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CAS N° CMBD/01 - SAM RAINSY - CAMBODGE

Résolution adoptée sans vote par le Conseil interparlementaire à sa 158e session
(Istanbul, 20 avril 1996)


Le Conseil interparlementaire,

se référant à l'exposé du cas qui figure dans le rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/158/13a)-R.1) et à la résolution qu'il a adoptée à sa 157e session (octobre 1995) concernant le cas de M. Sam Rainsy, membre du Parlement du Cambodge,

prenant en considération les lettres du premier Premier Ministre en date des 3 novembre 1995 et 12 janvier 1996, et les lettres de Sa Majesté le Roi du Cambodge datées du 20 novembre 1995 et du 8 février 1996,

prenant également en considération les informations communiquées par les sources les 8 novembre 1995 et 19 janvier et 12 avril 1996,

rappelant que M. Sam Rainsy, membre fondateur du FUNCINPEC, a été élu en 1993; qu'il a été expulsé de son parti puis privé de son siège parlementaire; que les autorités estiment que, selon la loi en vigueur, les électeurs choisissent des partis et non des individus et que, par conséquent, l'appartenance à l'Assemblée nationale est étroitement liée à l'appartenance à un parti,

rappelant que la légalité de l'expulsion de M. Sam Rainsy de son parti puis du Parlement a été contestée par plusieurs sources, qui ont fait valoir en particulier, à propos de son expulsion du Parlement, qu'il n'existe aucune disposition légale prévoyant le remplacement d'un parlementaire en cas d'exclusion de son parti,

rappelant aussi qu'à ce jour M. Sam Rainsy n'a pu exercer son droit d'être entendu, en particulier parce que la Cour constitutionnelle, compétente en la matière, n'a pas encore été mise en place,

rappelant en outre que le Roi du Cambodge qui, aux termes de la Constitution, est le garant des droits et libertés de tous les citoyens cambodgiens a réprouvé à de nombreuses reprises l'expulsion de M. Sam Rainsy de l'Assemblée nationale; notant à ce propos que le premier Premier Ministre, dans une déclaration du 3 août 1995 publiée dans l'Angkor Hebdo du 14 août 1995, a indiqué que, hormis l'Assemblée nationale et le gouvernement de coalition, "la sagesse de Sa Majesté le Roi, Père de la Nation" était la plus grande source d'espoir du pays jusqu'aux prochaines élections,

considérant que, dans sa lettre du 20 novembre 1995, le Roi du Cambodge déclare que "tous les observateurs de bonne foi reconnaissent les efforts que je n'ai cessé de déployer pour défendre les droits de l'homme au Cambodge, et ces parlementaires cambodgiens en particulier. Mais le dernier mot appartient au gouvernement et à la majorité des membres de l'Assemblée nationale. Mon autorité morale ne suffit pas..."; considérant aussi que, dans sa lettre du 8 février 1996, le Roi a approuvé le principe que la défense des droits de l'homme est une obligation qui incombe à la communauté humaine sur la base des principes juridiques reconnus internationalement qu'énonce la Déclaration universelle des droits de l'homme, cela en toutes circonstances, dans tous les pays et sous tous les régimes politiques,

considérant par ailleurs que, dans sa lettre du 3 novembre 1995, le premier Premier Ministre déclare que "la décision prise par le parti FUNCINPEC sur l'exclusion de ce monsieur n'est du ressort que de ce seul parti. Cette décision est entièrement légitime. Elle a été prise en totale conformité avec les dispositions adoptées démocratiquement par ce parti, notamment après plusieurs mises en garde de l'intéressé..."; qu'il a en outre indiqué dans la même lettre avoir noté avec surprise les conclusions du Comité selon lesquelles des arguments l'avaient amené à craindre que ce parlementaire n'ait été privé de son mandat du seul fait d'avoir exercé son droit à la liberté d'expression, ajoutant : "Ceci est totalement irrecevable. L'Assemblée nationale du Royaume du Cambodge est souveraine ... Je souhaite vivement obtenir de la part de l'Union interparlementaire une reconnaissance sans ambiguïté de la souveraineté de l'Assemblée nationale du Royaume du Cambodge",

considérant en outre que, dans sa lettre du 12 janvier 1996, le premier Premier Ministre déclare que, l'Union interparlementaire n'ayant pas donné une réponse tranchée à propos de la souveraineté de l'Assemblée nationale, comme il le lui avait demandé, "ce point fondamental commande de suspendre toute participation des légitimes représentants des institutions cambodgiennes aux travaux de l'Union interparlementaire",

tenant compte du fait que, dans sa déclaration du 3 août 1995, le premier Premier Ministre, faisant allusion au cas de M. Sam Rainsy, a souligné avec fermeté que "ni le Premier Ministre ni le gouvernement royal ne peuvent s'ingérer dans les activités de l'Assemblée nationale. C'est une organisation souveraine",

