LA JUSTICE PEUT ETRE UNE ARME A DOUBLE TRANCHANT : L'UIP RETOURNE EN COLOMBIE
A la mi-octobre, une délégation de l'UIP est retournée à Bogota pour y rencontrer les autorités et les victimes et reprendre les pourparlers de l'année précédente. Les échanges ont porté sur les enquêtes visant à faire la lumière sur le meurtre de membres du Congrès, sur le renforcement de la sécurité pour les parlementaires en danger, ainsi que sur les mesures permettant de garantir le plein respect des personnes traduite en justice. Cette mission, emmenée par la Présidente du Comité des droits de l'homme des parlementaires, la sénatrice Rosario Green (Mexique), a eu lieu peu de temps après l'arrivée au pouvoir d'un nouveau Congrès et d'un nouveau gouvernement.
La loi colombienne sur la paix et la justice continue à jouer un rôle central, bien que contesté, dans l'évolution de chacune de ces situations. Cette loi, adoptée en 2005, garantit des peines de prison légères aux paramilitaires démobilisés qui sont prêts à passer intégralement aux aveux. Elle a, à de nombreuses reprises, contribué à clarifier les circonstances entourant certains de leurs crimes. Plusieurs pistes donnent aujourd'hui à penser que la responsabilité des groupes paramilitaires est engagée dans le meurtre de certains parlementaires et que les autorités pourraient aussi être impliquées, ce qui pourrait être le révélateur du soutien politique dont ces groupes ont plus généralement bénéficié.
Toutefois, le "processus de paix et de justice" n'a pas été sans susciter des controverses. En premier lieu, la loi sur la paix et la justice en tant que telle souffre de nombreuses lacunes. Ceux qui se permettent de critiquer la philosophie qui la sous-tend (dont certains membres du Congrès) continuent de mettre leur vie en danger. Les paramilitaires démobilisés, coupables de violations ignobles de la législation colombienne, n'ont guère le profil de témoins crédibles, mais il n'en est pas moins de plus en plus souvent fait appel à eux pour poursuivre en justice certains parlementaires. L'UIP est très préoccupée par le fait que c'est le même tribunal qui enquête sur ces parlementaires et les juge, et que ses décisions sont sans appel.
La protection juridique des membres du Congrès n'est pourtant pas mise en cause uniquement dans le cadre de procès. Quelques jours seulement après l'arrivée de la délégation de l'UIP à Bogota, la Procuraduría colombienne, institution sans équivalent à l'extérieur de ce pays, a privé pour 18 ans la sénatrice Piedad Córdoba du droit de détenir une fonction publique par le biais d'une sanction disciplinaire et non d'une condamnation devant un tribunal, s'estimant convaincue qu'elle avait collaboré avec les FARC, principale guérilla colombienne, et avait défendu leur cause.
Les poursuites disciplinaires et judiciaires frappant actuellement des membres du Congrès donnent à penser qu’en Colombie les parlementaires sont soumis à une surveillance excessive. Ces poursuites interviennent à un moment où le Parlement colombien a besoin de faire entendre sa voix pour contrer la domination croissante des pouvoirs exécutif et judiciaire. L'UIP continuera à aider le Congrès colombien à remanier la législation dans le but de garantir à ses membres la protection dont ils ont besoin et, dans un nombre limité de cas, à envoyer des observateurs suivre des procès pour contribuer au respect de l'équité dont doit faire preuve la justice. Elle continuera également à suivre les enquêtes visant à élucider les meurtres de parlementaires et à inciter les autorités à protéger comme il se doit les personnes en danger. Dans un premier temps, un rapport de mission détaillé sera communiqué aux autorités et aux victimes, avant d'être rendu public lors de la prochaine Assemblée de l'UIP, qui aura lieu à Panama (en avril 2011).
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