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PLACE DU PETIT-SACONNEX
1211 GENEVE 19, SUISSE

BURUNDI
CAS BDI/01 - SYLVESTRE MFAYOKURERA
CAS BDI/02 - NORBERT NDIHOKUBWAYO
CAS BDI/03 - LEONIDAS NTIBAYAZI
CAS BDI/04 - FREDERIC BANVUGINYUNVIRA
CAS BDI/05 - INNOCENT NDIKUMANA

Résolution adoptée sans vote par le Conseil interparlementaire à sa 158e session
(Istanbul, 20 avril 1996)


Le Conseil interparlementaire,

se référant à l'exposé du cas qui figure dans le rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/158/13a)­R.1) et aux résolutions qu'il a adoptées à sa 157e session (octobre 1995) concernant la situation de MM. Mfayokurera, Ndihokubwayo, Ntibayazi et Banvuginyunvira (Burundi),

saisi du cas de M. Innocent Ndikumana, membre de l'Assemblée nationale et du Bureau national du FRODEBU, qui a fait l'objet d'une étude et d'un rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires, conformément à la "Procédure d'examen et de traitement, par l'Union interparlementaire, de communications relatives à des violations des droits de l'homme dont sont victimes des parlementaires",

considérant que M.  Innocent Ndikumana a été agressé et tué par un gang de la milice tutsie, le 16 décembre 1995; qu'il aurait été lapidé et que son corps aurait été placé dans le coffre de sa voiture,

considérant que M. Ndikumana aurait participé aux travaux de la Commission nationale de défense et de sécurité; que, peu de temps avant d'être tué, il se serait opposé, au sein de cette Commission, aux propositions concernant le budget de l'armée et aurait été vivement critiqué par l'officier qui les présentait à la Commission,

prenant en considération les informations fournies par les sources le 12 décembre 1995, ainsi que les 8 et 12 janvier 1996,

tenant compte des renseignements communiqués par le Premier Ministre dans sa lettre datée du 12 février 1996,

tenant compte aussi des informations données par le Procureur général et transmises par la délégation du Burundi à la 95e Conférence interparlementaire (Istanbul, avril 1996),

rappelant que M. Mfayokurera a été assassiné le 10 août 1994; que MM. Ndihokubwayo, Banvuginyunvira et Ntibayazi ont été grièvement blessés lors de tentatives d'assassinat commises contre eux en septembre 1994, en septembre 1995 et en février 1995, respectivement; que M. Ndihokubwayo, craignant pour sa vie, a dû quitter le pays,

rappelant que, selon les sources, aucune enquête sérieuse n'a encore été ouverte à la suite de ces crimes; rappelant en particulier que les agresseurs de M. Ndihokubwayo ont été arrêtés et incarcérés, mais relâchés ultérieurement par le magistrat instructeur; qu'une sanction disciplinaire prise contre ce magistrat a dû être levée à la suite d'une grève de solidarité organisée par l'ensemble de la magistrature,

considérant que, dans sa lettre du 12 février 1996, le Premier Ministre indique que son gouvernement ne ménage aucun effort pour éradiquer l'impunité installée dans le pays depuis octobre 1993; que le gouvernement vient de mettre sur pied des juridictions composées de magistrats de carrière et d'assesseurs choisis au sein des divers groupes de population pour leur intégrité et leur notabilité, et que ces juridictions sont instituées auprès de chaque Cour d'appel et sont investies d'une compétence exclusive pour juger les crimes de sang et les crimes connexes,

considérant que, d'après cette même lettre, la situation se présente positivement selon les rapports qui ont été soumis au Premier Ministre par les services compétents, que des dossiers ont été ouverts en vue de punir les coupables et qu'ils sont régulièrement instruits; qu'il est actuellement envisagé de porter ces dossiers devant la Chambre criminelle dès les premières audiences,

considérant que, selon les renseignements fournis par le Procureur général et transmis par la délégation du Burundi à la 95e Conférence interparlementaire, les enquêtes relatives aux affaires considérées auraient évolué comme suit :

  • cas de MM. Mfayokurera et Ndihokubwayo : après plusieurs péripéties, la police a arrêté dans la ville de Gitega un homme suspecté d'avoir participé à ces crimes; le Procureur général estime que cette arrestation devrait permettre à l'enquête de progresser;
  • cas de M. Ndikumana : les assassins présumés ont été identifiés; ils ont fui de chez eux et se trouvent probablement dans un pays voisin; la police a lancé contre eux des mandats d'arrêt;
  • cas de MM. Ntibayazi et Banvuginyunvira : le Procureur général affirme n'avoir jamais reçu aucune plainte relative à des actes criminels dirigés contre ces députés,

ayant à l'esprit que, dans son dernier rapport à la Commission des droits de l'homme (doc. E/CN.4/1996/16), le Rapporteur spécial de l'ONU qui s'occupe de la situation des droits de l'homme au Burundi indique qu'en dépit des assurances données par l'Etat du Burundi, l'impunité la plus totale continue d'y régner et qu'il est obligé de constater qu'aucune amélioration de la situation n'est en vue,

ayant également à l'esprit l'opinion du Rapporteur spécial qu'à l'immobilisme voire à la complicité ou à l'inaction opposés par de larges pans des classes dirigeantes, à la responsabilité criminelle qui échoit aux groupes extrémistes, toutes origines ethniques confondues, à l'intérieur comme à l'extérieur du pays, correspondent une passivité et une lenteur regrettables de la part de la communauté internationale pour aider les forces démocratiques et les forces politiques modérées du pays,

rappelant à ce sujet que, dans un climat général de peur et d'insécurité, l'Assemblée nationale du Burundi se réunit et travaille malgré les menaces qui pèsent sur la sécurité personnelle de bon nombre de ses membres,

tenant compte enfin du fait que l'Organisation des Nations Unies a créé un fonds de contributions volontaires pour faciliter le déploiement d'un nombre accru d'observateurs des droits de l'homme, conformément à la demande formulée par la Commission des droits de l'homme de l'ONU,

