Logo de l'UnionUNION INTERPARLEMENTAIRE
PLACE DU PETIT-SACONNEX
1211 GENEVE 19, SUISSE

DJIBOUTI

CAS N° DJI/09 - AHMED BOULALEH BARREH
CAS N° DJI/10 - ALI MAHAMADE HOUMED
CAS N° DJI/11 - MOUMIN BAHDON FARAH

Résolution adoptée sans vote* par le Conseil interparlementaire à sa 161e session
(Le Caire, 16 septembre 1997)


Le Conseil interparlementaire,

saisi du cas de MM. Ahmed Boulaleh Barreh, Ali Mahamade Houmed et Moumin Bahdon Farah (Djibouti), qui a fait l'objet d'une étude et d'un rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires conformément à la " Procédure d'examen et de traitement par l'Union interparlementaire des communications concernant les violations des droits de l'homme de parlementaires ",

prenant note du rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/161/10a)-R.1) qui contient un exposé détaillé de cette affaire,

tenant compte d'une lettre du Président de l'Assemblée nationale datée du 8 septembre 1997,

tenant compte également de l'information communiquée par les sources lors de l'audition organisée à l'occasion de la 98e Conférence interparlementaire (Le Caire, septembre 1997),

considérant que MM. Barreh, Houmed et Farah, membres de l'Assemblée nationale, ont été exclus de leur parti, le RPP (Rassemblement du peuple pour le progrès), par son Président, qui est aussi le Président de la République, et qu'ils ont publié par la suite un communiqué de presse dans lequel ils lançaient " un appel solennel à l'ensemble des militants ... et des Djiboutiens à se concerter et se mobiliser pour faire échec, par tous les moyens légaux et pacifiques, à cette politique délibérée du Président Hassan Goulet Aptidon de régner par la terreur et la force, tout en bafouant notre Constitution et les institutions républicaines ",

considérant que, selon le Président de l'Assemblée nationale, le Ministre de la Justice a demandé la levée de l'immunité parlementaire des députés concernés afin de permettre la conduite de poursuites pour offense au chef de l'Etat; que le Bureau de l'Assemblée nationale s'est réuni les 12 et 15 juin 1996, et, conformément au Règlement intérieur de celle­ci, a décidé d'autoriser les poursuites, adoptant une résolution dans ce sens; que par une lettre N° 141/AN/FW du 15 juin 1996 le Président de l'Assemblée nationale a informé le Ministre de la Justice de cette décision,

considérant que, selon les sources, la procédure de levée de l'immunité aurait été viciée, qu'en particulier les députés concernés n'auraient pas été entendus et que, contrairement à l'affirmation du Président de l'Assemblée nationale, aucune résolution relative à la levée de leur immunité parlementaire n'aurait été adoptée et publiée au Journal officiel de la République de Djibouti, comme l'exige l'article 64 du Règlement intérieur de l'Assemblée,

considérant à cet égard que, dans la décision qu'il a rendue le 31 juillet 1996 à la suite du recours formé par les députés concernés, le Conseil constitutionnel a considéré que toute décision de l'Assemblée nationale ou de son Bureau relative à une demande de levée de l'immunité parlementaire devait prendre la forme d'une résolution et a conclu que la lettre par laquelle le Président de l'Assemblée avait informé le Ministre de la Justice de la décision du Bureau ne constituait pas la résolution requise; que le Conseil constitutionnel a estimé en outre que la non­audition des députés concernés constituait une violation des droits de la défense garantis par la loi djiboutienne,

considérant que, malgré la décision du Conseil constitutionnel, qui s'impose à toutes les autorités, les trois députés ont été accusés par le Procureur général, en vertu des articles 187 et 188 du Code pénal, d'offense au chef de l'Etat; que la Chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Djibouti les a condamnés le 7 août 1996 à six mois d'emprisonnement, au paiement d'une lourde amende et à cinq ans de privation de leurs droits civiques; considérant aussi qu'ils ont immédiatement été arrêtés et emmenés à la prison de Gabode,

considérant que le 17 novembre 1996 la Cour suprême a confirmé le jugement du Tribunal de première instance; que cependant, selon les sources, les magistrats de la Chambre de la Cour suprême qui a prononcé cet arrêt étaient en majorité des suppléants, et non des magistrats titulaires comme l'exigent les dispositions en vigueur,

rappelant que, selon les sources, le procès des députés a été entaché de nombreuses irrégularités, que le Ministre de la Justice aurait auparavant muté et révoqué quatre magistrats du tribunal compétent sans donner d'explication et sans prendre l'avis du Conseil supérieur de la magistrature, qu'il était pourtant tenu de consulter,

considérant qu'à l'occasion du Ramadan, le Président de la République les a fait bénéficier d'une remise de peine, si bien qu'ils ont été libérés mais restent néanmoins privés de leurs droits civiques, de sorte qu'ils ne pourront pas participer aux élections législatives qui doivent avoir lieu prochainement,

