Logo de l'UnionUNION INTERPARLEMENTAIRE
PLACE DU PETIT-SACONNEX
1211 GENEVE 19, SUISSE

CAS N° MAL/11 - LIM GUAN ENG - MALAISIE

Résolution adoptée sans vote par le Conseil interparlementaire
à sa 162e session (Windhoek, 11 avril 1998)


Le Conseil interparlementaire,

se référant à l'exposé du cas qui figure dans le rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/162/11a)-R.1) et à la résolution qu'il a adoptée à sa 161e session (septembre 1997) concernant le cas de M. Lim Guan Eng, membre de la Chambre des représentants de la Malaisie,

tenant compte des informations et observations communiquées par la délégation malaisienne lors de l'audition organisée à l'occasion de la 99e Conférence interparlementaire (avril 1998),

tenant compte en outre des renseignements fournis par les sources les 5 et 6 avril 1998,

rappelant que M. Lim Guan Eng a été accusé le 28 février 1995 en vertu de la section 4 1) b) de la loi relative aux actes séditieux d'incitation " à se défier de l'administration de la justice en Malaisie " pour avoir déclaré que le Procureur général appliquait " deux poids deux mesures " dans une affaire de détournement de mineure dans laquelle était impliqué l'ancien premier ministre de Malacca, M. Rahim Tamby Chik, parce que le Procureur général, Mohtar Abdulla, avait décidé de ne pas poursuivre ce dernier alors que la victime, une écolière musulmane de 15 ans, était, " à titre de protection ", privée de liberté pendant dix jours sans le consentement de ses parents,

rappelant qu'en outre M. Lim Guan Eng a été inculpé le 17 mars 1995 en vertu de la section 8 A 1) de la loi sur la presse et les publications pour avoir imprimé dans une intention malveillante un tract contenant de " fausses nouvelles", plus précisément pour avoir employé l'expression de " victime incarcérée " pour désigner la mineure détournée,

rappelant que la déclaration de M. Lim Guan Eng traduisait l'émotion générale suscitée par le traitement du cas de détournement de mineure allégué; qu'en novembre 1994 la fille du Premier Ministre, Mahathir Mohammed, a publié un article intitulé " Où va la justice ? " dans lequel elle a taxé de " parodie de justice " la manière dont les autorités s'étaient comportées à l'égard de la victime présumée,

considérant que, lorsqu'elle a été interrogée sur les raisons pour lesquelles l'avocat général n'avait poursuivi aucune des autres personnes qui avaient émis les mêmes critiques que M. Lim Guan Eng, la délégation malaisienne a déclaré que le Procureur général en était seul juge; que celui­ci avait besoin d'un rapport de police pour ouvrir une instruction; que, faute de rapport de police concernant M. Rahim Tamby Chik, le Procureur général n'avait pas pu ouvrir d'instruction le concernant,

considérant que la jeune fille avait reconnu avoir eu des relations sexuelles avec M. Abdul Rahim Tamby Chik et 14 autres hommes; que si la police lui a demandé de porter plainte contre ces hommes, elle n'a pas agi de même à l'égard de M. Tamby Chik; que, tandis que les 14 hommes ont été ultérieurement traduits en justice sur la base de sa dénonciation, M. Tamby Chik n'a jamais été ni inculpé ni détenu; qu'à ce sujet la délégation malaisienne a déclaré que les preuves étaient insuffisantes pour poursuivre M. Tamby Chik et a fait valoir qu'il ne fallait pas y voir une prévention étant donné que, dans d'autres cas, des premiers ministres avaient été poursuivis,

considérant que le procès de M. Lim Guan Eng s'est ouvert en janvier 1996 mais qu'il a été suspendu en mars 1996 dans l'attente d'un arrêt de la Cour fédérale qui devait faire jurisprudence; que cet arrêt a été rendu en juillet 1996 et dispose qu'au terme des réquisitions, la preuve apportée doit " emporter la conviction " et que, contrairement à la pratique antérieure, un commencement de preuve ne suffit pas,

rappelant que, contrairement à toute attente, à la suite de l'arrêt de la Cour fédérale, le juge compétent dans l'affaire de M. Lim Guan Eng a conclu que le ministère public avait apporté à l'appui des deux accusations portées contre M. Lim Guan Eng des preuves " emportant la conviction " et que la défense devait les réfuter,

