Motter, du Secrétariat de l’UIP. La conclusion générale du débat a été qu’il fallait que les parlements s’intéressent de plus près au rapprochement croissant entre l’ONU et les entreprises. S’il peut en effet être utile que l’ONU noue des partenariats avec le secteur privé, que ce soit à l’échelon mondial ou dans les pays, il est néanmoins impératif que tout accord de partenariat soit soumis à des directives strictes et fasse l’objet de contrôles réguliers. Il serait bon que les institutions et programmes des Nations Unies adoptent une norme commune en ce qui concerne leur collaboration avec le secteur privé. Il importe en effet que le financement des bureaux des Nations Unies et des opérations sur le terrain soit parfaitement transparent et il convient à cette fin d’instaurer des règles contraignantes sur les conflits d’intérêt et la divulgation de l’information. L’ONU a besoin d’un système de contrôle suffisant pour s’assurer que les entités privées avec lesquels elle travaille se conforment aux normes les plus strictes, allant bien au-delà des 10 principes clés énoncés dans le Pacte mondial. Il est contradictoire que les sociétés qui commercent avec l’ONU soient tenues de suivre ces principes et que parallèlement aillent à l’encontre des objectifs de développement en cherchant refuge dans des paradis fiscaux ou en défendant des politiques (telles que le subventionnement du pétrole et du gaz), qui sont en contradiction avec les efforts déployés pour lutter contre le réchauffement climatique ou promouvoir le développement. Le sens civique suppose que les entreprises se conforment aux lois sur la fiscalité et à la réglementation des Etats, et qu’elles respectent les droits de l’homme et les biens publics. Se pose par ailleurs un problème plus fondamental encore, à savoir que le système des Nations Unies a de plus en plus recours au secteur privé pour fixer les normes mondiales en invitant des sociétés privées à siéger dans des organes consultatifs essentiels et autres organes de décision. Parallèlement, les forums multipartites se multiplient au sein des Nations Unies. Les partenaires y sont conviés à des discussions avec les gouvernements, comme s’ils étaient leurs égaux. Il est important que les gouvernements fassent une distinction plus claire entre leurs différents partenaires et qu’ils aient bien conscience qu’au final, ce sont eux qui doivent rendre des comptes aux citoyens par l’entremise des représentants que ces derniers ont élu. La relation institutionnelle qui unit l’ONU et l’UIP, en sa qualité d’organisation parlementaire, peut contribuer à renforcer le lien essentiel entre les échelons national et mondial de la gouvernance. De l’avis général, l’ONU investit davantage de moyens dans sa relation avec le secteur privé que dans celle qui l’unit aux parlements. Idéalement, ce devrait être le contraire. La croissance exponentielle du nombre de partenariats avec des entreprises qui a été observée dernièrement est étroitement liée aux réductions du budget de l’ONU exigées par les Etats. L’ONU n’a plus suffisamment de moyens, ce qui l’oblige à se tourner vers le monde de l’entreprise pour obtenir les fonds nécessaires au financement de ses projets de développement. De leur côté, les entreprises voient cette tendance comme un atout pour développer leurs relations publiques, essayant en outre d’influer sur la réglementation mondiale et de s’assurer ainsi qu’elle reste tournée à leur avantage. Il est acquis de longue date que les entreprises préfèrent un système fondé sur le principe de l’autodiscipline en matière de droits de l’homme et dans l’application d’autres normes, mais certaines entreprises pourraient aussi vouloir s’assurer que la prise en compte du marché continue à l’emporter sur toute autre considération lorsqu’il s’agit de droits fondamentaux tels que l’accès à la nourriture ou à l’eau. Pour autant, un revirement important semble s’être opéré en 2014 à l’ONU avec l’adoption, par le Conseil des droits de l’homme, d’une résolution dans laquelle ce dernier appelle à la création d’un instrument de droits de l’homme contraignant pour les sociétés multinationales et les entreprises en général. Si elle est suivie d’effet, cette résolution permettrait en outre de combler un vide juridique dans nombre de pays où la réglementation applicable aux sociétés manque de rigueur. Enfin, c’est à l’échelon des pays que des mesures s’imposent pour renforcer la législation de façon que les sociétés soient tenues à un certain comportement, partout et à tous les niveaux. Là encore, les parlements ont un rôle central à jouer. La troisième réunion-débat de la Commission, qui consistait en un débat interactif, a porté sur les travaux qui se concluront lors de la session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies de 2016 et qui doivent permettre de faire le point sur la réalisation des objectifs fixés dans la Déclaration politique et le Plan d’action sur la coopération internationale en vue d’une stratégie intégrée et équilibrée de lutte contre le problème mondial de la droguede 2009. La discussion a été modérée par M. A. Avsan (Suède) et Mme L. Rojas (Mexique). Les intervenants étaient M. L. de Alba, ambassadeur du Mexique auprès de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, M. J.