UNION INTERPARLEMENTAIRE PLACE DU PETIT-SACONNEX 1211 GENEVE 19, SUISSE |
CAS N - TUN/05 - KHEMAÏS CHAMMARI - TUNISIE
Résolution adoptée sans vote par le Conseil
interparlementaire à sa 159e session
saisi du cas de M. Khemaïs Chammari, membre de la Chambre des députés de la Tunisie, qui a fait l'objet d'une étude et d'un rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires, conformément à la "Procédure d'examen et de traitement, par l'Union interparlementaire, de communications relatives à des violations des droits de l'homme dont sont victimes des parlementaires", prenant note du rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/159/11a)-R.1) qui contient un exposé détaillé du cas, considérant que M. Khemaïs Chammari, membre de la Chambre des députés siégeant sous l'étiquette du Mouvement des démocrates socialistes (MDS), formation d'opposition dont il est l'un des Vice-Présidents, est un ardent défenseur des droits de l'homme, considérant que le Président de ce parti, M. Mohamed Mouadda, a été arrêté le jour de la publication, le 9 octobre 1995, d'une lettre ouverte adressée au Président de la République, dans laquelle il critiquait, au nom de son parti, la tournure prise par le processus démocratique dans le pays, notamment les restrictions frappant l'activité politique; qu'il a été condamné, le 29 février 1996, à 11 ans d'emprisonnement pour compromission avec un Etat étranger en contrepartie d'importantes sommes d'argent, considérant que, le 29 octobre 1995, alors qu'ils s'apprêtaient à quitter la Tunisie pour Malte, M. Chammari et son épouse se sont vu saisir leur passeport par la police sans explication aucune et ont été ainsi empêchés de quitter le pays; que, selon deux dépêches d'agence de presse se référant à des sources judiciaires, les époux Chammari auraient été retenus suite à la découverte de documents compromettants dans leur bagage; que, contrairement à cette allégation, leur bagage n'a jamais été fouillé, M. Chammari jouissant de l'immunité parlementaire, considérant que, le 21 novembre 1995, la Chambre des députés a voté la levée de l'immunité parlementaire de M. Chammari afin de permettre l'engagement de poursuites judiciaires contre lui pour avoir contrevenu aux dispositions des articles 60 bis et 80 du Code pénal tunisien en diffusant un procèsverbal d'instruction relatif à une affaire touchant à la sécurité extérieure du pays, considérant que, selon les autorités, M. Chammari aurait fait parvenir à un avocat belge, Me Chansay Wilmotte, qui, selon elles, serait au service d'une puissance étrangère, le compterendu de l'interrogatoire d'un témoin dans l'affaire Mouadda, document que, comme l'a indiqué le Président de la Chambre dans sa lettre du 12 juin 1996, "M. Chammari n'a pas à détenir, n'étant pas avocat du cas, et encore moins à le transmettre à un tiers, étranger au pays et dont les raisons sont sujettes à caution...", considérant à cet égard que le Président de la Chambre des députés a communiqué le 7 septembre 1996 copie d'un bordereau de transmission destiné à Me Chansay Wilmotte ayant la teneur suivante : "Maître et cher ami, me voici de nouveau sur pied, un peu amoindri mais avec un bon moral. Nous avons eu dimanche un bureau politique très réconfortant. Ci-joint le document demandé. Le fax de mon épouse (qui est commun entre elle et son associé Maître Ben Younes) doit dorénavant être utilisé avec parcimonie. Je vous téléphonerai le plus souvent possible. Encore merci pour votre chaleureuse disponibilité", et portant en bas de page la mention : "Prière d'effacer (ou de découper) les références du fax de l'envoyeur sur le document que vous recevez, y compris ce mot d'accompagnement"; que, selon les autorités, ce bordereau prouve que M. Chammari a communiqué le document incriminé à l'avocat belge et que sa demande d'effacer le numéro de télécopie y figurant prouverait qu'il était conscient du caractère secret du document annexé, considérant que M. Chammari a rejeté l'accusation; qu'il ne nie pas avoir transmis des documents ayant trait à l'affaire Mouadda à Me Chansay Wilmotte, mais affirme qu'il s'agissait de documents non secrets tels que des déclarations qu'il avait faites à la radio, des articles de presse et des traductions de communiqués du bureau politique de son parti, considérant que, s'agissant de sa demande d'effacer le numéro de télécopie, M. Chammari a déclaré ceci : "il s'agit là d'un conseil qui n'est guère particulier à cet envoi dans la mesure où j'ai fait de ce comportement quasiment un réflexe valable en toutes circonstances. Les documents envoyés par télécopie à tout correspondant pouvant eux-mêmes faire l'objet de photocopies, la discrétion m'a toujours paru s'imposer en la matière", considérant également que, le 17 octobre 1995, M. Chammari a rencontré à Tunis Me Chansay Wilmotte, avocat mandaté par l'Association internationale de juristes démocrates (AIJD) pour une mission d'observation de l'affaire Mouadda; que, de l'avis des avocats, aucun élément du dossier ne permet de prétendre qu'il aurait rencontré Me Wilmotte en sachant que celuici pouvait être présent à un autre titre, considérant aussi que, selon les sources, le dossier d'instruction de l'affaire Mouadda ne revêtait aucun caractère secret, des sources officielles et officieuses ayant ellesmêmes largement diffusé des éléments de ce dossier, notamment le document incriminé, considérant que M. Chammari a été écroué le 