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PLACE DU PETIT-SACONNEX
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EMPLOI ET MONDIALISATION

Résolution adoptée sans vote* par la 98e Conférence interparlementaire
(Le Caire, 15 septembre 1997)


La 98e Conférence interparlementaire,

considérant que la mondialisation en cours ne portera ses fruits que si elle résulte d'une réflexion collective, d'une action commune et d'un débat d'idées et d'opinions représentant dans toute leur diversité les intérêts et les niveaux de développement socio-économique des peuples,

soulignant la tendance croissante à la mondialisation économique, caractérisée essentiellement par la libéralisation du commerce international, l'accroissement des investissements étrangers directs, la mondialisation des marchés monétaires et la confirmation du rôle que jouent les institutions financières internationales dans les politiques financières, monétaires et commerciales des Etats,

L'emploi

considérant que cette mondialisation s'opère dans une conjoncture économique mondiale caractérisée par la hausse du chômage dans la plupart des pays industrialisés, un chômage massif dans beaucoup de pays à économie autrefois planifiée, ainsi qu'une dégradation des conditions de vie des travailleurs dans un certain nombre de pays, en particulier les pays en développement,

estimant que le processus de mondialisation en cours peut favoriser la production et l'emploi à l'échelle mondiale et que l'accroissement du commerce international et des investissements peut aboutir à l'élargissement des marchés ainsi qu'à une meilleure répartition des ressources économiques mondiales, ce dont profiteront tous les Etats à des degrés divers,

consciente que la mondialisation économique entraîne des difficultés sur les marchés du travail des pays industrialisés qui craignent de perdre des emplois au profit des pays en développement dont le secteur des exportations est en expansion,

soulignant en particulier les effets négatifs que peut avoir la mondialisation sur l'emploi dans les pays en développement et en transition, lesquels se trouvent contraints de s'adapter à la nouvelle conjoncture mondiale marquée par une concurrence intense, tant régionale qu'internationale, au moment où la plupart de ces pays souffrent des problèmes que leur posent les déficits financiers internes et externes, le service de la dette, le chômage aggravé par l'accroissement démographique et l'extension de la pauvreté, auxquels s'ajoute l'alourdissement du coût social dont sont souvent assortis la libéralisation économique et le passage à l'économie de marché,

consciente qu'en traitant exclusivement l'aspect économique des problèmes engendrés par les réformes structurelles mises en oeuvre par les pays en développement, on suscite certaines difficultés sociales et politiques,

consciente en outre de la nécessité d'atténuer les difficultés que rencontrent les travailleurs des pays en guerre ou frappés d'embargo,

soulignant les principes et les critères établis dans le cadre de l'Organisation internationale du Travail et autres institutions spécialisées et organismes des Nations Unies concernant le respect des droits fondamentaux du travail,

Les travailleurs migrants

consciente que les circonstances économiques, les troubles sociaux, les catastrophes naturelles et diverses formes de persécution ont souvent contraint les travailleurs à chercher du travail là où ils peuvent le mieux assurer leur propre survie et celle de leur famille,

consciente également qu'il apparaît chaque jour plus clairement que pour survivre et prospérer sur les marchés mondiaux, où la technologie transforme les modes de production des biens et services, les entreprises vont devoir modifier leur gestion du personnel et réformer les relations employeur-employé,

constatant avec inquiétude qu'il y a quelque 42 millions de travailleurs migrants dans le monde, soit le chiffre le plus élevé jamais atteint,

s'inquiétant de la précarité de la situation juridique des travailleurs migrants dans certains pays et des pratiques de travail peu scrupuleuses auxquelles ces travailleurs sont en butte,

préoccupée par le fait que beaucoup de travailleurs migrants sont victimes de mauvais traitements et de violations des droits de la personne dans certains pays et que les travailleurs les plus vulnérables, ceux qui sont peu qualifiés et ceux qui sont employés dans les secteurs à faible rémunération, sont les plus exposés à ces abus,

saluant le travail accompli par un réseau d'associations locales, diverses organisations non gouvernementales et de nombreuses organisations d'ouvriers agricoles pour améliorer les conditions auxquelles sont confrontés les travailleurs migrants,

soulignant que les pays d'émigration sont tenus de protéger et de promouvoir les intérêts de leurs ressortissants à la recherche d'un travail ou travaillant dans d'autres pays, de leur donner une éducation et une formation adéquates et de les informer de leurs droits et des obligations des pays d'immigration,

rappelant la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 45/158 du 18 décembre 1990, ainsi que la Déclaration et le Plan d'action de Vienne adoptés le 25 juin 1993 par la Conférence mondiale sur les droits de l'homme, qui exhortent tous les Etats à garantir la protection des droits de l'homme de tous les travailleurs migrants, ainsi que la Déclaration et le Programme d'action de Copenhague adoptés par le Sommet mondial pour le développement social en mars 1995,