-L. Lemahieu, Directeur de la Division de l’analyse des politiques et des relations publiques, et M. E de la Reguera, journaliste. Ils ont discuté de la tension existant entre l’approche répressive et l’approche fondée sur la prévention et la réhabilitation. Selon les modérateurs, le fait que la question ne soit pas débattue sur les plans national et international se traduisait par des problèmes graves qui restaient sans réponse: mortalité dans les pays développés et dans les pays en développement; incohérence des politiques régionales se traduisant par des effets non désirés dans les Etats voisins; dommages collatéraux sur les femmes et les enfants dans les communautés pauvres; essor des activités de blanchiment d’argent, de la corruption et de la criminalité organisée. Les cartels criminels fonctionnaient comme des multinationales, tant en ce concerne leur ampleur que l’importance de leur impact. Ne rien faire, c’est accepter que se creusent les inégalités entre les pays aussi bien qu’à l’intérieur d’un même pays. Dans le débat qui a suivi, les participants ont fait observer qu’alors que certains pays envisageaient de légaliser l’usage de drogues en vue de limiter les dégâts et de générer des recettes fiscales, d’autres déploraient l’absence de débats et la méconnaissance du problème de la part des parlements, du grand public et des médias. Ils ont évoqué la nécessité d’assurer un accès à des soins de santé primaire dignes de ce nom (médicaments, traitements et atténuation de la douleur), faisant valoir que de nouvelles politiques axées sur les droits de l’homme devaient être solidement arrimées dans le programme de développement pour l’après-2015. Il fallait tenir compte des questions économiques et sociales, ainsi que des approches adoptées au niveau régional. Les conventions internationales sur les stupéfiants n’autorisaient pas la souplesse voulue pour que les cadres nationaux puissent s’attaquer aux problèmes liés à la drogue en fonction de l’histoire, des traditions et du contexte propres à chaque pays. Il fallait renforcer la capacité des systèmes de santé publique en matière d’opiacés et de traitement de la douleur. Les participants se sont dits préoccupés par le fait que des pays de transit souffraient des conséquences de l’inaction des pays de production et de consommation, même si la différence entre les deux perdait de son importance du fait de l’évolution de la situation (les drogues synthétiques pouvaient être fabriquées n’importe où). Ils ont exprimé le souhait de recevoir davantage d’informations sur la question, évoqué la nécessité d’adopter un cadre souple et de créer une coalition des bonnes volontés pour parvenir à des stratégies cohérentes dans leur conception et dans leur application. Le système des Nations Unies devrait associer davantage d’institutions, telles que l’OMS, à la lutte, et chaque pays devrait aborder le phénomène globalement, en s’appliquant à réduire la consommation par l’éducation, le traitement, la restriction de l’offre, la sensibilisation de la société civile, une sécurité renforcée contre la corruption et l’amélioration du cadre juridique. Il ne fallait pas négliger non plus l’impact des politiques nationales au niveau communautaire. M. Lemahieu a encouragé les parlementaires à afficher les commentaires sur le site web de la Session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies et a suggéré d’y faire figurer le rapport de l’UIP sur la réunion-débat organisée sur le thème La légalisation des drogues peut‑elle concourir à la lutte contre la criminalité organisée ? à la 128ème Assemblée de l’UIP (Quito, mars 2013). M. de Alba a fait observer que la réunion-débat en cours était la première réunion mondiale dans laquelle s’exprimaient les vues des parlementaires d’un échantillon représentatif d’Etats Membres. Il a déploré la tendance actuelle consistant à négocier les accords internationaux par consensus dans les instances onusiennes, car elle avait pour résultat de produire des accords fondés sur le plus petit dénominateur commun. Il a été recommandé que l’UIP serve de tribune aux efforts déployés d’ici à la Session extraordinaire de l’Assemblée générale. Les parlementaires tenaient à être associés au processus et à être expressément mentionnés dans les documents de l’ONU sur la question.
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