notant qu'aux termes de l'article 175.2) du Code de procédure pénale, est considérée comme nullité d'ordre public " la violation des règles propres à assurer le respect des principes fondamentaux de la procédure d'information et des droits de la défense ",

considérant que, selon les sources, l'initiative d'une révision doit être prise par le Président ou le Ministre de la Justice; que, de l'avis des sources, l'absence de résolution portant levée de l'immunité parlementaire de MM. Boulaleh, Mahamade et Bahdon ainsi que la violation des droits de la défense constitueraient des motifs de révision,

considérant aussi que, dans une allocution prononcée le 26 juin 1997 à l'occasion du 20e anniversaire de l'indépendance de Djibouti, le Président de la République aurait publiquement accordé son " pardon " à ses compagnons de lutte pour l'indépendance qui ont oeuvré à la construction de la nation,

sachant que, selon les sources, des poursuites ont été engagées au début de 1997 contre deux avocats de la défense, Mes Aref et Foulie, et contre le Président du Conseil constitutionnel, sur la base d'accusations qui seraient dénuées de fondement; que le Président du Conseil constitutionnel a été révoqué; que de nombreuses organisations internationales, y compris le Centre pour l'indépendance des juges et des avocats, considèrent ces poursuites comme arbitraires et liées à l'affaire des trois députés concernés,

sachant également qu'un membre en exercice du Parlement qui souhaitait faire une déposition devant le Comité à sa session du Caire a été empêché de voyager et privé de son passeport,

1. remercie le Président de l'Assemblée nationale de sa coopération;

2. souligne que l'immunité accordée aux parlementaires vise à leur permettre d'exercer pleinement et en toute indépendance leur mandat et à les préserver de toutes poursuites ou charges pouvant être politiquement motivées;

3. rappelle aussi que l'invalidation d'un mandat parlementaire est une mesure très grave qui doit être prise par l'organe compétent dans le strict respect de la procédure légale pour assurer aux parlementaires concernés toutes les garanties nécessaires à leur défense et un procès équitable;

4. est donc profondément préoccupé de ce qu'il n'a pas été tenu compte de la décision par laquelle le Conseil constitutionnel a statué le 31 juillet 1997 que les droits de la défense avaient été violés et que la résolution requise n'existait pas;

5. regrette que le Comité n'ait pas reçu copie de la résolution relative à la levée de l'immunité des députés concernés, telle qu'elle a été publiée au Journal officiel de la République de Djibouti;

6. considère que les députés concernés, en publiant le communiqué de presse pour lequel ils ont été condamnés, n'ont fait qu'exercer leur droit fondamental à la liberté d'expression et ne comprend donc pas en quoi cela a pu motiver les poursuites engagées contre eux et leur condamnation pour offense au chef de l'Etat à une peine sévère au point d'être assortie de la perte de leurs droits civiques;

7. souligne que le droit à la liberté de parole est au coeur du fonctionnement de la démocratie parlementaire et que les parlements devraient donc veiller avec une attention particulière à ce que l'application en soit aussi large que possible et à ce que chacun puisse l'exercer sans avoir à craindre, notamment, la prison;

8. est préoccupé à l'idée que cette condamnation les empêchera de participer aux prochaines élections législatives, qui doivent avoir lieu en décembre 1997;

9. espère sincèrement que la grâce accordée par le Président à ses compagnons de lutte pour l'indépendance à l'occasion du 20e anniversaire de l'indépendance de Djibouti prendra effet bientôt, qu'en tout état de cause, les autorités compétentes réclameront une révision de leur procès et que des mesures seront prises pour leur permettre de se présenter aux élections;

10. est alarmé à l'idée qu'un membre en exercice du Parlement, dont l'immunité n'a pas été levée, s'est vu confisquer son passeport et a de ce fait été empêché de se rendre au Caire pour informer le Comité, et demande instamment aux autorités de lever rapidement toute restriction de cette nature et de rétablir le député concerné dans tous ses droits;

11. est préoccupé par les poursuites exercées contre les avocats des députés concernés et par la révocation du Président du Conseil constitutionnel et souhaite recevoir des renseignements détaillés à ce sujet;

12. prie le Secrétaire général de faire part de ces considérations au Président de l'Assemblée nationale et aux autorités judiciaires compétentes;

13. prie également le Secrétaire général de porter ces préoccupations à l'attention du Président de la République;

14. prie le Comité des droits de l'homme des parlementaires de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session (avril 1998).

* * *

* La délégation de Djibouti a émis des réserves concernant la résolution adoptée par le Conseil interparlementaire.


Note : vous pouvez télécharger une version électronique du texte intégral de la brochure "Résultats de la 98e Conférence et réunions connexes de l'Union interparlementaire" au format PDF (taille du fichier environ 1230K). Cette version nécessite Adobe Acrobat Reader que vous pouvez télécharger gratuitement.Get Acrobat Reader

Droits de l'homme des parlementaires | Page d'accueil | Principaux domaines d'activités | Structure et fonctionnement