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PLACE DU PETIT-SACONNEX
1211 GENEVE 19, SUISSE

DJIBOUTI

CAS N° DJI/09 - AHMED BOULALEH BARREH
CAS N° DJI/10 - ALI MAHAMADE HOUMED
CAS N° DJI/11 - MOUMIN BAHDON FARAH

Résolution adoptée sans vote par le Conseil interparlementaire
à sa 162e session (Windhoek, 11 avril 1998)


Le Conseil interparlementaire,

se référant à l'exposé du cas qui figure dans le rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/162/11a)-R.1) et à la résolution qu'il a adoptée à sa 161e session (septembre 1997) concernant MM. Ahmed Boulaleh Barreh, Ali Mahamade Houmed et Moumin Bahdon Farah (Djibouti),

tenant compte des informations fournies et des observations formulées par la délégation djiboutienne lors de l'audition organisée à l'occasion de la 99e Conférence interparlementaire (avril 1998),

rappelant que MM. Barreh, Houmed et Farah ont été condamnés le 7 août 1996 à six mois d'emprisonnement, au paiement d'une lourde amende et à cinq ans de privation de leurs droits civiques en vertu des articles 187 et 188 du Code pénal pour offense au chef de l'Etat, et ce pour avoir publié le 25 mai 1996 un communiqué de presse dans lequel ils lançaient " un appel solennel à l'ensemble des militants ... et des Djiboutiens à se concerter et se mobiliser pour faire échec, par tous les moyens légaux et pacifiques, à cette politique délibérée du Président Hassan Gouled Aptidon de régner par la terreur et la force, tout en bafouant notre Constitution et les institutions républicaines "; rappelant aussi qu'ils ont été arrêtés immédiatement et emmenés à la prison de Gabode,

rappelant que, selon le Président de l'Assemblée nationale, à la suite d'une demande de levée de leur immunité parlementaire introduite par le Ministre de la Justice, le Bureau de l'Assemblée nationale s'est réuni les 12 et 15 juin 1996 et, conformément au Règlement intérieur de celle­ci, a décidé d'autoriser les poursuites, adoptant une résolution dans ce sens; que, par lettre N° 141/AN/FW du 15 juin 1996, le Président de l'Assemblée nationale a informé le Ministre de la Justice de cette décision,

rappelant que, selon les sources, la procédure de levée de l'immunité aurait été viciée, qu'en particulier les députés concernés n'auraient pas été entendus et que, contrairement à l'affirmation du Président de l'Assemblée nationale, aucune résolution relative à la levée de leur immunité parlementaire n'aurait été adoptée et publiée au Journal officiel de la République de Djibouti, comme l'exige l'article 64 du Règlement intérieur de l'Assemblée,

rappelant à cet égard que, dans la décision qu'il a prise le 31 juillet 1996 à la suite du recours formé par les députés concernés, le Conseil constitutionnel a considéré que toute décision de l'Assemblée nationale ou de son Bureau relative à une demande de levée de l'immunité parlementaire devait prendre la forme d'une résolution et a conclu que la lettre par laquelle le Président de l'Assemblée avait informé le Ministre de la Justice de la décision du Bureau ne constituait pas la résolution requise; que le Conseil constitutionnel a estimé en outre que la non­audition des députés concernés constituait une violation des droits de la défense garantis par la loi djiboutienne,

rappelant que, selon les sources, le procès des députés a été entaché de nombreuses irrégularités, que le Ministre de la Justice aurait auparavant muté et révoqué quatre magistrats du tribunal compétent sans donner d'explication, ni prendre l'avis du Conseil supérieur de la magistrature qu'il était pourtant tenu de consulter selon la loi; qu'ils n'ont pas été convoqués en bonne et due forme devant la Cour, raison pour laquelle aucun des députés concernés n'a pu y comparaître,

considérant que, selon la délégation djiboutienne, les magistrats n'ont pas été révoqués mais uniquement remplacés au terme de leur mandat; que les autres magistrats, qui étaient par ailleurs en faveur des députés concernés, sont demeurés en poste,

rappelant que, le 17 novembre 1996, la Cour suprême a confirmé le jugement du Tribunal de première instance; que cependant, selon les sources, les magistrats de la Chambre de la Cour suprême qui a prononcé cet arrêt étaient en majorité des suppléants, et non des magistrats titulaires comme l'exigent les dispositions en vigueur,

rappelant qu'à l'occasion du Ramadan le Président de la République les a fait bénéficier d'une remise de peine, si bien qu'ils ont été libérés mais restent néanmoins privés de leurs droits civiques, de telle sorte qu'ils n'ont pas pu participer aux élections législatives qui ont eu lieu le 19 décembre 1997,

