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RESPECT DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE ET APPUI A L'ACTION HUMANITAIRE DANS LES CONFLITS ARMES

Résolution adoptée sans vote par la 90e Conférence interparlementaire
(Canberra, 18 septembre 1993)


La 90e Conférence interparlementaire,

considérant :

a) que les faits qui se produisent sur les théâtres des conflits armés contemporains sont inacceptables et doivent provoquer une réaction vigoureuse de la communauté internationale dont les Parlements sont l'une des principales expressions,

b) que les règles et les principes fondamentaux du droit international humanitaire sont un ensemble de valeurs universellement acceptées par la communauté internationale,

c) que les efforts pour mettre en oeuvre ces règles et principes à l'échelon national sont insuffisants,

d) que les règles essentielles du droit international humanitaire sont encore mal connues de ceux qui doivent les appliquer,

e) que la coordination et la concertation des actions et des approches entre les différents acteurs de l'aide humanitaire internationale n'ont pas encore permis de répondre avec la rapidité et l'ampleur nécessaires aux immenses besoins engendrés par les conflits armés,

f) que les moyens financiers et humains consacrés à la protection des victimes des conflits armés sont insuffisants,

déplorant que la population civile soit souvent la principale victime des hostilités et des actes de violence perpétrés au cours des conflits armés,

dénonçant en particulier les opérations de purification ethnique, le génocide, l'agression militaire contre le territoire d'autres Etats, les actes militaires barbares perpétrés à l'encontre des civils, la destruction des maisons et des biens de ceux-ci, les actes de coercition dont ils font l'objet pour quitter leurs villes et villages, actes que certains Etats commettent eux-mêmes ou laissent commettre, bafouant ainsi les principes du droit international humanitaire et de toutes les chartes et pratiques internationales,

dénonçant en outre la recrudescence de la violence sexuelle systématique dirigée contre les femmes et les enfants, qui constituent des infractions graves au droit international humanitaire,

déplorant que les méthodes et les moyens utilisés lors des conflits armés internes provoquent de graves souffrances,

rappelant le lien existant entre les actions ayant pour but de prévenir les conflits armés et les actions visant à faire respecter les normes humanitaires dans les conflits, notamment dans le domaine du désarmement et des droits de l'homme,

affirmant sa conviction que le droit international humanitaire, en préservant des espaces d'humanité, au coeur même des conflits armés, maintient ouvertes les voies de la réconciliation et contribue non seulement au rétablissement de la paix entre les belligérants, mais à l'harmonie entre tous les peuples,

regrettant que le droit international humanitaire ne revête pas encore un caractère universel puisqu'à l'heure actuelle environ un tiers des Etats ne sont pas liés par les Protocoles additionnels aux Conventions de Genève, de 1977, et que seuls 36 Etats sont liés par la Convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques de 1980 et 82 Etats par celle sur la protection des biens culturels de 1954,

regrettant en outre de voir l'effort international de secours et de protection déployé pendant les conflits armés - soit dans le cadre des institutions et organes compétents des Nations Unies, soit dans le cadre du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et des autres organisations humanitaires tant internationales que régionales - se heurter à de graves difficultés et dangers, dont le refus des parties au conflit ou de l'une d'elles de composer avec ces organisations, le blocage des actions humanitaires, les attaques dirigées contre le personnel humanitaire, les vivres et les secours, le refus des parties au conflit d'acheminer les vivres aux victimes et de laisser les organismes de secours accéder aux prisonniers de guerre et aux civils détenus,

déplorant le fait que les dispositions actuelles du droit humanitaire accordent une protection insuffisante aux personnes chargées du maintien et de l'établissement de la paix,

déplorant le nombre croissant de journalistes et de professionnels des médias, qui sont tués, blessés ou enlevés sur le champ de bataille,

se félicitant que l'Organisation des Nations Unies ait récemment réaffirmé la notion d'assistance humanitaire, qui englobe le secours porté aux populations civiles et l'idée de la création d'une part de couloirs de sécurité pour assurer l'acheminement sans entrave de cette aide aux victimes et d'autre part, de "zones protégées" établies par décision de l'ONU, à défaut d'une initiative des parties au conflit, et placées sous la responsabilité du personnel civil et militaire des Nations Unies et/ou d'organisations humanitaires internationales,

se félicitant de l'adoption, le 1er septembre 1993, par la Conférence internationale pour la protection des victimes de la guerre, à Genève, d'une déclaration solennelle par laquelle les Etats affirment, entre autres, leur volonté de respecter et de faire respecter le droit international humanitaire,

saluant la décision, prise à l'unanimité en mai 1993 par le Conseil de sécurité, de mettre en place un tribunal pour juger les criminels de guerre accusés d'avoir commis des actes de génocide, de viols, de torture et de purification ethnique, ainsi que d'autres violations graves du droit international humanitaire sur le territoire de l'ancienne Yougoslavie,

rappelant la résolution adoptée par la 76e Conférence interparlementaire à Buenos Aires, le 11 octobre 1986, sur la contribution des Parlements à l'application et à l'amélioration du droit humanitaire international relatif aux conflits armés,