Le travail des enfants

consciente que l'exploitation de la main d'oeuvre enfantine est devenue une question prioritaire pour nombre de gouvernements,

considérant que l'exploitation économique des enfants est étroitement liée à la pauvreté et que les pays caractérisés par les taux d'analphabétisme les plus élevés, les taux de scolarisation les plus faibles et de graves carences alimentaires sont généralement ceux où la proportion d'enfants exploités économiquement est proportionnellement la plus élevée,

considérant également que le travail des enfants est tant une atteinte aux droits de la personne et qu'un problème de développement,

estimant que le problème du travail des enfants ne peut être résolu que par la collaboration d'un grand nombre d'organisations nationales et internationales, publiques et privées,

prenant en considération les efforts faits par la communauté internationale et les gouvernements nationaux pour faire face au problème du travail des enfants grâce aux plans d'action adoptés par le Sommet mondial pour les enfants en 1990 et par la Conférence sur l'éducation pour tous tenue à Jomtien en 1991, ainsi qu'à la Déclaration et au Programme d'action de Copenhague adoptés par le Sommet mondial pour le développement social en 1995,

rappelant que la Convention relative aux droits de l'enfant, adoptée en 1989 et ratifiée par 191 Etats, reconnaît notamment à l'enfant le droit d'être protégé " contre l'exploitation économique et de n'être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social " (article 32),

La 98e Conférence interparlementaire :

1. recommande que dans l'économie mondiale un équilibre strict soit respecté entre les intérêts des grandes puissances économiques et les droits des autres Etats, ce qui assurerait l'équité et garantirait la stabilité;

2. réaffirme l'objectif d'offrir à tous les demandeurs d'emploi un travail convenablement rémunéré et librement choisi;

3. demande instamment que lors de l'établissement des normes du travail, il soit tenu compte de la situation économique et sociale des pays en développement pour que ceux-ci puissent participer activement au commerce international et avoir librement accès aux marchés;

4. demande non moins instamment que les mêmes règles de droit international soient observées par tous les pays et leur soient appliquées sans aucune distinction;

5. recommande vivement que les institutions multilatérales d'aide et de financement adoptent des approches efficaces et élaborent des mécanismes d'aide aux pays du tiers monde grâce à des programmes spéciaux visant à les faire progresser sur la voie du redressement et du développement véritable, ce qui leur permettrait de renforcer leur infrastructure de base et leur production agricole et industrielle, tant quantitativement que qualitativement;

6. invite les pays développés et les organisations internationales à appuyer la création de capacités locales dans les pays en développement pour y améliorer la qualité des ressources humaines et y accroître les possibilités d'emploi;

7. prie instamment les pays développés d'encourager le secteur privé à investir dans les pays en développement pour y créer des emplois, et invite les gouvernements des pays en développement à adopter des politiques propices aux investissements étrangers directs;

8. recommande l'adoption de mesures au niveau international pour renforcer les relations et l'ouverture économique entre les Etats dans le cadre de la mondialisation de l'économie et pour réduire les inégalités et la pauvreté dans le monde entier;

L'emploi

9. demande aux Etats d'élaborer une vaste gamme de mesures d'ajustement du marché du travail visant avant tout à parer aux bouleversements qu'entraîne la restructuration de l'économie, en particulier ceux qui découlent du commerce international;

10. demande en outre aux Etats de prendre des mesures actives telles qu'aide à la recherche d'emplois et à l'acquisition de compétences, incitation à la mobilité, octroi de subventions salariales et de primes et autres moyens de stimuler l'emploi, ainsi que des mesures passives telles qu'incitation au départ à la retraite, aide aux chômeurs ou aide sociale et assurance-chômage;