  1. remercie le Premier Ministre des informations qu'il a données et compte bénéficier de sa coopération future;

  2. déplore que le chef de l'état-major de la gendarmerie sous l'autorité de qui sont menées les enquêtes sur les attentats perpétrés contre les parlementaires concernés n'ait pas répondu aux demandes répétées d'information qui lui ont été adressées;

  3. prend note avec intérêt des renseignements donnés par le Procureur général et transmis par la délégation du Burundi à la 95e Conférence interparlementaire;

  4. exprime son indignation devant la persistance de la violence qui a, une nouvelle fois, coûté la vie à un membre de l'Assemblée nationale, M. Innocent Ndikumana;

  5. note que, selon le Premier Ministre, la situation des enquêtes se présente positivement, les dossiers qui ont été ouverts sont régulièrement instruits et il est envisagé de les porter devant la Chambre criminelle dès les premières audiences;

  6. s'étonne cependant, compte tenu du peu d'information fourni par le Procureur général, que le progrès des enquêtes puisse être considéré comme positif;

  7. rappelle à ce sujet que les agresseurs de M. Ndihokubwayo avaient été arrêtés et incarcérés mais ont été relâchés par le magistrat instructeur;

  8. ne comprend pas que le Procureur général indique n'avoir engagé aucune enquête à la suite des tentatives d'assassinat de MM. Ntibayazi et Banvuginyunvira parce qu'il n'a jamais reçu de plainte, étant donné que le Parquet doit, de sa propre initiative, ouvrir une instruction sur tout acte criminel;

  9. demande instamment au Procureur général de mener également une enquête diligente sur les attentats dont ces deux parlementaires ont été la cible;

  10. souhaite savoir quand auront lieu, dans ces affaires, les premières audiences que le Premier Ministre évoque dans sa lettre;

  11. souhaiterait recevoir copie des rapports des services compétents dont il ressort que la situation se présente positivement;

  12. réaffirme avec la plus vive énergie que tout Etat a le devoir d'assurer la sécurité de ses nationaux et que les pouvoirs publics du Burundi sont donc tenus, au regard du droit national et international, de veiller à ce que les atteintes au droit à la vie et à la sécurité des citoyens ne restent pas impunies;

  13. insiste pour que les autorités compétentes s'acquittent des devoirs qui leur incombent en vertu du droit national et international et veillent à ce que des enquêtes diligentes et approfondies fassent toute la lumière sur le meurtre de MM. Mfayokurera et Ndikumana, les attentats perpétrés contre MM. Ndihokubwayo, Banvuginyunvira et Ntibayazi, et le meurtre de la femme et de la fille de ce dernier;

  14. rappelle vigoureusement que l'impunité constitue une grave menace pour la démocratie et les droits de l'homme en ce qu'elle encourage les coupables à persister dans leurs agissements;

  15. souligne de nouveau qu'en vertu des normes généralement admises des droits de l'homme, les victimes de pareilles tragédies et leurs familles ont droit à une indemnisation pécuniaire adéquate;

  16. rappelle que le Burundi, qui est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, est donc tenu d'assurer le respect des droits et libertés consacrés par ces instruments;

  17. prie le Secrétaire général de reprendre contact avec les autorités compétentes afin de leur faire part de ces préoccupations, y compris par des représentations directes au Premier Ministre et au Ministre chargé des droits de l'homme, en leur demandant instamment de veiller à ce que les fonctionnaires placés sous leur autorité s'acquittent des devoirs qui leur incombent en vertu du droit national et international;

  18. prie également le Secrétaire général de poursuivre ses efforts pour aider M. Norbert Ndihokubwayo et sa famille à obtenir l'asile dans un pays africain approprié et demande instamment aux Groupes nationaux d'apporter leur coopération à cet effet;

  19. prie en outre le Secrétaire général de demeurer en contact avec les organes et commissions des Nations Unies qui s'occupent de la situation des droits de l'homme au Burundi en vue de les informer des travaux du Conseil et du Comité sur les cas précités;

  20. demande aux Groupes nationaux de ne ménager aucun effort pour que le fonds de contributions volontaires récemment mis en place par l'ONU afin de permettre le déploiement d'un nombre accru d'observateurs des droits de l'homme dans le pays soit convenablement alimenté;

  21. demande également aux Groupes nationaux de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour soutenir l'Assemblée nationale du Burundi, manifestant ainsi leur solidarité de parlementaires à l'égard de collègues qui s'acquittent de leurs fonctions électives au péril de leur vie;

  22. prie le Comité des droits de l'homme des parlementaires de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session (septembre 1996).


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