1. invite tous les Etats n'ayant pas encore adopté les instruments énumérés ci-dessous à examiner ou à réexaminer sans délai la possibilité de le faire rapidement :

a) les Protocoles additionnels du 8 juin 1977 relatifs à la protection des victimes des conflits armés internationaux (I) et non internationaux (II);

b) la Convention du 10 octobre 1980 sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination;

c) la Convention du 14 mai 1954 sur la protection des biens culturels en cas de conflit armé;

d) la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et son Protocole du 31 janvier 1967;

2. invite en outre :

a) les Etats qui ont adopté le Protocole additionnel I de 1977 à faire la déclaration prévue à l'article 90 sur la compétence générale de la Commission internationale d'établissement des faits;

b) les parlements et les gouvernements à veiller à ce que les résolutions des Nations Unies sur les questions humanitaires soient dûment appliquées et à adopter à l'échelon national des mesures destinées à mettre en oeuvre les normes du droit international humanitaire, en particulier en incorporant dans leur législation des sanctions dissuasives pour empêcher la violation de ces normes et en examinant la possibilité de créer ou d'activer des commissions interministérielles ou de charger un bureau ou un délégué de suivre et de coordonner les mesures à prendre sur le plan national;

c) tous les Etats à mettre en oeuvre des programmes d'éducation et d'information destinés à mieux faire connaître et respecter le droit international humanitaire;

d) les gouvernements à faire mieux connaître le droit international humanitaire aux membres des forces armées;

e) tous les Etats à rappeler aux commandants militaires qu'ils sont tenus de faire connaître à leurs subordonnés les obligations découlant du droit international humanitaire, de tout mettre en oeuvre pour éviter que des infractions ne soient commises et, lorsqu'elles le sont, de les réprimer ou de les dénoncer aux autorités;

f) le Comité international de la Croix-Rouge à s'associer à la préparation d'une conférence destinée à réviser la Convention de 1980 sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques, pour étudier la question des armes qui aveuglent et des mines qui mutilent les civils;

g) tous les Etats à prendre les dispositions nécessaires pour que soient signalées et identifiées les personnes et les biens protégés en vertu du droit international humanitaire;

h) tous les Etats à tout mettre en oeuvre pour protéger les agents contre les belligérants et les criminels de droit commun ainsi que pour garantir l'immunité que devraient assurer les emblèmes de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge;

i) tous les Etats à comprendre le sens de l'action humanitaire afin de ne pas l'entraver, à assurer la rapidité et l'efficacité des opérations de secours en garantissant un accès sûr aux régions touchées, à prendre les mesures qui s'imposent pour renforcer le respect de la sécurité et de l'intégrité des organisations humanitaires;

j) tous les Etats à négocier des règles distinctes de droit humanitaire, visant la protection efficace des personnes chargées du maintien et de l'établissement de la paix;

k) tous les Etats à veiller à ce que les journalistes en mission périlleuse dans les zones de conflit armé bénéficient des mesures de protection prévues à l'article 79 du Protocole 1 aux Conventions de Genève de 1949 :

l) tous les Etats engagés dans des conflits armés à utiliser les services de la Commission internationale d'établissement des faits pour enquêter sur toute violation du droit international humanitaire, y compris dans les conflits armés internes;

m) tous les Etats à appuyer l'ensemble des travaux en cours ou prévus visant à renforcer, sur le plan international, les moyens de réprimer les crimes de guerre;

n) tous les Etats à étudier des procédures permettant la réparation des dommages causés aux victimes de violations du droit international humanitaire et une indemnisation qui permettent à ces victimes de bénéficier effectivement des prestations auxquelles elles ont droit;

o) tous les Etats à agir en coopération avec l'Organisation des Nations Unies et conformément à sa Charte, en particulier aux principes fondamentaux relatifs au respect des droits de l'homme dans tous les pays, en vue de prendre les mesures nécessaires pour faire appliquer le droit international humanitaire;

3. rend hommage au Comité international de la Croix-Rouge (CICR), au Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et aux autres organismes de secours internationaux, invite les gouvernements à accroître leur contribution au financement de ces institutions et salue le dévouement et le courage du personnel de ces organisations;

4. recommande au Conseil interparlementaire de créer un comité chargé de suivre la question du respect du droit international humanitaire, notamment l'état de ratification des conventions et protocoles ainsi que le suivi sur le plan national qui fera régulièrement rapport au Conseil interparlementaire, lors de la seconde session annuelle de celui-ci, et ce dès 1994.


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