11. souligne qu'il incombe à tous les pays de prendre la responsabilité de leur propre développement et qu'ils doivent avoir la possibilité de le faire, et que les institutions de prêts doivent éviter d'imposer des conditions qui compromettraient des services essentiels comme l'éducation et la santé ou nuiraient à l'emploi, de manière à tenir compte pleinement de la situation économique et sociale de chaque pays dans le cadre de sa stratégie de développement, ce qui garantira la viabilité politique et sociale des programmes de redressement;

12. estime que le rythme de la libéralisation du commerce doit être adapté aux conditions nationales pour donner au secteur industriel le temps de se développer et réduire au minimum le coût social;

13. exhorte parlements et gouvernements à s'abstenir de recourir aux normes du travail à des fins autres que la protection des travailleurs et à s'opposer à ce qu'il soit porté atteinte à l'avantage comparé que les pays en développement tirent de salaires moins élevés;

14. recommande que priorité soit donnée à des programmes d'encouragement aux petites et moyennes entreprises et à l'augmentation de la productivité du secteur informel par l'amélioration de l'infrastructure, un accès plus facile au crédit, y compris au micro-crédit, des taux d'intérêt aussi bas que possible, l'extension de l'éducation et de la formation, une redistribution équitable des ressources, des services consultatifs et une information de qualité, et souligne que de tels programmes doivent être axés sur l'élimination de la pauvreté et du chômage;

15. exhorte parlements et gouvernements à éliminer dans l'emploi toute forme de discrimination fondée sur le sexe, l'âge, les responsabilités familiales, l'état civil, l'origine sociale et ethnique et la religion de manière à garantir l'égalité d'accès à l'emploi, et à assurer aux personnes handicapées la pleine reconnaissance et l'exercice des droits qui leur sont garantis pour qu'elles puissent être employées et traitées de manière véritablement égale;

Les travailleurs migrants

16. demande aux Etats de proclamer que les droits de l'homme des travailleurs migrants doivent être respectés, indépendamment de leur situation juridique;

17. demande également aux Etats d'entreprendre des programmes éducatifs et autres pour informer les travailleurs migrants de leurs droits dans le pays d'accueil et y promouvoir leur intégration;

18. prie instamment les Etats de coopérer pour éliminer les mauvais traitements et les violations des droits dont sont victimes les travailleurs migrants;

19. demande à l'Assemblée générale des Nations Unies de rouvrir les négociations pour garantir de manière plus précise la protection des travailleurs migrants dans le cadre de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille;

Le travail des enfants

20. invite les Etats à reconnaître le droit de tous les enfants, filles et garçons, de recevoir une éducation de base appropriée, de n'être astreints à aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre leur éducation, afin de respecter leur développement propre et d'augmenter leurs chances d'emploi à l'âge adulte, ce qui ne pourra qu'être profitable pour eux-mêmes et, à terme, pour l'économie nationale;

21. invite également les Etats à réduire le travail des enfants par des stratégies de développement portant sur les domaines les plus divers et prévoyant un enseignement primaire obligatoire pour les garçons et les filles, d'importants investissements dans cet enseignement, une plus large participation des femmes au développement économique, la création d'autres sources de revenus par le développement du secteur privé, ainsi qu'un rôle accru de la société civile et des autorités locales, afin d'offrir des solutions de rechange viables aux familles pauvres dont la subsistance dépend du travail des enfants;

22. recommande que des lois interdisant, sous toutes leurs formes, l'enlèvement, l'exploitation et l'exposition d'enfants à des travaux dangereux et protégeant les enfants en particulier contre l'exploitation sexuelle, le travail forcé, la servitude et autres formes d'esclavage soient adoptées dès que possible et appliquées effectivement au moins par les pays représentés au sein de l'Union interparlementaire;

23. invite les Etats à offrir une plus large protection juridique aux enfants, notamment en adoptant sur le travail des enfants des lois qui soient conformes à l'esprit et à la lettre de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et aux conventions pertinentes de l'OIT, et à veiller en particulier à ce que tous les enfants soient enregistrés aussitôt leur naissance (article 7 de la Convention) afin qu'ils puissent exercer leurs droits d'enfants et qu'employeurs et inspecteurs du travail ne puissent ignorer l'âge de chacun d'eux.

* * *

*La délégation de la Belgique a exprimé des réserves concernant les paragraphes 9 et 12 de la résolution.


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