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ENVIRONNEMENT ET DEVELOPPEMENT : LES VUES DES PARLEMENTAIRES SUR LES ORIENTATIONS ESSENTIELLES DE LA CONFERENCE DES NATIONS UNIES SUR L'ENVIRONNEMENT ET LE DEVELOPPEMENT ET SUR LES PERSPECTIVES QU'ELLE OUVRE

Déclaration adoptée à l'unanimité par la 87e Conférence interparlementaire
(Yaoundé, 11 avril 1992)


I. DECLARATION DE PRINCIPES POUR UNE PLANETE VIABLE

1) Vingt ans après la Conférence de Stockholm, la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED), qui se tiendra à Rio de Janeiro, est chargée d'aborder les questions écologiques dans la perspective d'un développement durable, défini par la Commission Brundtland comme étant un "développement qui réponde aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs".

2) La Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED) est une excellente occasion de traiter certains des problèmes mondiaux les plus urgents. Pour la première fois dans l'histoire, les responsables politiques de tous les pays du monde se rencontreront pour garantir un développement durable, c'est-à-dire pour "améliorer les conditions d'existence des communautés humaines tout en restant dans les limites de la capacité de charge des écosystèmes", selon la définition formulée dans "Sauver la Planète, Stratégie pour l'avenir de la vie" (UICN, PNUE, WWF, 1991).

3) Elle devra donc placer la notion d'interdépendance au centre de ses réflexions : interdépendance dans le temps entre les générations actuelles et les générations futures, interdépendance géographique entre les continents, les régions et les Etats, interdépendance entre les grands problèmes de l'humanité et l'environnement (croissance démographique, santé, pauvreté, urbanisation incontrôlée), interdépendance enfin entre les pays du Nord - dont le développement s'est accompagné d'un gaspillage de ressources et d'une accumulation sauvage de déchets, et qui sont à l'origine de près des deux tiers de la pollution mondiale - et les pays du Sud qui se trouvent acculés, faute de moyens, à renoncer à leurs richesses et à compromettre leur environnement sans pour autant réussir à produire le minimum nécessaire à une existence satisfaisante;

4) Parallèlement à la recherche de solutions aux problèmes sectoriels de l'environnement, la CNUED devrait fixer des objectifs généraux permettant de parvenir à un développement durable : intégration des considérations relatives à l'environnement et au développement au stade initial de la prise de décision économique, stabilisation de la croissance démographique et réduction du gaspillage, respect de la nature et de l'environnement géographique et culturel, et suppression de la pauvreté, répartition équitable des richesses, rejet du système de la consommation et adoption de nouvelles valeurs sur lesquelles fonder le développement.

5) Ces objectifs sont l'affaire des Etats mais aussi et surtout de tous les individus. L'éducation, vecteur indispensable d'une prise de conscience collective sans laquelle les décisions politiques resteront lettre morte, doit donc jouer un rôle clé.

6) Mais le succès ne sera pas facile. Concilier d'une part les préoccupations relatives au développement et celles relatives à l'environnement, et d'autre part la recherche de l'équité et celle de l'efficacité constituent des tâches immenses. L'économie de la plupart des pays en développement ne cesse de se détériorer, en grande partie du fait de l'inégalité qui caractérise les relations économiques internationales. Cette situation et les problèmes qui en découlent en ce qui concerne la dette, le financement du commerce et du développement, le transfert de technologies et les activités des sociétés transnationales, aggravent la dégradation de l'environnement dans ces pays. Il convient à la fois d'adopter le principe d'une croissance économique qui soit suffisante pour répondre aux besoins et aux aspirations des populations tout en évitant consommation excessive et gaspillage, et d'appliquer des politiques tendant à réduire les taux de croissance démographique. Ce principe et ces politiques ainsi que la recherche d'un système économique international plus juste sont des objectifs essentiels de toute stratégie visant une protection et une amélioration rationnelles de l'environnement.

7) Pour aboutir, les efforts déployés en faveur d'un développement durable doivent entraîner une modification importante de l'ordre des priorités dans la gestion des ressources limitées du monde. En même temps, il convient d'encourager la démocratisation à tous les niveaux, ainsi que de reconnaître le rôle des femmes et la nécessité de leur pleine et entière participation, et d'en tenir compte dans les initiatives nationales, régionales et internationales et lors de l'élaboration de stratégies futures. Celles-ci doivent s'accompagner d'une sensibilisation à l'environnement et d'une large participation aux processus de prise de décision.