18 mai 1996 après sa neuvième convocation par le doyen des juges pour audition, notant que, dans son communiqué du 18 mai 1996, M. Chammari affirme que "la décision de mon incarcération n'est motivée en réalité que par des raisons politiques : il s'agit d'intimider tous ceux qui tentent de briser le silence autour de la machination qui a débouché, au lendemain de la publication de la lettre ouverte au chef de l'Etat, sur l'incarcération et la comparution de Mohamed Mouadda devant les tribunaux...", considérant que le procès de M. Chammari s'est ouvert le 17 juillet 1996 et s'est conclu le jour même par sa condamnation, en vertu de l'article 60 bis et quater, alinéa 4, à cinq ans de prison ferme pour violation du secret de l'instruction dans une affaire relevant de la sûreté extérieure de l'Etat; que M. Chammari s'est pourvu en cassation, le droit d'appel n'étant pas prévu par la loi tunisienne en pareil cas; que la Cour de cassation, siégeant en pleines vacances judiciaires, le 29 août 1996, a rejeté le pourvoi, confirmant ainsi le jugement rendu le 17 juillet, sachant que, selon l'article 60 bis, "sera coupable de trahison et puni de mort ... tout Tunisien qui livrera à une puissance étrangère ou à ses agents, sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit, un secret de défense nationale..."; qu'aux termes de l'article 60 quater, alinéa 4, "seront réputés secrets de défense nationale ... les renseignements relatifs soit aux mesures prises pour découvrir et arrêter les auteurs et complices de crimes ou délits contre la sûreté extérieure de l'Etat, soit à la marche des poursuites et de l'instruction, soit aux débats devant la juridiction de jugement", considérant que, selon les sources, les avocats n'ont jamais eu, tout au long de la procédure et jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation, un accès direct au dossier, ni à la totalité des pièces; que la Cour n'aurait pas pu prouver que M. Chammari avait transmis des documents secrets et qu'elle n'a, semble-t-il, jamais produit les annexes envoyées par télécopie, considérant que la Commission internationale de juristes, la Fédération internationale des droits de l'homme et Amnesty International, qui ont observé le procès du 17 juillet, s'accordent à reconnaître que les juges ont agi de façon correcte et conforme à la loi; que, toutefois, ils s'accordent également à dire qu'il s'agissait d'un procès manifestement politique, considérant cette observation faite par le Président de la Chambre des députés dans sa lettre du 7 septembre 1996 : "Le procès s'est déroulé dans des conditions normales. En effet, M. Chammari a joui des garanties légales de défense et a été défendu par un grand nombre d'avocats de tendances politiques différentes; le premier Président de la Cour d'appel a accédé à la requête présentée par l'accusé qui avait récusé la première composition du tribunal; le procès s'est déroulé en présence de nombreux observateurs...; le bâtonnier de l'ordre des avocats tunisiens a constaté à la fin du procès, dans une déclaration à la presse, que le procès s'était déroulé dans des conditions équitables. Cette déclaration a été rapportée par certaines agences internationales de presse, dont l'AFP", considérant que, dans une communication du 3 juin 1996, une source avait dénoncé avec force détails les conditions déplorables dans lesquelles M. Chammari était détenu; que ces allégations ont été aussitôt transmises au Président de la Chambre des députés, considérant que, dans sa lettre du 17 juin 1996, le Président de la Chambre des députés a donné des assurances quant aux conditions de détention de M. Chammari; que, suite à son intervention, celles-ci se sont notablement améliorées; qu'il a réitéré ces assurances dans sa lettre du 7 septembre 1996, considérant que, le 12 septembre, plusieurs sources ont fait état des conditions de détention de M. Chammari comme suit : "Depuis le 12 juin, M. Chammari n'a été examiné par aucun médecin, alors que son état de santé nécessite un suivi médical régulier et un ajustement constant de son traitement médical. Depuis le 12 juin, il est dans une chambrée de 35 détenus et dispose d'un lit pour lui tout seul. Cependant, du fait de son hernie discale, il aurait besoin d'un lit équipé d'une planche en bois et d'un siège avec dossier. M. Chammari ne dispose que d'un seau en plastique pour s'asseoir. Il n'a pas reçu les livres et revues déposés par sa famille et n'a pas de matériel pour écrire. Il ne reçoit pas son courrier. Le parloir familial se passe dans des conditions dégradantes et humiliantes, derrière un double grillage distant de deux mètres, en présence de gardiens. Malgré la saisine réitérée des autorités compétentes par M. Chammari en vue de bénéficier de son droit au suivi médical, à une hygiène de vie correspondant à son état de santé, aux livres, revues, matériel pour écrire et à un parloir familial tenant compte des droits humains les plus élémentaires, ces demandes n'ont pas eu de suite à ce jour. Pourtant, l'ensemble de ces réclamations sont conformes aux dispositions du règlement spécial des prisons publié par décret N° 88-1876 du 4 novembre 1988", considérant que, le mardi 10 septembre 1996, M. Chammari aurait entamé une grève de la faim pour :
* La délégation de la Tunisie a exprimé des réserves concernant la résolution adoptée par le Conseil interparlementaire.
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