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CAS N° MAL/11 - LIM GUAN ENG - MALAISIE

Résolution adoptée sans vote par le Conseil interparlementaire à sa 161e session
(Le Caire, 16 septembre 1997)


Le Conseil interparlementaire,

saisi du cas de M. Lim Guan Eng, membre de la Chambre des représentants de la Malaisie, qui a fait l'objet d'une étude et d'un rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires conformément à la " Procédure d'examen et de traitement par l'Union interparlementaire des communications concernant les violations des droits de l'homme de parlementaires ",

prenant note du rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/161/10a)-R.1) qui contient un exposé détaillé de cette affaire,

tenant compte des observations formulées par la délégation malaisienne à la 98e Conférence interparlementaire (septembre 1997),

considérant que M. Lim Guan Eng, fils de M. Lim Kit Siang, dirigeant du Parti de l'action démocratique (DAP), Secrétaire général adjoint de cette formation et député de Kota Melaka (Malacca), a déclaré en janvier 1995 qu'on appliquait " deux poids, deux mesures " dans une affaire de viol de mineure dans laquelle était impliqué l'ancien Premier Ministre de Malacca, M. Rahim Tamby Chik, parce que le Procureur général avait décidé de ne pas poursuivre ce dernier, alors que la victime présumée, une écolière musulmane âgée de 15 ans, avait été " à titre de protection " privée de liberté pendant dix jours sans le consentement de ses parents,

considérant que M. Lim Guan Eng a été accusé le 28 février 1995, en application de l'article 4 1.b) de la loi sur les actes séditieux pour incitation " à se défier de l'administration de la justice en Malaisie "; qu'en outre, le 17 mars 1995, M. Lim Guan Eng a été accusé, en vertu de l'article 8 A.1) de la loi sur la presse et les publications d'avoir publié, dans l'intention de nuire, un tract qui aurait contenu de " fausses informations ", en particulier parce qu'il avait utilisé l'expression de " victime emprisonnée " pour désigner la victime présumée du viol,

considérant que la déclaration de M. Lim Guan Eng traduisait l'émotion générale suscitée par le traitement du cas de viol allégué; qu'en novembre 1994 la fille du Premier Ministre, Mahathir Mohammed, a publié un article intitulé " Où va la justice ? " dans lequel elle a décrit la manière dont les autorités s'étaient comportées à l'égard de la victime présumée comme une " parodie de justice ",

considérant que, selon les autorités, M. Lim Guan Eng n'aurait pas été poursuivi s'il avait tenu les propos incriminés au Parlement; que cependant, selon la source, les parlementaires malaisiens ne bénéficient pas de l'immunité contre les poursuites pour sédition; que M. Lim Guan Eng aurait critiqué au Parlement la manière dont le Procureur général avait traité cette affaire, qu'il aurait présenté une motion demandant la destitution de ce dernier, sans que le Président lui ait intimé l'ordre de retirer quoi que ce soit de ses propos, alors même qu'il taxait le Procureur général de parti pris politique et de double jeu; qu'il a été inculpé sur la base d'une déclaration non enregistrée faite en dehors du Parlement,

considérant que le procès de M. Lim Guan Eng s'est ouvert en janvier 1996 mais qu'il a été suspendu en mars 1996 dans l'attente d'un arrêt de la Cour fédérale qui devait faire jurisprudence; que cet arrêt a été rendu en juillet 1996 et dispose qu'au terme des réquisitions, la preuve apportée doit " emporter la conviction " et que, contrairement à la pratique antérieure, un commencement de preuve ne suffit pas,

considérant que, contre à toute attente, à la suite de l'arrêt de la Cour fédérale, le juge a estimé que, dans l'affaire de M. Lim Guan Eng, les éléments apportés par l'accusation emportaient la conviction, et ce pour les deux chefs d'inculpation et que l'affaire devait donc se plaider; qu'en conséquence le procès a repris,

considérant que, selon les sources, le juge a décidé, au sujet des propos prétendument séditieux, que le rapport d'un seul agent de police qui ne s'appuyait pas, comme c'est généralement le cas dans les affaires de sédition, sur un enregistrement sonore constituait une preuve suffisante; que, concernant la publication de " fausses informations ", l'accusation avait établi à l'aide de preuves " emportant la conviction " que les termes de " victime emprisonnée " étaient mensongers; que, ce faisant, le juge n'a pas tenu compte des affirmations selon lesquelles la victime de viol présumée avait été gardée par la police pendant dix jours sans le consentement de ses parents,

considérant que, selon les sources, la jeune fille a confirmé pendant le procès qu'elle avait eu des relations sexuelles avec M. Rahim Tamby Chik,

considérant que, selon les autorités, M. Rahim Tamby Chik avait été interrogé, non pas parce que la jeune fille avait porté plainte contre lui mais à la suite de lettres anonymes, et que les preuves avaient été jugées insuffisantes pour le poursuivre,

