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CAS N° IDS/11 - MEGAWATI SUKARNOPUTRI - INDONESIE

Résolution adoptée sans vote* par le Conseil interparlementaire à sa 161e session
(Le Caire, 16 septembre 1997)


Le Conseil interparlementaire,

saisi du cas de Mme Megawati Sukarnoputri (Indonésie), qui a fait l'objet d'une étude et d'un rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires conformément à la " Procédure d'examen et de traitement par l'Union interparlementaire des communications concernant les violations des droits de l'homme de parlementaires ",

prenant note du rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/161/10a)-R.1) qui contient un exposé détaillé de cette affaire,

tenant compte des observations faites par la délégation indonésienne à la 98e Conférence interparlementaire (septembre 1997),

considérant que Mme Megawati, membre de la Chambre des représentants, a été élue en 1993 à la tête du Parti démocratique indonésien (PDI) pour un mandat de cinq ans; qu'en juin 1996, un congrès de membres dissidents de ce parti, défiant son autorité, a eu lieu à Medan, au nord de Sumatra; qu'à la fin de ce congrès, M. Suryadi, Vice­Président de la Chambre des représentants, a été élu à la tête du PDI; que le gouvernement a reconnu comme légitimes le congrès de Medan et ses résultats,

considérant que, selon le groupe de Mme Megawati, le congrès de Medan a été imaginé et orchestré par le gouvernement et les forces armées pour éviter que le PDI ne désigne Mme Megawati comme candidate aux élections présidentielles de 1997, faisant d'elle la première personne à s'être jamais présentée contre M. Suharto, et qu'en conséquence le congrès et ses conclusions sont illégitimes, celui­ci ayant été manifestement tenu au mépris des statuts et du règlement intérieur du parti,

considérant que, selon les autorités, le congrès de Medan a été organisé à la demande de la majorité des membres du PDI et conformément aux règlements du parti; qu'il a élu M. Suryadi à la présidence générale; que le congrès ayant eu lieu conformément aux procédures en vigueur, le gouvernement a reconnu la légitimité de l'assemblée et de ses travaux,

considérant que Mme Megawati a porté plainte contre le Gouvernement indonésien et les responsables élus lors de ce congrès; que le Tribunal central de Djakarta a décidé qu'il n'était pas compétent en l'espèce et proposé que le différend soit réglé sur le plan interne; que, toutefois, la Haute Cour de Djakarta a décidé le 10 juillet 1997 que le Tribunal central de Djakarta avait compétence pour connaître de l'affaire et que M. Suryadi a fait appel de cette décision devant la Cour suprême,

considérant qu'après l'éviction de Mme Megawati de la tête de son parti, ses partisans ont occupé le bureau du PDI à Djakarta; que, selon les sources, le 27 juillet, des individus portant des vêtements aux couleurs de leur formation et se faisant passer pour des partisans de M. Suryadi sont arrivés au bureau du parti et ont commencé à agresser ceux qui s'y trouvaient, qui ont riposté; que les troupes anti-émeutes auraient attendu environ deux heures avant d'intervenir et auraient alors pénétré dans les locaux par la force; que, dans l'affrontement qui a suivi, des douzaines de personnes ont été blessées; qu'à la suite de l'attaque de la police, des milliers de personnes se sont soulevées en divers points de Djakarta,

considérant que, dans le rapport établi par la Commission indonésienne des droits de l'homme (KOMNAS) en date du 12 octobre 1996 à propos de ces événements, on peut lire notamment ce qui suit : " L'attaque, accompagnée d'actes de violence, du siège du PDI ... était le fait de la direction du PDI issue du congrès de Medan et des groupes qui l'appuient et elle a été rendue possible par la participation des forces de sécurité. Ceci s'inscrit dans une série d'événements visant à susciter un conflit ouvert au sein du PDI auquel les autorités ont pris part de façon excessive et arbitraire, au mépris de leur fonction d'arbitre politique et de leur mission de sécurité ",

considérant que, soucieuse de remédier aux conséquences de ces événements et d'en prévenir la répétition, la Commission a recommandé en particulier que :

  • " le gouvernement se garde d'intervenir de façon partiale dans tout différend;
  • le recours à la violence soit proscrit, l'existence d'une pluralité d'opinions étant naturelle dans toute organisation;
  • les différends qu'il est impossible de régler par voie de négociation soient portés devant les tribunaux ",

considérant à cet égard que, selon la délégation indonésienne, la KOMNAS s'est contentée de recommander que M. Suryadi fasse lui aussi l'objet de poursuites,

considérant que, selon les sources, les autorités ont fermé le nouveau siège du parti de Mme Megawati au motif qu'il se trouvait dans un quartier résidentiel, alors que M. Suryadi a été autorisé en août 1996 à installer le siège du PDI à son domicile,