8) La nature complexe des problèmes qui se posent appelle des politiques fondées sur le principe de la prévention. Les mesures à prendre dans le domaine de l'environnement doivent prévoir, prévenir et combattre les causes de la dégradation. En cas de risque de détérioration grave ou irréversible, l'absence de certitude scientifique ne devrait pas servir de prétexte pour reporter les mesures visant à prévenir une telle détérioration.

9) Le développement durable exige une répartition équitable des ressources de la planète entre les sociétés du temps présent, compte tenu des besoins des générations futures. Les pays industrialisés et les pays en développement ont donc un rôle commun mais différent à jouer dans la lutte contre la dégradation de l'environnement. Ayant consommé une part largement disproportionnée des ressources de la planète, les pays nantis devraient être les premiers à entreprendre une action vigoureuse pour protéger l'environnement chez eux et à dégager les ressources financières et techniques nécessaires pour un développement durable dans le monde. En même temps, les pays en développement devraient réexaminer leurs priorités en matière de dépenses nationales afin de les rendre supportables.

10) La réalisation du développement durable exige une transformation radicale de la société. L'action entreprise à cet effet doit s'inspirer des principes de rendement économique et de souplesse institutionnelle. L'objectif général doit être de maximiser les avantages pour le développement à un coût minimum pour l'environnement et de tenir compte dans les prix de la totalité du coût écologique de toute activité économique.

11) La réalisation d'un développement durable à l'échelle mondiale exige une conception forte et imaginative de la gestion de la planète. Une volonté politique s'impose pour réformer et revitaliser les institutions mondiales existantes. Il importe tout particulièrement d'établir des mécanismes de contrôle qui soient transparents afin de garantir une réelle vérification du respect universel des traités et protocoles internationaux.

II. IDEES DIRECTRICES SUR LES GRANDES QUESTIONS TRAITEES A LA CNUED

12) Nous lançons un appel à tous les Gouvernements participants pour qu'ils s'engagent résolument à contribuer au succès de la CNUED. Il faut en premier lieu que la Charte de la Terre soit adoptée. Elle devrait établir les principes directeurs dont toute action dans le domaine de l'environnement devrait s'inspirer.

13) De plus, nous attendons des Gouvernements participant à la CNUED qu'ils signent et mettent en oeuvre une convention cadre sur les changements climatiques, qui fixe des objectifs et établisse un calendrier d'application. Il faudrait également adopter une convention cadre sur la diversité biologique ainsi qu'une déclaration de principes pour une exploitation et une gestion durables de tous les types de forêt. Outre la signature de ces conventions et l'adoption de ces principes, les parties devraient convenir d'une stratégie ambitieuse pour la négociation de protocoles concrets portant, par exemple, sur la nécessité de réduire davantage les émissions de gaz à effet de serre. Le respect des obligations nationales doit aller de pair avec une coopération internationale fondée sur des approches rentables et souples. Ces conventions et protocoles doivent à la fois avoir une portée universelle et différencier les responsabilités des pays industrialisés et des pays en développement.

14) Nous soulignons la nécessité de mettre en place un Programme "Action 21" qui soit ambitieux, concret, correctement financé et qui comporte des dispositions détaillées fixant des objectifs et des priorités mesurables, assortis d'échéances précises. Ce programme devrait porter sur des mesures nationales et régionales, ainsi que sur une action coordonnée des institutions internationales en déterminant clairement à quelle partie il incombe de prendre un engagement donné. Etant donné le lien qui unit l'environnement et le développement, il convient d'accorder une importance particulière aux problèmes de l'environnement qui menacent les écosystèmes et, en conséquence, aux priorités en matière de développement : par exemple, dégradation des sols, épuisement et pollution des ressources en eau, érosion des sols, désertification, pluies acides, appauvrissement de la couche d'ozone, surpêche, abattage excessif des arbres, pollution des côtes et des mers. Ce Programme "Action 21" devrait aussi prévoir un cadre mondial de gestion pour la pollution marine d'origine tellurique, établir un calendrier strict pour l'élimination progressive des matières dangereuses et inciter tous les pays industrialisés à rechercher des solutions inoffensives.

15) Nous appelons tous les Gouvernements, en particulier ceux des Etats côtiers, à viser un développement durable des ressources de la mer en :

  • adoptant des mesures propres à gérer de manière rationnelle les réserves de poissons et à protéger l'environnement marin;
  • veillant à ce que les politiques en matière de pêche comportent des règles relatives à la gestion des réserves situées à la bordure des eaux territoriales de deux pays;
  • donnant pleinement effet aux règles du droit international applicables à la haute mer, énoncées dans les dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, qui devrait d'urgence être ratifiée par au moins 60 pays;
  • accordant une attention particulière à la nécessité de protéger les pêcheries des pays en développement situées à l'intérieur et au-delà de la limite des 200 milles.

