Si l’aide aux pays en développement s’est élevée à plus 100 milliards de dollars l’année dernière, les résultats de l’argent dépensé se font attendre. Il est clair qu’il faut améliorer le système de distribution de l’aide au développement avant que ses dysfonctionnements ne suscitent des remous chez les contribuables des pays donateurs. Conscient de cette nécessité, le Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC) a lancé le 5 juillet dernier le Forum pour la coopération en matière de développement. Cette nouvelle initiative réunit tous les acteurs concernés dans le but de procéder à une révision profonde du mode d’allocation et d'utilisation de l’aide financière.
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La réunion, qui s'est déroulée à Genève, comprenait une délégation de l’UIP composée de quatre parlementaires, Mme Rebecca Kadaga, Vice-présidente du parlement ougandais, M. Ephiphane Quenun, membre du parlement béninois, M. François de Donnea, membre du parlement belge et Mme Doris Stump du parlement suisse. Les représentants de l’UIP ont insisté sur le fait que les parlements, des pays donateurs comme des pays bénéficiaires, sont des partenaires clés de l’architecture de l’aide au développement. En fait, et c’est ce qu’a conclu la réunion des Nations Unies, l’appropriation nationale du processus de développement étant un élément essentiel du bon fonctionnement de l’aide financière, il faut impliquer davantage les parlements, tant au niveau international (par l’intermédiaire du Forum) qu’au niveau national, afin de s’assurer que l’aide arrive jusqu’aux populations qui en ont le plus besoin selon des priorités justes, et qu’elle est distribuée de façon efficace et coordonnée.
Concrètement, il peut facilement arriver que, dans un pays en développement, des milliers de projets soient financés par une multitude de bailleurs de fonds différents (agences bilatérales, programmes des Nations Unies, Banque mondiale, banques régionales, ONG, etc.) sans que quiconque ne sache véritablement en quoi consistent les projets, comment ils sont supposés s’articuler les uns par rapport aux autres ou selon quelles priorités. Il se peut que les coûts de "transaction" de ces projets dépassent largement le montant effectivement dépensé à la construction de l’infrastructure nécessaire ou à la fourniture de services aux démunis. La façon dont les flux d’argent arrivent dans le pays et les conditions dont ils sont assortis sont également difficiles à retracer et à évaluer. Quel montant doit par exemple être affecté à l’appui budgétaire général (somme forfaitaire allouée par les donateurs au gouvernement pour renforcer les lignes existantes du budget national, ce qui permet au parlement d’exercer une supervision plus stricte) de préférence à l’approche d’assistance directe fondée sur les programmes? Ces questions, et bien d’autres, seront au cœur du travail du nouveau Forum pour la coopération en matière de développement.
Deux tables rondes, deux débats informels sur les politiques et un forum des parties prenantes ont eu lieu lors de l'inauguration du Forum pour la coopération en matière de développement. Le rôle du parlement a été évoqué à presque toutes les séances mais la discussion la plus intéressante du point de vue de l’UIP a eu pour cadre le débat informel sur Le rôle de la société civile, des organes législatifs et des autres parties prenantes dans la promotion d'une aide de meilleure qualité, notamment par la supervision et les comptes rendus de résultats. M. Quenum qui dirigeait le débat a souligné un point particulièrement pertinent pour la région Afrique : pour que les parlements puissent exercer une supervision efficace de l’aide au développement, il est nécessaire de renforcer considérablement leurs capacités, de façon à leur assurer une véritable indépendance par rapport à l’exécutif en termes de partage des pouvoirs et de ressources d’analyse.
M. Quenum a notamment exhorté les donateurs à allouer directement au parlement une partie de l’aide destinée à un pays. Une aide de ce type entraînerait une grande amélioration des conditions de travail des parlementaires et leur permettrait d’acquérir des aptitudes professionnelles visant à mieux appréhender la complexité des programmes d’aide. Ce serait également un moyen de rapprocher les parlements des citoyens, avec en ligne de mire l’organisation d’une vaste consultation sur les besoins, les priorités et la gestion de l’aide aux niveaux local et national. Par ailleurs, le législateur béninois a recommandé que les parlements soient en contact direct avec les donateurs et le représentant de l’agence des Nations Unies afin de pouvoir les aider, sans passer par l’exécutif, à comprendre les politiques et les programmes en place. Il estime qu’il faudrait, pour le moins, que les parlementaires connaissent le montant exact de l’aide allouée à leur pays ainsi que les domaines prioritaires auxquels elle est destinée.
Marque évidente de la place qu’occuperont les parlements dans le processus du Forum qui commencera avec la session 2008, le Secrétaire général de l'UIP, M. Anders Johnsson, a été invité à rejoindre le Groupe consultatif, composé de représentants des services gouvernementaux, des entités donatrices, des ONG et du secteur privé, qui participera à la définition des objectifs et modalités de travail du Forum. Présidé par le nouveau Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales des Nations Unies (UNDESA), M. Sha Zukang, le Groupe consultatif s’est réuni le 5 juillet en fin de journée. Une nouvelle réunion est prévue à l’occasion de la prochaine grande manifestation de préparation du Forum 2008, un symposium sur la coopération sud-sud, qui se déroulera en décembre prochain au Caire (Egypte).