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CAS N° GMB/01 - LAMIN WAA JUWARA - GAMBIE

Résolution adoptée sans vote par le Conseil interparlementaire à sa 160e session
(Séoul, 15 avril 1997)


Le Conseil interparlementaire,

se référant à l'exposé du cas qui figure dans le rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/160/14a)-R.1) et à la résolution qu'il a adoptée à sa 159e session (septembre 1996) concernant le cas de M. Lamin Waa Juwara (Gambie),

tenant compte des informations fournies par la source le 6 décembre 1996, le 11 février 1997 et les 6 et 25 mars 1997,

rappelant que, selon la première communication de la source, M. Lamin Waa Juwara aurait été arrêté plusieurs fois depuis le coup d'Etat de juillet 1994 sans être jamais inculpé et qu'après sa dernière arrestation, en janvier 1996, par une équipe spéciale de la police il avait " disparu " et les sources craignaient pour sa vie,

considérant que sa situation exacte est restée inconnue jusqu'au 6 décembre 1996, date à laquelle une des sources a indiqué qu'il était détenu à la prison centrale " Mile Two " de Banjul sans qu'aucune inculpation n'ait encore été prononcée contre lui,

considérant que M. Juwara a été libéré le 3 février 1997,

considérant que, selon l'une des sources, M. Juwara a été victime, depuis que la Chambre a été dissoute au lendemain du coup d'Etat du 22 juillet 1994, de harcèlements, d'arrestations arbitraires et de détentions au secret :

a) il a d'abord été arrêté à la suite de la tentative de reprise du pouvoir par la force du 14 novembre 1994. Il a été détenu deux semaines au commissariat de police de Banjul avant d'être transféré à celui de Kombo, où il a été gardé au secret pendant deux autres semaines;

b) le 13 janvier 1995, deux camions de soldats de l'armée nationale gambienne ont encerclé sa maison pendant que des membres du Service national de renseignements y perquisitionnaient pendant deux heures. Il a été arrêté à 17 heures et gardé une semaine au commissariat de police de Brikama;

c) le 13 mai 1995, à 23 h.30, deux soldats ont essayé de l'enlever alors qu'il se trouvait chez lui. Une intervention rapide de voisins et de la police a fait échouer leur tentative. La police de Brikama et la police militaire de la caserne de Yundum ont ouvert une enquête mais elles ont ensuite reçu l'ordre de l'abandonner parce que l'un des soldats identifiés était un garde de la présidence attaché au vice-président du Conseil militaire;

d) le 4 juin 1995, M. Juwara a été arrêté de nouveau, en même temps que 30 autres personnes de sa circonscription. Il a été reconnu publiquement que M. Juwara et six autres personnes avaient été arrêtés pour avoir enfreint l'interdiction d'activités politiques. M. Juwara a rejeté ces affirmations, déclarant qu'il s'était simplement rendu dans son village pour participer à une fête religieuse annuelle. Il a été placé en détention préventive pendant un mois à la prison de Georgetown, où les conditions seraient extrêmement mauvaises;

e) le 29 septembre 1995, des agents du Service national de renseignements ont fait irruption chez lui à 3 heures du matin et ont tout bouleversé pour tenter de trouver des documents. Ensuite, M. Juwara a été arrêté et gardé dix semaines au secret;

f) le 25 janvier 1996, il a été arrêté à Banjul, menotté et emmené à la prison de l'île de Janjanbureh où il a été gardé au secret pendant 13 mois,

considérant qu'aucune inculpation n'a jamais été prononcée contre M. Juwara et que, sauf dans un cas, aucun motif n'a jamais été invoqué pour expliquer ses arrestations et sa détention,

notant que, selon la législation de la Gambie (décret N° 57), tout détenu doit être traduit en justice dans un délai de 90 jours,

ayant à l'esprit que la Gambie est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi qu'à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, instruments qui garantissent tous deux le droit de ne pas faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraires,

considérant que les autorités n'ont jamais donné suite aux demandes d'information du Comité sur le sort de M. Juwara,

considérant enfin qu'un nouveau Parlement a été élu le 2 janvier 1997 et a commencé à fonctionner,

  1. exprime son soulagement de la libération de M. Juwara;
  2. regrette cependant que les autorités gambiennes n'aient fait aucun cas des demandes répétées d'information qui leur ont été adressées par un organisme international à propos d'une affaire aussi profondément préoccupante que celle de M. Juwara;
  3. ne peut que déduire du silence des autorités que les allégations de la source sont fondées et que M. Juwara est effectivement victime d'une violation flagrante de ses droits de l'homme, notamment du droit de ne pas faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraires, garanti tant par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (art. 9) que par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (art. 6), instruments auxquels la Gambie est partie et doit donc se conformer;
  4. souligne que les détentions répétées de M. Juwara ont également violé le droit national, en l'espèce les dispositions du décret N° 57 qui exigent que le détenu soit déféré à la justice dans un délai de 90 jours;
  5. souligne qu'aux termes de l'article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques " tout individu victime d'arrestation ou de détention illégale a droit à réparation " et que cette disposition s'applique à M. Juwara, qui a subi des arrestations et des détentions illégales répétées de la part de fonctionnaires agissant sous l'autorité de l'Etat;
  6. demande instamment aux autorités de s'acquitter des obligations qui découlent des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme auxquels elles ont adhéré, et d'indemniser M. Juwara pour les violations des droits de l'homme qu'il a subies de la part de fonctionnaires agissant sous l'autorité de l'Etat;
  7. prie le Secrétaire général de faire part de ces préoccupations et de ces considérations aux autorités compétentes, y compris le Président du Parlement nouvellement élu, en les invitant à prendre les mesures nécessaires;
  8. prie également le Secrétaire général de porter l'affaire à l'attention de tous les organes internationaux des droits de l'homme qui soient en mesure d'intervenir;
  9. prie le Comité des droits de l'homme des parlementaires de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session (septembre 1997).


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