16) De graves contraintes financières compromettent la réalisation d'un développement durable dans les pays en développement. A la CNUED, les pays industrialisés devraient s'engager à accroître notablement le transfert de ressources financières dans les pays en développement, de façon à améliorer les conditions de vie et de travail en faisant disparaître la pauvreté et en mettant fin à la dégradation de l'environnement. L'aide conventionnelle au développement durable devrait atteindre le plus tôt possible l'objectif convenu de 0,7 pour cent du PNB. De plus, pour pouvoir jouer leur rôle dans la protection de l'environnement mondial, les pays en développement devraient bénéficier de ressources supplémentaires. Il conviendrait de s'entendre sur des directives et des objectifs pour alléger davantage et supprimer la dette ainsi que sur des conditions financières préférentielles qui reflètent la nécessité d'une répartition équitable des charges. Les institutions actuellement responsables de la gestion de la crise de la dette devraient être invitées à élaborer les réformes nécessaires.

17) Nous attirons l'attention des pays en développement sur le fait que la pression démographique épuise les ressources naturelles et fait obstacle au développement. L'augmentation et le caractère excessif des taux de croissance démographique sont dans une large mesure responsables de la détérioration de l'environnement, mais l'urbanisation, la densité démographique, les rapports de dépendance économique, le pourcentage de la population au chômage, l'analphabétisme et un comportement social négatif ont également une incidence à la fois sur l'environnement et sur le développement. Il est possible de réduire la pression démographique en offrant une meilleure planification familiale et de meilleurs soins maternels et infantiles comme le prévoit le Programme "Action 21".

18) Nous demandons instamment aux nations industrialisées de coopérer avec les pays en développement pour mettre au point des technologies respectueuses de l'environnement et garantir l'accès à celles-ci, en vue d'augmenter le transfert de ces technologies sur une base équitable. Les transactions commerciales jouant un rôle important dans ce transfert, la CNUED devrait encourager des formes novatrices de partenariat entre le secteur industriel, les Gouvernements et les ONG afin de favoriser davantage un tel processus aux niveaux national et international. Dans l'élaboration de stratégies pour le transfert des technologies, il faudrait accorder une attention particulière à l'éducation, à la formation, à l'amélioration de la législation et au développement des capacités de gestion, afin d'assurer une adaptation et une application efficaces des technologies disponibles ainsi que de prévenir toute utilisation inappropriée de ces technologies. De plus, le transfert de technologies respectueuses de l'environnement ne devrait pas entraîner de charges économiques ou financières déraisonnables pour les pays en développement quant aux marques de fabrique et au droit d'auteur. Enfin, il convient de renforcer la capacité qu'ont les pays en développement d'absorber les technologies et de se doter de technologies indigènes.

19) L'énergie est une force motrice inestimable du développement économique, mais, en même temps, la production, la distribution et l'utilisation de cette énergie sont à l'origine de certains des problèmes écologiques et politiques les plus pressants du monde. En outre, le mode actuel d'exploitation de l'énergie n'est pas viable, en particulier dans les pays industrialisés. Nous invitons la CNUED à établir un ensemble de principes directeurs et de priorités pour une production et une consommation durables de l'énergie. Cette stratégie devrait être fondée sur la promotion de réformes institutionnelles, les économies d'énergie et l'adoption de sources d'énergie renouvelables d'origine non nucléaire.

20) Les pratiques existantes du commerce international créent un déséquilibre car elles ne prennent pas pleinement en compte les besoins des pays en développement et ne reflètent pas le coût écologique qu'entraînent pour l'environnement la production, le transport et la consommation des biens et services. En conséquence, la CNUED devrait promouvoir une coopération économique internationale qui permette de modifier la structure actuelle de l'économie mondiale afin d'instaurer une forme d'économie de marché qui soit acceptable d'un point de vue tant écologique que social. Une restructuration du commerce international, qui place les pays en développement sur un pied d'égalité, est un point de départ important pour le développement futur de tous les pays et pour la lutte contre la pauvreté.