considérant que, selon les autorités, la Constitution malaisienne donne au Procureur général toute latitude pour engager ou abandonner des poursuites pénales contre qui que ce soit (art. 145/3); qu'en l'espèce, le Procureur général a estimé que M. Lim Guan Eng avait enfreint les deux lois précitées en tenant des propos mensongers et séditieux,

considérant que M. Lim Guan Eng a été condamné, le 28 avril 1997, en application de l'article 4 1.b) de la loi relative aux actes séditieux pour incitation " à se défier de l'administration de la justice en Malaisie ", à la peine d'amende maximum de 5.000 ringgits et, en vertu de l'article 8 A.1) de la loi sur la presse et les publications, pour avoir publié dans l'intention de nuire un tract qui aurait contenu de " fausses informations ", à une amende de 10.000 ringgits,

rappelant que, selon les sources, il n'existe aucune preuve irréfutable attestant que M. Lim Guan Eng a effectivement tenu les propos incriminés en l'absence d'enregistrements sonore ou vidéo de son discours - enregistrements qui sont normalement requis dans les affaires de sédition ­, un policier s'étant servi de notes et de sa mémoire pour reproduire la déclaration en question,

considérant que, selon les sources, le Procureur général, par une décision sans précédent, a fait appel de ce jugement avant même que M. Lim Guan Eng fasse lui-même appel au motif que les peines prononcées étaient " insuffisantes eu égard à la gravité des faits incriminés qui portent atteinte à l'administration de la justice ",

rappelant que la loi sur les actes séditieux prévoit une amende maximum de 2.000 ringgits et une peine d'emprisonnement maximum de trois ans et que la loi sur la presse et les publications prévoit une amende maximum de 20.000 ringgits et une peine d'emprisonnement maximum de trois ans; considérant donc que le Procureur général semble rechercher une condamnation à une peine privative de liberté contre M. Lim Guan Eng,

considérant que, selon la loi malaisienne, les parlementaires condamnés à une amende d'au moins 2.000 ringgits ou à un an d'emprisonnement minimum sont automatiquement privés de leur mandat,

considérant que M. Lim Guan Eng a, pendant toute la procédure, exercé normalement ses fonctions parlementaires; que, s'il est déclaré coupable et déchu de son mandat, la décision ne sera exécutée que lorsque l'arrêt de la Cour sera définitif,

1. remercie la délégation malaisienne de sa coopération;

2. souligne qu'il incombe particulièrement aux parlementaires, en tant que garants des droits de l'homme, de sauvegarder ces droits et les libertés dans leurs pays respectifs et qu'ils doivent donc s'inquiéter des violations alléguées de ces droits, où qu'elles soient commises dans l'appareil de l'Etat;

3. souligne que l'une des principales fonctions du Parlement consiste à contrôler l'action de l'exécutif et qu'en signalant ou dénonçant publiquement un dysfonctionnement éventuel de la justice ou du pouvoir exécutif, les parlementaires ne font que remplir leur devoir constitutionnel;

4. affirme qu'en exerçant cette fonction de contrôle les parlementaires jouent un rôle primordial dans la promotion et la protection des droits de l'homme et que, pour ce faire, ils doivent jouir pleinement de la liberté d'expression indispensable à l'exercice du mandat parlementaire;

5. exprime sa ferme conviction qu'à supposer que M. Lim Guan Eng ait tenu les propos incriminés, il n'aurait fait qu'exercer le mandat qui lui a été confié par ses électeurs et user de sa liberté d'expression;

6. est donc consterné par le jugement et la peine prononcés contre M. Lim Guan Eng qui, s'ils étaient confirmés en dernière instance, lui feraient perdre son mandat parlementaire;

7. est vivement préoccupé par l'allégation que le tribunal a peut-être retenu des indices entachés d'irrégularités;

8. est vivement préoccupé par ailleurs de ce que, avant même que M. Lim Guan Eng ait lui-même formé un recours, le Procureur général a fait appel du jugement, requérant un alourdissement de la peine qui, compte tenu de la sévérité de celle qui avait déjà été prononcée contre M. Lim Guan Eng, vise de toute évidence à le faire emprisonner;

9. souligne que la manière dont le Procureur général a donné suite à cette affaire de viol sur mineure lui a valu d'amples critiques de la part de l'opinion, et même de la fille du Premier Ministre qui a décrit la manière dont les autorités s'étaient comportées à l'égard de la victime présumée comme une " parodie de justice ", mais que seul M. Lim Guan Eng, militant actif de l'opposition, a été poursuivi;

10. ne peut que déduire de ce fait que les poursuites engagées et la peine infligée semblent être motivées par des considérations étrangères à la justice;

11. note que M. Lim Guan Eng a fait appel du jugement et exprime le vif espoir qu'il ne sera pas victime d'un traitement particulier et condamné pour des propos critiques qui n'ont pas été considérés comme un délit lorsque d'autres les ont tenus, en des termes parfois plus durs;

12. prie le Secrétaire général de faire part de ces considérations au Président de la Chambre des représentants;

13. demande au Comité de poursuivre l'examen du cas et de lui faire rapport à sa prochaine session (avril 1998).


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