DECLARATION DU DEBAT GENERAL SUR
L'ENGAGEMENT IMPERATIF DES PARLEMENTS EN FAVEUR DE MIGRATIONS PLUS JUSTES, PLUS SENSEES ET PLUS HUMAINES
Que la 133ème Assemblée de l'UIP a fait sienne
(Genève, 21 octobre 2015)
Nous, parlementaires originaires de 135 pays, réunis à Genève à l’occasion de la 133ème Assemblée de l’UIP, avons débattu du thème intitulé L'engagement impératif des parlements en faveur de migrations plus justes, plus sensées et plus humaines : un impératif économique et moral.
Dans le monde moderne, les migrations internationales posent des difficultés et ouvrent des perspectives multiples. Elles sont devenues un phénomène mondial de plus en plus complexe qui est aujourd’hui caractérisé par des flux migratoires hétérogènes rassemblant des travailleurs migrants, des demandeurs d’asile et des personnes se déplaçant pour différentes raisons, ainsi que ceux que l’on nomme parfois "migrants de survie".
Les causes fondamentales de la migration forcée sont souvent prévisibles. Il s’agit notamment des conflits armés, de l’extrémisme violent, de l’extrême pauvreté, de l’insécurité alimentaire, des changements climatiques, de l’enrôlement de force dans une armée, régulière ou non, voire une milice, des pratiques traditionnelles préjudiciables et de la violence fondée sur le genre. De ces défis complexes, parfois sans précédent, naissent des dangers supplémentaires, tels que la traite des êtres humains et le trafic illicite des migrants, qui mettent un nombre croissant de personnes en situation de détresse en mer et dans les déserts. Les filles sont exposées à des risques particuliers, comme la torture, l'esclavage sexuel, le travail forcé et d'autres formes d'abus, que ce soit dans les pays de transit ou de destination.
La situation appelle à l’action. Cette action doit reposer sur le principe que les migrants ne sont pas des numéros mais des êtres humains. En tant que personnes détentrices de droits, ils doivent être traités de façon digne, dans le respect de leurs droits fondamentaux, quel que soit le motif pour lequel ils ont quitté leur terre d’origine ou leur statut migratoire, en situation régulière ou irrégulière.
Nous rappelons que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 nous exhorte à veiller à ce que les migrations soient réglementées de façon "sûre, régulière et responsable". A cette fin, les gouvernements doivent adopter des "politiques de migration bien gérées" qui permettent aux migrants de livrer tout leur potentiel pour contribuer au développement économique et humain.
Les migrations ouvrent de nouvelles perspectives. Nous avons conscience que les migrations présentent des avantages considérables pour les pays hôtes et les pays d’origine, ainsi que pour les individus, les familles et les communautés. Les pays de destination bénéficient de la diversité que les migrants amènent avec eux : compétences nouvelles, force de travail indispensable, contributions nouvelles à l’économie et occasion de réussir à contrer les difficultés économiques posées par le vieillissement démographique. Les sociétés hôtes peinent toutefois à garantir des conditions de travail équitables et la cohésion sociale au moyen de mécanismes d’intégration adaptés. Pour leur part, les pays d’origine bénéficient des envois de fonds et des investissements des réseaux de la diaspora, ainsi que des compétences et de l’expérience rapportées par les migrants dans leur pays. Ils se heurtent toutefois également aux phénomènes de la "fuite des cerveaux" et de la séparation des familles, susceptible de mettre les enfants en difficulté par manque de soins.
Les migrations doivent être sûres. Les personnes qui fuient les persécutions doivent bénéficier d’une protection juridique spéciale en tant que réfugiés. Dans le contexte de flux migratoires hétérogènes, il est important de veiller à ce que les demandeurs d’asile puissent faire valoir leurs droits et être entendus comme il se doit. Le retour de personnes dont la demande d’asile a été rejetée au terme d’une procédure complète et équitable, ainsi que des migrants irréguliers, doit être pris en charge de façon sûre et humaine, en respectant le principe de non-refoulement et de l’interdiction de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que l’intérêt supérieur de l’enfant et le droit au respect de la vie familiale et privée.
