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CAS N° ARG/20 - RAMON EDUARDO SAADI - ARGENTINE

Résolution adoptée sans vote par le Conseil interparlementaire
à sa 162e session (Windhoek, 11 avril 1998)


Le Conseil interparlementaire,

saisi du cas de M. Ramón Eduardo Saadi (Argentine), qui a fait l'objet d'une étude et d'un rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires conformément à la " Procédure d'examen et de traitement par l'Union interparlementaire des communications concernant les violations des droits de l'homme de parlementaires ",

prenant note du rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/162/11a)-R.1) qui contient un exposé détaillé de ce cas,

considérant qu'en vertu de l'article 54 de la Constitution argentine, amendée en 1994, chaque province est représentée au Sénat national par trois sénateurs, dont deux sont issus du parti ayant obtenu la majorité des suffrages et le troisième, du parti arrivé second; qu'aux termes de la clause transitoire numéro quatre, les candidats doivent être proposés par les partis politiques ou les coalitions électorales, les instances judiciaires nationales compétentes en matière électorale devant certifier que les conditions légales sont remplies; que les membres du Sénat ne sont donc plus élus, comme ils l'étaient auparavant, par l'Assemblée législative de chaque province,

considérant que, selon le Président de la Commission sénatoriale des affaires constitutionnelles, l'élection des sénateurs se fait en trois étapes : dans un premier temps, les partis politiques ou les coalitions électorales majoritaires et minoritaires désignent leurs candidats; dans un deuxième temps, la juridiction nationale compétente en matière électorale certifie que la candidature remplit les conditions légales et réglementaires en vigueur; enfin, le certificat est communiqué au Parlement provincial; qu'il appartient au juge national compétent en matière électorale et à lui seul de se prononcer sur la validité de l'élection; qu'en conséquence, il n'est pas nécessaire pour l'élection du troisième sénateur, qui représente la minorité, d'obtenir l'accord de la majorité de l'Assemblée nationale et que la désignation du candidat par le parti concerné et le certificat du juge compétent suffisent,

considérant qu'aux élections législatives de mars 1993 et de mai 1995, le Parti justicialiste est arrivé en deuxième position dans la province de Catamarca, la coalition du Front civique et social (Frente cívico y social) ayant obtenu la majorité des suffrages; que le Parti justicialiste était donc habilité à désigner un candidat pour occuper celui des sièges de la province de Catamarca au Sénat national qui est réservé à la minorité,

considérant que, le 20 août 1995, ce parti a élu respectivement MM. Saadi et Garbe sénateurs titulaire et suppléant de la province pour le compte de la minorité; que leur élection a été dûment certifiée et notifiée à l'Assemblée législative qui a été informée par la résolution D.R.597/95 du Sénat qu'elle devait désigner les sénateurs et leurs suppléants au cours de la même séance,

considérant qu'en dépit des dispositions constitutionnelles susmentionnées l'Assemblée législative s'est réunie d'abord le 10 octobre 1995 puis le 9 septembre 1996 pour élire les sénateurs titulaires et suppléants de la majorité et de la minorité; que, lors de l'élection du 9 septembre 1996, les candidatures du Parti justicialiste ont été rejetées; qu'il a cependant été consigné au procès-verbal que ce rejet ne signifiait pas que le Parti justicialiste avait perdu le droit de prétendre au siège de sénateur réservé à la minorité de la province de Catamarca,

considérant que la Commission sénatoriale des affaires constitutionnelles a invité à plusieurs reprises le Président de l'Assemblée législative de Catamarca à lui communiquer les noms des sénateurs titulaires et suppléants élus pour la majorité et la minorité et a recommandé, dans des textes dont le plus récent est la décision O.D. 1136/96, que le Sénat approuve l'admission des sénateurs de la majorité et de la minorité de la province de Catamarca; que, cependant, le Sénat qui, aux termes de la Constitution, est seul juge " de la validité de l'élection, des droits et des qualités de ses membres... " n'a pris aucune disposition à cette fin,

considérant à cet égard que, selon la source, le Président du Sénat a déclaré publiquement à plusieurs reprises, et tout récemment encore le 3 juillet 1997, qu'il ne ferait pas prêter serment au cas où le sénateur-élu concerné serait admis; que cette réticence à accueillir le sénateur-élu Saadi semble due au fait qu'il est poursuivi en justice,