considérant que M. Sam Rainsy a, le 9 novembre 1995, créé un nouveau parti politique, le "Parti de la nation khmère"; que, toutefois, les autorités ont immédiatement contesté la légalité de cette initiative, faisant valoir qu'il n'existait pas de loi énonçant le droit constitutionnellement garanti de créer un parti et qu'en conséquence aucun nouveau parti ne pouvait être constitué; que le 11 décembre 1995 le gouvernement a formellement déclaré illégal le Parti de la nation khmère et l'a engagé à cesser toute activité,

considérant que, selon l'une des sources, le 23 mars 1996, à un congrès extraordinaire du Parti libéral pour la réconciliation (PLR) ­ parti constitué aux termes de la loi électorale de l'APRONUC ­, M. Sam Rainsy a été élu Président de ce parti, qui s'est rebaptisé "Parti de la nation khmère",

considérant que, dans sa lettre du 3 novembre 1995, le premier Premier Ministre a déclaré qu'il "existerait une impossibilité de suivre les recommandations formulées par les instances de l'Union interparlementaire. L'ex-parlementaire a en effet décidé de créer son propre parti politique après l'avoir laissé entendre depuis plusieurs mois, et ce avant son exclusion de l'Assemblée nationale, et notamment en publiant son programme politique. Il y a eu une volonté délibérée de la part de ce monsieur de créer une situation qui ne pouvait mener qu'aux décisions légitimes ayant été prises par son ancien parti et par l'Assemblée nationale",

considérant que le second Premier Ministre, M. Hun Sen, dans une déclaration publiée le 19 janvier 1996, a affirmé que la vie de M. Sam Rainsy "se trouverait raccourcie si des armes cachées étaient découvertes en sa possession...",

  1. assure les autorités cambodgiennes que l'Union interparlementaire reconnaît pleinement la souveraineté du Cambodge et de son Assemblée nationale;

  2. rappelle que la défense des droits de l'homme est une obligation qui incombe à la communauté humaine sur la base des principes juridiques reconnus internationalement qu'énonce la Déclaration universelle des droits de l'homme, cela en toutes circonstances, dans tous les pays et sous tous les régimes politiques;

  3. souligne donc que le souci légitime de l'Union interparlementaire de veiller au respect des principes universellement reconnus des droits de l'homme ne saurait en aucun cas être interprété par un Etat comme une ingérence dans ses affaires intérieures;

  4. rappelle qu'au­delà de cette obligation, la communauté internationale a une responsabilité particulière vis­à­vis du Cambodge car elle y a contribué, au prix d'efforts considérables, à la restauration de la paix et au rétablissement des institutions représentatives;

  5. ne peut que réaffirmer les préoccupations exprimées dans la résolution qu'il a adoptée à sa dernière session (octobre 1995);

  6. note avec préoccupation que le gouvernement et l'Assemblée nationale n'ont fait aucun cas de la prise de position sans ambiguïté de Sa Majesté le Roi dans l'affaire de M. Sam Rainsy, bien que la Constitution fasse du Roi le garant des droits et libertés de tous les citoyens cambodgiens;

  7. ne comprend pas pourquoi le fait que M. Sam Rainsy ait créé un parti politique empêche que son affaire soit réexaminée par les autorités compétentes du Cambodge et, en particulier, soit soumise à un tribunal impartial et indépendant, droit consacré par la législation nationale et les normes internationales;

  8. demande instamment aux autorités et, en particulier, au Parlement cambodgiens, de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour assurer le respect du droit de M. Sam Rainsy de faire entendre sa cause par un tribunal indépendant et impartial, et notamment par la Cour constitutionnelle qu'il est envisagé de mettre en place, conformément aux principes de la démocratie et des droits de l'homme;

  9. se déclare préoccupé par le fait que M. Sam Rainsy a initialement été empêché de créer un nouveau parti politique, étant donné que la Constitution cambodgienne et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel le Cambodge est partie, garantissent le droit à la liberté d'association, mais note qu'il a par la suite été élu Président du Parti libéral pour la réconciliation, qui a décidé de se rebaptiser Parti de la nation khmère;

  10. considère que le fait que les autorités n'aient pas donné effet à certaines dispositions constitutionnelles, comme la promulgation de la loi sur les partis politiques et la mise en place de la Cour constitutionnelle, ne peut être invoqué pour justifier le fait qu'une personne ne puisse exercer des droits garantis par la Constitution, tel le droit de faire entendre sa cause par un tribunal indépendant et impartial et le droit à la liberté d'association;

  11. est alarmé par ce qui semble être des menaces de mort à peine voilées contre M. Sam Rainsy et prie instamment le gouvernement de protéger la vie de M. Sam Rainsy en toutes circonstances, comme il en a le devoir;

  12. prie le Secrétaire général de faire part de ces considérations et préoccupations au Président de l'Assemblée nationale et aux premier et second Premiers Ministres du Cambodge, en les invitant à prendre ces questions en considération d'urgence;

  13. prie le Comité des droits de l'homme des parlementaires de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session (septembre 1996).


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