notant qu'aux termes de l'article 175.2) du Code de procédure pénale, est considérée comme nullité d'ordre public " la violation des règles propres à assurer le respect des principes fondamentaux de la procédure d'information et des droits de la défense ",

notant en outre que l'article 472, alinéa 5, du Code prévoit la possibilité de révision d'un procès lorsqu'un arrêt comporte une erreur de fait ou de droit manifeste, de nature à influer sur la décision de condamnation et que l'alinéa 4 prévoit aussi cette possibilité lorsque " après une condamnation, vient à se produire ou à se révéler un fait nouveau ou un élément inconnu de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné ",

rappelant que, selon les sources, l'initiative d'une révision doit être prise par le Président ou le Ministre de la Justice; que, de l'avis des sources, l'absence de résolution portant levée de l'immunité parlementaire de MM. Barreh, Houmed et Farah ainsi que la violation des droits de la défense constitueraient des motifs de révision,

considérant à cet égard que, dans sa lettre du 5 janvier 1998, le Ministre de la Justice a fait valoir qu'une révision ne saurait être envisagée " pour la simple raison qu'aucun fait nouveau ou aucun élément inconnu de nature à faire naître un doute sur leur culpabilité ne s'est produit ou n'a été révélé après leur condamnation ",

rappelant que, selon les sources, des poursuites ont été engagées au début de l'année 1997 contre deux avocats de la défense, Mes Aref et Foulie, et contre le Président du Conseil constitutionnel, sur la base d'accusations qui seraient dénuées de fondement; que le Président du Conseil constitutionnel a été révoqué et que Me Aref a été suspendu du barreau; que de nombreuses organisations internationales, y compris le Centre pour l'indépendance des juges et des avocats, considèrent ces poursuites comme arbitraires et liées à l'affaire des trois députés concernés,

considérant que la délégation djiboutienne a déclaré ces informations inexactes et qu'elle s'est engagée à étayer son assertion,

ayant pris connaissance de la résolution adoptée par le Parlement européen le 17 décembre 1997 sur la situation des droits de l'homme à Djibouti, qui requiert notamment des autorités djiboutiennes " le plein respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment la liberté d'expression et le droit à un procès équitable respectant les droits de la défense ",

sachant que des élections législatives se sont tenues le 19 décembre 1997 et que, du fait de leur condamnation, les députés concernés n'ont pu y participer,

  1. remercie la délégation de Djibouti de ses informations et observations;
  2. souligne de nouveau que l'immunité accordée aux parlementaires vise à leur permettre d'exercer pleinement et en toute indépendance leur mandat et à les préserver de toutes poursuites ou charges pouvant être politiquement motivées, raison pour laquelle la procédure de levée de cette immunité doit être menée en parfaite conformité avec les normes en vigueur;
  3. demeure donc profondément préoccupé de ce qu'il n'ait pas été tenu compte de la décision du Conseil constitutionnel du 31 juillet 1996 concluant à la violation des droits de la défense et à la non-existence de la résolution requise;
  4. considère que cette situation relève de l'article 472, alinéa 5, du Code de procédure pénale cité plus haut, et ne peut donc partager le point de vue du Ministre de la Justice qui porte uniquement sur l'applicabilité de l'article 472, alinéa 4;
  5. engage donc les autorités compétentes à procéder sans délai à une révision du procès des anciens députés concernés;
  6. souhaite, à défaut, que les anciens députés concernés bénéficient d'une mesure d'amnistie;
  7. réitère sa conviction que MM. Barreh, Houmed et Farah, en publiant le communiqué de presse pour lequel ils ont été condamnés, n'ont fait qu'exercer leur droit fondamental à la liberté d'expression, et déplore que cette condamnation les ait empêchés de participer aux élections législatives qui ont eu lieu en décembre 1997;
  8. réaffirme que le droit à la liberté d'expression - qui comporte nécessairement le droit de critiquer l'action de l'exécutif - est au coeur du fonctionnement de la démocratie parlementaire et que les parlements devraient donc veiller avec une attention particulière à ce que l'application en soit aussi large que possible et à ce que chacun puisse l'exercer sans avoir à craindre, notamment, la prison;
  9. demeure également préoccupé par les poursuites engagées contre les avocats des anciens députés concernés et par la révocation du Président du Conseil constitutionnel, et souhaite vivement recevoir les informations que la délégation djiboutienne s'est engagée à fournir à titre de démenti des dires de la source;
  10. prie le Secrétaire général de faire part de ces considérations au Président de l'Assemblée nationale et aux autorités judiciaires compétentes;
  11. prie également le Secrétaire général de porter ces préoccupations à l'attention du Président de la République;
  12. prie enfin le Comité des droits de l'homme des parlementaires de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session (septembre 1998).


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