III. SUIVI ET MISE EN OEUVRE

21) Nous soulignons la nécessité de mettre en place des mécanismes qui soient transparents, solides, et dotés d'une réelle autorité afin d'assurer la continuité du processus amorcé à la CNUED. Les Gouvernements devraient saisir l'occasion offerte par la CNUED pour revitaliser les institutions qui traitent actuellement de l'environnement et du développement. Il conviendrait également d'examiner la nécessité de se doter de nouvelles institutions, mais aucune ne devrait être créée, qui ne réponde pas aux besoins spécifiques non couverts par les organisations existantes. Il faut tenir compte du fait que la responsabilité de toute activité devrait être exercée au niveau le plus proche de la population concernée, c'est-à-dire à celui qui permet la gestion la plus efficace. Le Secrétaire général des Nations Unies devrait instituer un mécanisme responsable devant les plus hautes instances des Nations Unies pour évaluer les besoins, élaborer des politiques, entreprendre et coordonner les mesures nécessaires à un développement durable, assurer leur suivi et faire rapport à ce sujet.

22) Les mesures nationales tiendront une place capitale dans le suivi des décisions et des priorités de la CNUED. Nous prions instamment les Gouvernements de procéder à un examen critique des politiques, des stratégies et des institutions nationales axées sur un développement durable et d'en proposer de nouvelles, au besoin. Il importe d'adopter rapidement des stratégies nationales pour le développement durable ainsi que d'autres mesures nationales et régionales qui confèrent dynamisme et souplesse aux conventions et protocoles mondiaux. Les systèmes de comptabilité nationale devraient être adaptés pour tenir compte en termes réels de la valeur des ressources naturelles. A la CNUED, les Gouvernements devraient prendre l'engagement ferme de présenter des rapports d'évaluation annuels, qui seraient examinés par des groupes internationaux d'experts indépendants placés sous le contrôle du PNUE et transmis à l'Assemblée générale des Nations Unies.

23) Au niveau international, les réformes envisagées en matière d'environnement ne peuvent aboutir que si les Gouvernements font preuve de la volonté politique nécessaire. En particulier, nous prions instamment les participants à la CNUED d'améliorer leurs résultats en matière d'environnement en s'engageant à mettre en place des mécanismes permettant une surveillance efficace de la qualité de l'environnement et une évaluation des coûts et des avantages du développement. Les résultats de cette surveillance et de cette évaluation devraient être contrôlés par des experts indépendants.

24) Nous attachons une grande importance à ce que le PNUE joue un rôle plus significatif et soit plus efficace au sein de la famille des institutions des Nations Unies. De plus, toutes les institutions des Nations Unies et les banques multilatérales de développement devraient être appelées à publier régulièrement des objectifs et stratégies environnementaux compatibles avec un développement durable.

25) En ce qui concerne les mécanismes financiers, il faudrait commencer par rechercher des ressources supplémentaires sans créer de nouveaux fonds.

26) Les questions liées à l'environnement local relèvent des politiques de développement nationales et donc des mécanismes d'aide bilatérale et multilatérale. Pour s'attaquer aux questions relatives à l'environnement mondial, il faut un financement spécifique, provenant en particulier du Fonds pour l'environnement mondial (FEM). Le fonctionnement du FEM devrait être modifié de manière à associer les pays en développement à la définition de ses objectifs et à étendre son champ d'application à la désertification et aux ressources en eau.

27) Une meilleure coordination s'impose à tous les niveaux entre les pays donateurs, les institutions et les bénéficiaires si l'on veut que l'aide au développement durable soit plus efficace.

28) Les engagements et obligations ayant une incidence pratique au niveau national devraient constituer la pierre angulaire de tous les traités relatifs au développement durable.

Il faudrait toutefois établir des mécanismes qui facilitent une coopération transfrontière et transrégionale afin de parvenir à un rapport coût-efficacité optimum, par exemple, des mécanismes d'échanges permettant aux pays industrialisés d'investir dans des projets de pays en développement, qui aboutissent à des solutions meilleures et moins coûteuses pour l'environnement.

29) Les réformes mondiales devront aller au-delà de la révision des mécanismes institutionnels. Nous engageons les Gouvernements, à travers la CNUED, à ouvrir le système de coopération internationale à une plus grande participation populaire. Il conviendrait aussi d'encourager et d'accroître l'apport de la communauté scientifique et des organisations non gouvernementales aux conventions sur l'environnement et le développement, et de le structurer de manière à concilier les préoccupations d'ordre pratique et celles relatives à la légitimité scientifique et à la participation populaire.

30) Nous renouvelons notre volonté que la CNUED aboutisse à des résultats concrets. Nous prendrons connaissance avec intérêt de ses décisions, en analyserons les résultats et en étudierons le suivi lors de la Conférence interparlementaire sur l'environnement et le développement, qui aura lieu à Brasilia du 23 au 28 novembre 1992.


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