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LA PROTECTION DES MINORITES, QUESTION UNIVERSELLE, ET CONDITION INDISPENSABLE A LA STABILITE, LA SECURITE ET LA PAIX

Résolution adoptée sans vote par la 95e Conférence interparlementaire
(Istanbul, 19 avril 1996)


La 95e Conférence interparlementaire,

considérant que les bouleversements de l'histoire ont montré que la protection des minorités est essentielle à la stabilité, la sécurité et la paix internationales,

constatant que, depuis la fin de la guerre froide, les conflits internes figurent de plus en plus souvent au nombre des préoccupations politiques de la communauté internationale,

consciente que toutes les formes de discrimination conduisent à l'intolérance et portent atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, notamment à ceux des minorités, et qu'en conséquence elles menacent le pluralisme démocratique ainsi que la stabilité, la sécurité et la paix aux niveaux national et international,

notant que, dans de nombreux pays du monde, les minorités exigent une protection particulière et revendiquent une plus grande participation à la prise des décisions politiques, et sachant que leurs représentants, invoquant le droit à l'autodétermination, demandent bien souvent l'autonomie et la sécession d'avec l'Etat souverain existant,

soulignant que les problèmes de minorités mettent souvent à l'épreuve la constitution démocratique des Etats, l'action des pouvoirs législatif et exécutif et la volonté de tolérance et de consensus des citoyens,

reconnaissant que la communauté internationale n'a cessé d'affirmer son attachement à la protection des minorités mais soulignant aussi la nécessité de défendre le respect des droits fondamentaux de l'individu et l'intégrité de l'Etat,

affirmant la nécessité de soutenir autant que possible la réalisation des quatre objectifs les plus importants, en politique intérieure comme en politique étrangère, pour promouvoir la paix, à savoir :

a) la protection de l'individu et le respect des droits de l'homme grâce à un régime démocratique fondé sur le droit,

b) la protection des personnes appartenant à des minorités et le respect de leurs droits politiques, sociaux, économiques, culturels et linguistiques,

c) le respect de l'intégrité des Etats existants,

d) la tolérance, la compréhension et la coopération, pour instaurer et maintenir la stabilité et la sécurité,

rappelant les engagements relatifs à la protection des minorités nationales contenus dans les conventions et déclarations des Nations Unies, en particulier la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques du 18 décembre 1992, la Déclaration sur l'élimination de toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction du 25 novembre 1981, la Déclaration et le Programme d'action de Vienne du 25 juin 1993 et la Convention n° 169 de l'Organisation internationale du Travail relative aux peuples indigènes et tribaux du 27 juin 1989,

rappelant également les engagements analogues pris par des organisations régionales, en particulier la Convention-cadre du Conseil de l'Europe pour la protection des minorités nationales du 1er février 1995 et sa Charte européenne des langues régionales ou minoritaires du 5 novembre 1992 ainsi que les documents de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE),

ayant à l'esprit les dispositions de l'article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui concerne les droits des personnes appartenant à des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques,

ayant également à l'esprit que les conventions et déclarations susmentionnées se sont malheureusement révélées insuffisantes pour imposer des normes de coexistence qui préviennent toute discrimination à l'égard de personnes ou de groupes, sans distinction de race, de religion, de nationalité, de sexe, de fortune ou de statut social, de particularités physiques ou d'idéologie politique,

sachant que la coexistence pacifique à l'intérieur des Etats ne peut être garantie que si les citoyens individuellement et les diverses minorités allient à leurs revendications un attachement aux principes de l'Etat de droit impartial et aux normes fondamentales du droit international, ainsi qu'au respect de ces principes et normes,

profondément préoccupée en particulier par l'augmentation récente du nombre des cas dans lesquels des conflits touchant à la protection des minorités et à leur droit de participation ont été délibérément déclenchés et ont tourné à la violence,

convaincue que l'oppression et la persécution de minorités sont les causes les plus fréquentes d'expulsions, de mouvements de réfugiés et de guerre, en particulier là où ces minorités sont privées, totalement ou en partie, du droit de développer leur culture et leurs traditions,

déplorant que, dans certains cas, l'intolérance et la violence touchant des minorités soient délibérément provoquées par des démagogues qui exploitent les préjugés latents à leurs propres fins et manipulent l'information,

consciente que le coût de la prévention des conflits par l'application des normes garantissant les droits des minorités est infime par rapport au coût des opérations de maintien de la paix,

sachant que le progrès en matière de droits des personnes appartenant à des minorités dépend de la dynamique du développement social et économique partout où des tensions entre nations, ethnies, religions ou races risquent de dégénérer en conflit,

sachant également qu'il faut parer activement à la constitution d'arsenaux dans les foyers de conflit potentiels,

appréciant les nombreux efforts entrepris pour prévenir et résoudre les problèmes relatifs aux minorités par l'Organisation des Nations Unies, notamment par sa Commission des droits de l'homme et par le Haut Commissaire aux droits de l'homme, ainsi que dans le cadre de l'OSCE, en particulier par son Haut Commissaire pour les minorités nationales,

rappelant les résolutions adoptées par les 81e, 87e et 92e Conférences interparlementaires à Budapest (1989), à Yaoundé (1992) et à Copenhague (1994) respectivement,

