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CAS N° AL/01 - FATOS NANO - ALBANIE

Résolution adoptée sans vote par le Conseil interparlementaire à sa 158e session
(Istanbul, 20 avril 1996)


Le Conseil interparlementaire,

se référant à l'exposé du cas qui figure dans le rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/158/13a)-R.1) et à la résolution qu'il a adoptée à sa 157e session (octobre 1995) concernant le cas de M. Fatos Nano (Albanie),

prenant en considération les communications du Président de l'Assemblée du peuple datées des 17 janvier et 16 mars 1996,

tenant compte aussi des observations formulées et des informations données par le chef de la délégation de l'Albanie à la 95e Conférence interparlementaire (Istanbul, avril 1996),

prenant également en considération les renseignements communiqués par la source les 19 janvier et 12 avril 1996 ainsi qu'à l'audition organisée à l'occasion de la 95e Conférence interparlementaire,

rappelant que M. Nano a été condamné, le 3 avril 1994, à 10 ans de prison pour détournement de fonds publics en faveur d'un tiers, M. Giuseppe Perniola, et à 3 années d'emprisonnement pour falsification de documents dans le cadre de l'aide d'urgence fournie par l'Italie à l'Albanie en 1991, soit, compte tenu du règlement pénitentiaire en vigueur, à une peine totale de 12 années de prison; rappelant qu'ultérieurement M. Perniola a été déclaré innocent par un tribunal italien, ce qui a conduit le Comité et le Conseil à conclure que la condamnation de M. Nano pour détournement de fonds publics ne pouvait plus raisonnablement être maintenue et que son procès devait être révisé,

rappelant que le 1er juin 1995 est entré en vigueur en Albanie un nouveau Code pénal qui prévoit qu'une peine doit être réévaluée en cas de condamnation : a) pour plusieurs délits; b) pour une infraction que le nouveau Code ne sanctionne plus; c) pour une infraction qu'il punit moins sévèrement que les dispositions antérieures,

rappelant que M. Nano s'est prévalu de ces dispositions pour demander une réévaluation de sa peine; rappelant aussi que si cette demande a été rejetée par le tribunal de Tepelena, la Cour d'appel y a ensuite fait droit, réduisant la peine d'une année,

considérant que, le 27 novembre 1995, la Cour de cassation a infirmé l'arrêt de la Cour d'appel réduisant d'une année la peine infligée à M. Nano,

considérant que, selon la source, la décision de la Cour de cassation est contraire à la loi pour les raisons suivantes :

  • un des membres de la Cour, M. Agim Gjoleka, faisait partie de la juridiction collégiale qui avait examiné l'appel interjeté par M. Nano le 28 juillet 1994, ce qui est contraire à l'article 15 du Code de procédure pénale selon lequel un juge qui, seul ou en tant que membre d'une juridiction collégiale, se prononce dans une affaire est exclu de la procédure engagée devant l'instance supérieure au titre de cette même affaire ou de la révision du procès en cas d'annulation du jugement;
  • la Cour fait valoir que le nouveau Code pénal ne comporte pas d'allégement des peines pour les infractions dont M. Nano a été déclaré coupable. Selon la source, cette affirmation est totalement erronée puisque le nouveau Code prévoit une peine maximale de 10 ans d'emprisonnement pour le délit de détournement de fonds publics (art. 135) au lieu de 7 à 25 ans dans l'ancien Code (art. 62) et une peine maximale de 7 ans d'emprisonnement pour falsification de documents officiels (art. 186) au lieu de 8 ans aux termes des dispositions antérieures (art. 110),

considérant qu'il ressort de la note établie par la Cour de cassation et transmise par le Président de l'Assemblée du peuple le 16 mars 1996 qu'en réévaluant la condamnation de M. Nano, la Cour, au lieu de comparer entre elles les peines maximales d'emprisonnement prévues par les dispositions pertinentes, a mis en regard les peines de prison prononcées contre M. Nano et la peine maximale prévue par le nouveau Code pénal pour les infractions visées, parvenant ainsi à la conclusion que la peine de M. Nano ne pouvait être réduite,