considérant que, selon les sources, l'ancien siège du PDI, qui avait été occupé par la police après l'attaque de juillet 1996, au lieu d'être placé sous l'autorité du Parquet général en tant qu'élément important dans diverses procédures engagées en rapport avec les événements de juillet, a été placé fin 1996 sous l'autorité du " Secrétariat d'Etat " qui en a ordonné la réparation et la rénovation, ce qui, selon les sources, est proscrit par l'article 417 du Code pénal,

considérant que, selon les sources, le 10 janvier 1997 les partisans de Mme Megawati ont organisé une réunion pour célébrer le 24e anniversaire de la fondation du PDI; que l'autorisation de tenir cette réunion, qui devait initialement avoir lieu à Bali, a été demandée aux autorités compétentes qui n'auraient jamais répondu; que la réunion a donc été organisée au domicile de Mme Megawati,

considérant qu'en février 1997 des fonctionnaires de la police de Djakarta auraient déclaré que Mme Megawati et son mari, également député, pourraient être suspectés d'avoir organisé une réunion illégale et que, selon la délégation indonésienne, Mme Megawati est bien interrogée comme témoin au sujet de cette réunion prétendument illégale,

considérant qu'en septembre 1996, la Commission électorale a rejeté la liste de candidats présentée par la faction de Mme Megawati et qu'elle a accepté celle présentée par la faction Suryadi en novembre 1996,

considérant que Mme Megawati a ainsi été empêchée de se présenter aux élections législatives de mai 1997; qu'elle a porté plainte contre la Commission électorale,

rappelant que Mme Megawati ne peut fonder un nouveau parti car les autorités refusent de reconnaître officiellement tout nouveau parti au motif que la règle en vigueur, fondée sur un consensus national de 1969 et consacrée par la " loi sur les partis politiques ", limite le nombre des partis à trois, règle que les sources estiment contraire à l'esprit de la Constitution de 1945,

ayant à l'esprit que le Conseil interparlementaire, dans la Déclaration sur les critères pour des élections libres et régulières adoptée à l'unanimité à Paris le 26 mars 1994 avec la participation d'une délégation du Parlement indonésien, a proclamé que tout individu a le droit d'" adhérer à, ou avec d'autres, de créer un parti ou une organisation politique en vue d'être candidat à un élection ",

rappelant que la Déclaration universelle des droits de l'homme, reconnue comme l'expression des normes générales relatives aux droits de l'homme, consacre le droit à la liberté de réunion et le droit de prendre part à la conduite des affaires publiques, qui comprend le droit de se présenter aux élections,

1. remercie la délégation indonésienne de ses observations;

2. regrette profondément que Mme Megawati ait été empêchée de participer aux élections législatives de mai 1997 par suite de son éviction peut-être illégale de la présidence du PDI et d'une conception restrictive du pluralisme politique;

3. rappelle à ce propos le rapport de la Commission indonésienne des droits de l'homme en date du 12 octobre 1996 et ses conclusions indiquant que les pouvoirs publics " ont pris part de façon excessive et arbitraire, au mépris de leurs fonctions d'arbitre politique et de leur mission de sécurité " à l'affaire du congrès de Medan, qui s'est traduite par l'éviction de Mme Megawati de la direction du PDI et son exclusion ultérieure du processus électoral;

4. regrette que les autorités indonésiennes ne semblent pas avoir tenu compte des recommandations de la Commission et réitère sa conviction que le Parlement, en tant que gardien des droits de l'homme, a tout particulièrement intérêt à ce qu'il soit donné suite aux recommandations de la Commission indonésienne des droits de l'homme;

5. exprime l'espoir qu'à la lumière des recommandations de la Commission indonésienne des droits de l'homme Mme Megawati pourra poursuivre normalement ses activités politiques;

6. souhaiterait que les autorités lui fassent part de leurs vues sur l'allégation selon laquelle, lors de la réparation de l'ancien siège du PDI, un important élément du dossier aurait été détruit délibérément, action prohibée par l'article 417 du Code pénal;

7. note que, selon l'arrêt rendu par la Haute Cour de Djakarta le 10 juillet 1997, le Tribunal du district central de Djakarta est compétent pour connaître de la plainte portée par Mme Megawati contre le gouvernement et contre M. Suryadi au sujet de son éviction de la direction du PDI et souhaiterait être tenu informé du déroulement de la procédure judiciaire correspondante;

8. espère vivement que les autorités voudront bien réexaminer, à la lumière des principes proclamés par l'Union interparlementaire, la réglementation relative aux partis politiques;

9. prie le Secrétaire général de faire part de ces préoccupations au Président de la Chambre des représentants en l'invitant à faire part au Comité de ses observations et à lui communiquer les informations demandées;

10. prie en outre le Secrétaire général de faire part de la présente décision à la Commission indonésienne des droits de l'homme;

11. prie le Comité des droits de l'homme des parlementaires de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session (avril 1998).

* * *

* La délégation de l'Indonésie a émis des réserves concernant la résolution adoptée par le Conseil interparlementaire.


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