De même, les femmes et les enfants migrants doivent bénéficier d’une attention particulière et être protégés des abus, de l’exploitation et de la violence. Les migrants qui travaillent dans l’économie informelle, particulièrement exposés, de par leur situation, à l’exploitation et aux abus, doivent jouir d’une protection juridique et sociale particulière.
Les migrations doivent être constructives. L’intégration sociale des migrants et des réfugiés est plus aisée lorsque les pays hôtes offrent aux enfants et aux jeunes adultes un accès sans restrictions à l’éducation, et garantissent à chacun l’accès à l’emploi, aux soins de santé et aux services sociaux, tout en autorisant le regroupement familial. Le respect mutuel des différences culturelles relève de la responsabilité conjointe des sociétés hôtes et des migrants, étant entendu que chacun doit respecter la législation nationale et a le droit de jouir de ses droits fondamentaux. Nous devons reconnaître la contribution apportée par les migrants à nos sociétés et devons adopter des lois spécifiques pour interdire la discrimination et lutter contre la xénophobie.
es migrations sont une réalité. L’analyse des facteurs incitatifs et dissuasifs contribuant aux migrations plaide dans le sens du développement de canaux migratoires sûrs et réguliers. En outre, la situation régnant actuellement dans le bassin méditerranéen et d’autres régions du monde et la prévalence du trafic illicite de migrants et de la traite des êtres humains, ainsi que de la xénophobie, exigent une intervention urgente, coordonnée et ferme destinée à sauver des vies, faire preuve de solidarité et atténuer les effets de flux migratoires soudains et importants.
Nous, parlementaires, assumons une responsabilité particulière à cet égard. Nous devons faire preuve d’esprit d’initiative politique, écouter et relayer les inquiétudes de nos administrés, faire œuvre de sensibilisation et superviser l’action gouvernementale tout en la soutenant, notamment en veillant au financement adéquat des instances concernées. Nous devons également faire passer l’intérêt commun et le respect de la dignité humaine et des droits de l’homme avant toute autre considération. Pour ce faire, nous devrons redoubler d’efforts et d’engagement et collaborer d’une région, d’un pays, d’un parti politique et d’une communauté à l’autre dans le but de prendre des mesures équilibrées et concertées pour faire face à ce phénomène mondial.
En notre qualité de parlementaires, nous nous engageons à œuvrer en faveur de migrations plus justes, plus sensées et plus humaines en prenant notamment les mesures ci-dessous :
Elaborer et mettre en œuvre un cadre juridique de protection
- Ratifier et garantir la mise en œuvre des conventions qui protègent les droits des migrants et des réfugiés, à savoir:
- La Convention des Nations Unies sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille
- La Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et son Protocole de 1967,
- La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et ses protocoles sur le trafic illicite des personnes et des migrants
- La Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,
- La Convention des Nations Unies pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées
- La Convention (n° 97) sur les travailleurs migrants, 1949 (OIT)
- La Convention (n° 143) sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires), 1975 (OIT)
- La Convention (n° 181) sur les agences d’emploi privées (OIT)
- La Convention (n° 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011 (OIT)
- ainsi que les autres instruments régionaux et internationaux pertinents;
- Promouvoir des solutions juridiques aux échelons mondial et national pour combler les lacunes et lever les zones d’ombre dans la protection juridique des migrants et des réfugiés. Cela concerne notamment le droit de la mer, pour ce qui est de la responsabilité de rechercher et secourir les personnes en détresse en mer, et les lois relatives à la responsabilité vis-à-vis des personnes qui fuient des catastrophes naturelles;
- Superviser la mise en œuvre des lois et des politiques et leur effet sur les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés du point de vue des droits de l’homme, notamment en ce qui concerne la protection des réfugiés, l’égalité des sexes et les droits de l’enfant;
Garantir l’équité, la non-discrimination et le respect des droits de l’homme des migrants
- Réviser la législation en vigueur afin de supprimer tous les obstacles à l’accès aux services de base tels que l’éducation, les soins de santé et les prestations sociales pour tous les migrants, demandeurs d’asile et réfugiés, quel que soit leur statut;