A. demande aux gouvernements et aux parlements :

1. d'améliorer le statut juridique des minorités, conformément aux conventions et déclarations régionales et internationales pertinentes telles que la Convention no. 169 de l'OIT relative aux peuples indigènes et tribaux;

2. de condamner les expulsions, la persécution et le nettoyage ethnique au plan national et dans le monde;

3. de dénoncer tous les actes de racisme, de xénophobie et de discrimination fondés sur la nationalité, la race, l'ethnie, la couleur, le sexe ou la religion, et de coopérer à l'élaboration de lois utiles à cet égard;

4. de régler les différends et les conflits impliquant des minorités nationales et ethniques, religieuses ou linguistiques par des moyens pacifiques et non violents et dans un esprit de tolérance et de respect mutuel, conformément à la Charte des Nations Unies et au droit international;

5. de prier instamment les pays d'une même région de conclure des traités bilatéraux ou multilatéraux pour réaliser les droits des minorités et, de ce fait, consolider le processus d'instauration de la confiance et promouvoir l'objectif ultime de la paix et de la sécurité;

6. d'encourager l'établissement de liens entre les organisations mondiales, transnationales et régionales en vue d'une action concertée de protection des minorités;

7. de renforcer encore les moyens dont disposent le Haut Commissaire aux droits de l'homme et le Centre pour les droits de l'homme pour axer leur action sur la mise en place de mécanismes d'alerte rapide afin d'éviter les conflits ayant pour origine des minorités et, si nécessaire, pour participer au règlement des conflits;

8. d'aborder les négociations sur la sauvegarde des droits des minorités dans un esprit ouvert et réceptif pour assurer l'intégrité territoriale de l'Etat, d'une part, et la plus grande protection possible des minorités et de leur droit de participation, d'autre part;

9. de venir en aide aux personnes appartenant à des minorités par le dialogue politique, le recours à des mécanismes de protection des droits de l'homme et des minorités et la fourniture de conseils d'experts;

10. de promouvoir l'instauration de conditions propres à permettre aux personnes appartenant à des minorités de conserver et de développer leur culture, et de préserver leur religion, leur langue, leurs traditions et leur patrimoine culturel;

11. de reconnaître que le droit à la liberté d'expression comprend le droit des personnes appartenant à une communauté nationale minoritaire d'exprimer des opinions et de recevoir et de communiquer des informations dans leur langue;

12. de veiller à ce que des personnes appartenant à des minorités aient accès aux médias et aient la possibilité de créer et d'utiliser des médias dans leur propre langue;

13. de reconnaître que les médias doivent être indépendants pour contribuer, comme ils le doivent, à la paix civile, notamment en cas de conflit touchant des minorités;

14. de reconnaître que les pouvoirs exécutif et législatif ont une responsabilité et un rôle particuliers en leur qualité de gardiens des droits de l'homme et de protecteurs des minorités;

15. de prendre des mesures pour préserver et promouvoir la coexistence pacifique et une coopération constructive entre les communautés vivant dans des sociétés multiculturelles;

16. de donner aux minorités la possibilité de faire connaître leurs intérêts et leurs objectifs au parlement et de les encourager à participer aux affaires publiques;

17. d'entamer un dialogue franc avec les instances de défense des droits de l'homme des organisations non gouvernementales et de manifester leur intérêt pour toute information et proposition de ces instances concernant les problèmes de minorités;

18. d'assurer :

a) l'égalité des personnes appartenant à des minorités pour ce qui est de l'accès à l'éducation à tous les niveaux, à la santé et à la protection sociale; et

b) le droit des minorités de recevoir une instruction dans leur propre langue, au moins dans le primaire;

19. d'attacher une grande importance aux dispositions que peuvent prendre les administrations locales et régionales pour tenir pleinement compte des besoins spécifiques des minorités à ces niveaux et d'envisager la nomination de médiateurs pour donner suite aux plaintes de personnes appartenant à des minorités;

20. de lever tous les obstacles au plein exercice par les minorités du droit d'accès à l'emploi et à l'égalité de traitement au travail pour réduire les tensions entre les minorités et le reste de la population nationale;

21. de veiller à la mise en oeuvre des mesures de protection des droits des minorités, de les examiner et de les analyser périodiquement pour garantir qu'elles contribuent effectivement à encourager l'instauration de sociétés stables, sûres et justes;

22. de prendre des mesures de confiance et d'autres initiatives concrètes pour encourager leurs minorités à s'inscrire dans le courant général de la nation et à favoriser ainsi leur intégration, rappelant la philosophie védique que résument deux mots sanscrits "Vasudheva Kutumbakam", ce qui signifie "le monde est ma famille";

23. de prier la Commission des droits de l'homme des Nations Unies de recenser les communautés minoritaires dans le monde et d'établir des directives générales sur la définition des minorités;

B. demande aux minorités et à leurs représentants :

1. de reconnaître que, de même qu'elles ont des droits qu'il faut protéger, les personnes appartenant à des minorités ont aussi le devoir et l'obligation de respecter l'ordre civil et la légalité;

2. d'oeuvrer au règlement pacifique de leurs problèmes et de ne pas employer la violence pour obtenir ce à quoi elles ont droit;

C. recommande aux parlements d'utiliser les mécanismes de la diplomatie parlementaire pour étudier et résoudre les questions concernant les minorités.


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