considérant que, dans sa lettre du 26 décembre 1997, le Président du Sénat a déclaré qu'il " appartient à la province de Catamarca d'élire les sénateurs qui la représentent " et qu'il n'avait reçu de cette province aucune communication lui notifiant sa décision de nommer M. Saadi à une telle distinction,

considérant que, dans l'avis qu'il a émis sur la question de savoir s'il y avait une instance habilitée à statuer sur les conflits institutionnels et à donner une interprétation définitive des dispositions constitutionnelles, le Président de la Commission sénatoriale des affaires constitutionnelles a indiqué que, bien qu'il appartienne à la Cour suprême de donner une interprétation définitive de la Constitution, cette instance a rendu plusieurs arrêts pour insister sur cette règle fondamentale du droit public qui veut que chacun des trois pouvoirs soit libre d'appliquer et d'interpréter la Constitution comme il l'entend, dans l'exercice de l'autorité spécifique qui lui est conférée par la Constitution; que, conformément à l'article 64, qui stipule que " chaque Chambre est seul juge de la validité de l'élection, des droits et des qualités de ses membres ", la Cour a donc établi par une abondante jurisprudence que les questions politiques telles que celle qui se pose en l'occurrence ne peuvent pas être tranchées par les tribunaux,

considérant que, selon le Président de la Commission sénatoriale, il n'y a pas de conflit institutionnel puisque le Président du Sénat n'est pas habilité à se prononcer sur les quorums, à participer aux débats ni à exprimer son opinion; qu'en conséquence, " sans préjuger de l'importance politique des vues qu'il défend, son avis personnel ne peut ni rendre nulle et non avenue ni remplacer la jurisprudence constituée par les décisions prises par le Sénat dans l'exercice de son autorité constitutionnelle ",

considérant que, selon la source, le mandat d'une partie des membres du Sénat national est venu à expiration le 10 décembre 1995, de sorte que la province de Catamarca n'a plus qu'un seul représentant au lieu des trois prévus par la nouvelle Constitution,

considérant enfin que la République argentine est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Convention américaine des droits de l'homme qui garantissent tous deux le droit de participer à la direction des affaires publiques (art. 25 et 23, respectivement),

  1. remercie le Président du Sénat et le Président du Groupe national argentins de leur coopération et des informations qu'ils ont communiquées;
  2. note que, selon la Constitution argentine, chaque Chambre est " seul juge de la validité de l'élection, des droits et des qualités de ses membres " et que, selon la jurisprudence de la Cour suprême, cette dernière n'est pas compétente pour interpréter les dispositions constitutionnelles relatives à l'autorité spécifique que la Constitution confère à chacun des trois pouvoirs;
  3. note que la Commission sénatoriale des affaires constitutionnelles a conseillé à plusieurs reprises au Sénat d'admettre M. Saadi en qualité de sénateur titulaire et M. Garbe en qualité de sénateur suppléant, considérant que les conditions légales pour ce faire avaient été remplies;
  4. note que, de l'avis du Président du Sénat, il appartient à la province de Catamarca d'élire les sénateurs qui la représentent; que, cependant, selon le Président de la Commission des affaires constitutionnelles consulté, le Président du Sénat n'est pas habilité à se prononcer sur les quorums, à participer aux débats ni à exprimer son opinion et qu'en conséquence son avis personnel " ne peut ni rendre nulle et non avenue ni remplacer la jurisprudence constituée par les décisions prises par le Sénat dans l'exercice de son autorité constitutionnelle ";
  5. constate donc avec une vive inquiétude que, bien que la Commission sénatoriale compétente ait recommandé au Sénat d'admettre M. Saadi en qualité de sénateur titulaire, M. Saadi est empêché depuis 1995 de prêter serment et d'exercer le mandat qui lui a été confié, ce qui prive l'électorat de son parti de son droit constitutionnel d'être représenté au Sénat;
  6. craint qu'il n'en résulte une violation des droits politiques de M. Saadi et de l'électorat de son parti, et prie donc instamment le Sénat, seule instance capable de remédier à la situation, de suivre la recommandation de sa Commission des affaires constitutionnelles;
  7. demande au Secrétaire général d'informer le Président du Sénat et le Président du Groupe national de cette décision;
  8. prie le Comité des droits de l'homme des parlementaires de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session (septembre 1998), dans l'espoir qu'il aura alors reçu notification de l'admission en bonne et due forme du sénateur­élu Saadi au Sénat.


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