- Promouvoir et contrôler la coordination entre les Etats dans les domaines de la migration et de l’asile selon des procédures bilatérales, régionales et internationales, notamment par le biais de mécanismes de consultation sur le partage des responsabilités dans l’accueil des réfugiés, en veillant à ce que les accords sur les migrations soient conformes aux droits de l’homme et aux normes internationales en matière de travail et à ce que les trafiquants d’êtres humains fassent l’objet de poursuites;
- Elaborer et appliquer une réglementation en matière de recrutement efficace, notamment pour les travailleurs migrants peu qualifiés, et promouvoir des pratiques de recrutement équitables;
- Promouvoir les canaux de migration sûrs et légaux, y compris les régimes d’entrée et de séjour pour motifs d’étude, de travail, humanitaires et de regroupement familial en veillant à leur application équitable et responsable afin d’éviter les discriminations contre les migrants non qualifiés ou peu qualifiés, les femmes et les hommes jeunes, de façon à ce qu’ils profitent à l’ensemble des parties, à savoir les migrants eux-mêmes, mais aussi les populations des pays d’accueil et les économies des pays d’origine et de destination;
- Garantir le droit à un travail décent pour tous, en veillant notamment à ce que les secteurs de l’économie qui emploient essentiellement des travailleurs migrants, et plus particulièrement des femmes migrantes, tels que le travail domestique et les soins à la personne, respectent les normes de non-discrimination au travail et les droits consacrés dans les conventions fondamentales de l’OIT, et que ces secteurs fassent l’objet d’inspections du travail rigoureuses.
- Protéger tous les travailleurs migrants contre la discrimination et les abus, tels que les violences sexuelles, les autres formes de violence sexiste et les prélèvements d’organes forcés.
- Réviser la législation pour garantir l’accès à la justice à toute personne se trouvant sur nos territoires, indépendamment de sa nationalité et de sa situation migratoire;
- Rechercher des alternatives à la rétention administrative des migrants sans papiers, en particulier des enfants non accompagnés ou séparés ou de familles entières, et s’abstenir de criminaliser la migration irrégulière;
Œuvrer à la cohésion sociale et à l’édification de sociétés pacifiques et inclusives
- Prêcher par l’exemple, en dénonçant la xénophobie et le racisme, en reconnaissant la contribution des migrants à la société et en s’abstenant de qualifier les migrants en situation irrégulière d’"illégaux" ou de "clandestins"; dénoncer et combattre les stéréotypes sur les migrants, notamment sur les jeunes migrants de sexe masculin;
- Renforcer les connaissances empiriques et favoriser un débat public équilibré sur les causes, les problèmes et les avantages de la migration en vue d’alimenter les politiques nationales; favoriser la prise en compte du point de vue des migrants dans les forums politiques et publics, en invitant par exemple les migrants, les groupes de la société civile et les partenaires sociaux à participer aux débats parlementaires, notamment par le biais des auditions publiques et des auditions des commissions;
- Prendre l’initiative de communiquer de façon rationnelle et factuelle sur la question des migrations, tout en gardant à l’esprit la dimension humaine du problème;
- Promouvoir une législation qui permette de lutter contre la discrimination, y compris en interdisant celle fondée sur la nationalité et la situation migratoire, ainsi qu’une législation pénale visant les discours de haine, conformément au Plan d’action de Rabat sur l’interdiction de l’appel à la haine nationale, raciale et religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence, dont la mise en œuvre est pilotée par l’ONU, afin de trouver un juste équilibre entre la liberté d’expression et la nécessité vitale de protéger les personnes et les communautés contre la discrimination et la violence, ainsi que le prévoit le droit international;
- Soutenir et renforcer les contributions de la diaspora, notamment en facilitant leurs transferts de fonds et investissements et en assurant leur participation aux décisions nationales;
- Promouvoir la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, les objectifs concernant les migrants (cible 8.8 sur la protection des droits des travailleurs migrants, en particulier les femmes et les personnes en situation vulnérable, et cible 10.7 sur les politiques de migration planifiées et bien gérées) ainsi que la ventilation systématique des données par statut migratoire.
Note : vous pouvez télécharger une version électronique du texte intégral de la brochure "Résultats de la 133ème Assemblée et réunions connexes de l'Union interparlementaire" au format PDF (taille du fichier 1050 Ko). Cette version nécessite Adobe Acrobat Reader que vous pouvez télécharger gratuitement. | |
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