considérant que, dans sa réponse à l'allégation de la source concernant la participation de M. Gjoleka aux travaux de la Cour de cassation, le Ministère de la Justice affirme que, depuis 1992, M. Gjoleka est juge à la Cour de cassation exclusivement et n'a en conséquence jamais siégé dans la formation de la Cour d'appel ayant eu à connaître de l'affaire de M. Nano; notant cependant que la source mentionnait non pas la participation de M. Gjoleka aux délibérations de la Cour d'appel mais sa participation à la formation de la Cour de cassation qui, le 28 juillet 1995, a rendu une décision définitive dans l'affaire de M. Nano,

considérant que, selon la source, l'avocat de M. Nano, malgré les nombreuses demandes que lui-même et M. Nano ont adressées à l'Administration pénitentiaire et au Ministre de la Justice, n'a pas pu s'entretenir avec son client depuis octobre 1995, "sous prétexte qu'il y avait une alerte à la prison ou que celle-ci était en voie de réaménagement",

considérant qu'à ce sujet, la note établie par le Ministère de la Justice et transmise par le Président de l'Assemblée du peuple explique ce qui suit : "en raison des travaux de réaménagement de la prison, les visites ont été suspendues à l'exception de celles des membres des familles des détenus. A compter du 2 mars 1996, c'est-à-dire à la fin des travaux, les avocats pourront rencontrer leurs clients autant de fois qu'ils le souhaiteront sur demande écrite adressée à l'Administration pénitentiaire, conformément aux lois en vigueur",

rappelant à ce sujet que la délégation du Comité qui s'était rendue sur place en 1994 avait reçu toutes assurances que M. Nano jouirait pleinement du droit que lui reconnaît la législation albanaise de recevoir la visite de ses avocats,

rappelant que M. Nano n'a pas introduit à ce jour une requête en révision de son procès en vertu de l'article 450 du nouveau Code de procédure pénale; que, selon son avocat, il le fera seulement lorsqu'il aura la conviction d'être jugé équitablement et qu'il pourra se présenter devant la justice en homme libre,

considérant que l'article 454 du Code de procédure pénale dispose que les tribunaux de district compétents statuent sur les demandes de sursis à l'exécution des peines de prison,

considérant que, le 30 décembre 1995, le Président de la République, sur la demande du Parti socialiste, a accordé à M. Nano une remise de peine de huit mois,

considérant que l'avocat de M. Nano a écrit personnellement, le 7 octobre 1995, au Président Berisha pour lui signaler les nombreuses irrégularités et manipulations dont le procès de M. Nano avait été entaché; qu'à ce jour, le Président n'a pas répondu,

  1. remercie le Président de l'Assemblée du peuple des informations qu'il a fournies et de sa coopération;

  2. est indigné à l'idée que M. Nano, contrairement à la loi et aux assurances données à la délégation du Comité lors de sa mission en Albanie, est toujours empêché de voir régulièrement son avocat et demande instamment aux autorités de respecter leurs obligations à cet égard, conformément au droit interne;

  3. relève que les articles 135 (détournement de fonds publics) et 186 (falsification de documents officiels) prévoient bel et bien des peines plus légères que les dispositions pénales antérieures et ne s'explique pas le raisonnement de la Cour;

  4. comprend mal comment le Ministère de la Justice peut ne pas savoir que M. Gjoleka figurait au nombre des juges de la Cour de cassation qui, le 28 juillet 1994, ont rendu une décision définitive dans l'affaire de M. Nano (décision N° 121);

  5. ne peut qu'estimer que l'arrêt de la Cour de cassation relatif à la réévaluation de la peine d'emprisonnement de M. Nano est vicié au regard du droit national;

  6. demeure profondément alarmé par la succession de mesures qui ont pour effet de maintenir M. Nano en prison et craint que les poursuites contre M. Nano soient motivées exclusivement par des considérations politiques et ne fassent aucun cas du droit national et international en matière d'équité de la procédure;

  7. note que M. Nano n'a pas encore présenté une requête en révision de son procès, ainsi qu'il en a le droit aux termes des articles 449 et 450 du nouveau Code de procédure pénale, et l'exhorte à user de ce droit;

  8. estime que la présence d'observateurs internationaux à ce procès en révision contribuerait à garantir l'équité de la procédure;

  9. espère que, durant cette révision, M. Nano sera libéré dans l'attente de l'issue du procès;

  10. prie le Secrétaire général de porter ces considérations à la connaissance des autorités albanaises;

  11. espère que les autorités tiendront compte, dans l'esprit le plus positif, des considérations ci-dessus;

  12. prie le Comité des droits de l'homme des parlementaires de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session (septembre 1996).


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