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LA BIOETHIQUE : ENJEU INTERNATIONAL POUR LA PROTECTION DES DROITS DE LA PERSONNE

Résolution adoptée par consensus par la 93e Conférence interparlementaire
(Madrid, 1er avril 1995)


La 93e Conférence interparlementaire,

considérant que les progrès scientifiques et technologiques, en particulier ceux qui concernent la médecine et la biologie humaines, font partie du patrimoine de l'humanité et doivent être analysés de façon approfondie, rationnelle et objective,

considérant en outre que l'application de ces progrès présente indéniablement des avantages et des inconvénients, en fonction, essentiellement, de l'utilisation qui en est faite,

affirmant que les avancées de la biologie et de la médecine doivent bénéficier aux générations présentes et futures,

consciente de l'importance des préoccupations et des questions soulevées par ces avancées biologiques et médicales, et sachant qu'elles ne peuvent être résolues par les seules règles professionnelles et déontologiques des milieux scientifiques et médicaux mais doivent faire l'objet d'un large débat public avant que les instances politiques compétentes ne rendent leurs décisions finales,

considérant que l'information générale joue un rôle décisif car elle permet aux citoyens d'exprimer un avis éclairé au sujet des progrès scientifiques et techniques,

estimant que la bioéthique doit permettre de concilier l'impératif de la liberté de la recherche avec le primat de la protection de la personne et la sauvegarde de l'humanité,

rappelant que cette réflexion éthique s'inscrit dans le prolongement de la Déclaration universelle des droits de l'homme et des conventions et des accords internationaux relatifs à la protection des droits de l'homme, ainsi que du Code de Nuremberg, de la Déclaration d'Helsinki de l'Association médicale mondiale et de la Déclaration de Manille du Conseil des organisations internationales des sciences médicales,

soulignant que ces questions de bioéthique sont au coeur des travaux de plusieurs institutions internationales,

considérant, en conséquence, qu'elle doit promouvoir, dans le respect des valeurs culturelles, sociales et religieuses, les principes et droits universels suivants :

  • l'inviolabilité du corps humain et l'intangibilité du patrimoine génétique de l'espèce humaine;
  • l'indisponibilité de la personne qui interdit que le corps humain ou ses éléments, notamment les gènes humains et leurs séquences, puissent faire l'objet d'un commerce et d'un droit patrimonial;
  • l'anonymat du donneur et du receveur dans les dons d'organes ou de produits humains, sous réserve des exceptions prévues dans les lois nationales;
  • l'obligation de recueillir le consentement libre et éclairé de toute personne qui se prête à des recherches biomédicales, et la définition de règles protégeant les populations vulnérables, plus particulièrement dans les pays en développement, et les personnes vulnérables, notamment les enfants, les personnes incapables, les personnes privées de liberté et les malades en situation d'urgence;
  • l'encadrement des possibilités de recherche sur les embryons, notamment ceux issus des procédures d'assistance médicale à la procréation, et des applications qui en découlent, afin d'éviter des dérives eugéniques sélectives, notamment celles qui reposent sur des considérations de sexe;
  • le droit de bénéficier du progrès scientifique et de ses applications, sans discrimination aucune;
  • le droit de toute personne, notamment l'enfant, d'être protégée contre toutes les formes de commerce et d'exploitation;

rappelant que les parlements, représentants de la volonté populaire, sont les garants de la protection des libertés et des droits fondamentaux de la personne,

1. souligne l'urgence qu'il y a :

  • à élaborer au niveau mondial un corps de principes communs respectueux de la diversité des cultures, des croyances, des valeurs spirituelles et des héritages historiques;
  • à interdire tout profit qui serait tiré du corps humain ou de parties du corps humain, sous réserve des exceptions prévues par la loi;
  • à interdire la brevetabilité des gènes humains;
  • à organiser une réelle sécurité sanitaire au niveau international;
  • à assurer un juste partage des connaissances et des avancées résultant des recherches scientifiques et des nouvelles pratiques médicales, notamment au bénéfice des pays en développement, pour remédier aux déséquilibres constatés dans ce domaine entre eux et les pays développés;
  • à ne permettre l'utilisation d'informations personnelles dans le secteur médical et au cours des procédures judiciaires que dans les conditions prévues par la loi;

2. invite les gouvernements et les parlements à fournir à la population des informations précises sur les questions relatives à la bioéthique, notamment dans les domaines de la biologie et de la médecine humaines, et encourage un débat suivi sur ces questions;

3. préconise une éducation en matière de bioéthique à tous les niveaux de l'enseignement;

4. prie instamment les Etats de créer des comités nationaux d'éthique chargés de veiller à la protection et au respect de la dignité, de la liberté, de l'identité et de l'intégrité de la personne dans les recherches biomédicales, s'ils le souhaitent en coopération avec le Comité international de bioéthique de l'UNESCO;

5. engage les parlements nationaux à définir un cadre juridique qui réglemente, d'un point de vue éthique, la recherche biomédicale et biologique et ses implications pour la personne humaine;

6. prie instamment les parlements et les gouvernements des pays en développement où existent des conditions culturelles, sociales et économiques favorables à la recherche génétique d'en suivre et d'en contrôler le déroulement, et de garder à l'esprit le risque d'exploitation des connaissances locales par des sociétés non locales;

7. propose que, une fois la Convention de bioéthique (Conseil de l'Europe) entrée en vigueur, les Etats non membres du Conseil de l'Europe soient aussi nombreux que possible à se prévaloir de la possibilité d'adhérer à la Convention et lui donnent ainsi un caractère universel;

8. recommande aux gouvernements de promouvoir en matière de bioéthique une réelle coopération internationale qui fasse l'objet d'un suivi et d'une évaluation dans le cadre de l'Union interparlementaire, en liaison avec les organisations intergouvernementales et internationales compétentes.


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