rappelant que, s'agissant des propos prétendument séditieux, le juge a conclu que le procès-verbal d'un seul policier de rang subalterne, sans aucun enregistrement sonore pour le corroborer, contrairement à la pratique courante dans les cas de sédition, constituait une preuve suffisante pour la poursuite de la procédure; que, pour ce qui est de l'accusation de publication de " fausses nouvelles ", le juge a considéré que le ministère public avait établi que l'expression " victime emprisonnée " était inexacte ­ sans tenir compte apparemment des affirmations selon lesquelles la victime du détournement de mineure avait été privée de liberté par la police pendant dix jours sans le consentement de ses parents,

rappelant que, le 28 avril 1997, M. Lim Guan Eng a été condamné en vertu de la section 4 1) b) de la loi relative aux actes séditieux pour incitation " à se défier de l'administration de la justice en Malaisie ", au paiement de l'amende maximum de 5.000 ringgits et, en vertu de la section 8 A 1) de la loi sur la presse et les publications, pour avoir publié avec intention malveillante un tract contenant de " fausses nouvelles ", au paiement d'une amende de 10.000 ringgits,

rappelant aussi que, selon la source, il n'existe aucune preuve valable que M. Lim Guan Eng ait effectivement tenu les propos incriminés puisque son discours n'a pas été enregistré sur bande ni sur vidéo, condition normalement exigée dans les cas de sédition, mais transcrit de mémoire par un agent de police à partir de notes,

rappelant que, selon les sources, le Procureur général, prenant une initiative sans précédent, a fait appel de la sentence rendue avant même que M. Lim Guan Eng ait formé son propre recours, considérant que les peines prononcées étaient " insuffisantes eu égard à la gravité des actes incriminés qui portent atteinte à l'administration de la justice ",

considérant que, selon les sources, le jugement est établi à la date du 28 février 1997, ce qu'elle trouve étrange étant donné que le juge, lors du prononcé du jugement le 28 avril 1997, a déclaré que le jugement écrit n'était pas prêt; que, de plus, les sources affirment que la version écrite du jugement " s'écarte radicalement " du prononcé lu à la Cour; que les sources craignent qu'il ne s'agisse d'un déni de justice, la cause de M. Lim Guan Eng ayant pu être " jugée d'avance ",

considérant que, le 1er avril 1998, un collège de trois juges de la Cour d'appel a, à l'unanimité, rejeté l'appel de M. Lim Guan Eng et lui a infligé les deux peines de 18 mois d'emprisonnement chacune requises par le Procureur général; que la Cour a ordonné de surseoir à l'exécution de la peine d'emprisonnement; que cependant M. Lim Guan Eng, n'ayant pas pu réunir la caution à temps, a été menotté et a dû passer la nuit en prison,

considérant que M. Lim Guan Eng formera un nouveau recours devant la Cour fédérale, la plus haute instance judiciaire de Malaisie, et a demandé que sa cause soit entendue par les neuf juges,

considérant que, si la peine est confirmée, M. Lim Guan Eng perdra son siège au Parlement,

sachant enfin que, selon les sources, le Premier Ministre Mahathir s'est, le 6 avril 1998, publiquement prononcé en faveur de la peine d'emprisonnement de 36 mois infligée à M. Lim Guan Eng; que, de l'avis des sources, il est désormais difficile pour la Cour fédérale de statuer de manière équitable et indépendante sur le recours formé par M. Lim Guan Eng à la fois contre sa condamnation et la sentence rendue contre lui, étant donné que le " Yang di Pertuan Agong ", l'organe constitutionnel compétent pour nommer tous les magistrats, doit agir sur recommandation du Premier Ministre,

  1. remercie la délégation malaisienne des informations et des observations qu'elle a communiquées;
  2. déplore l'arrêt de la Cour d'appel qui, en lieu et place de l'amende, a infligé à M. Lim Guan Eng la peine de trois ans d'emprisonnement requise par le ministère public;
  3. exprime sa profonde préoccupation devant les propos tenus publiquement par le Premier Ministre sur un cas en instance et craint, au regard en particulier du rôle qu'il joue dans la nomination des magistrats, y compris des juges de la Cour fédérale, que ces propos ne dénotent une nette prévention et entravent l'administration indépendante et impartiale de la justice dans l'affaire de M. Lim Guan Eng;
  4. trouve la déclaration publique du Premier Ministre d'autant plus inquiétante que M. Lim Guan Eng semble faire l'objet d'un traitement discriminatoire dans l'affaire de détournement de mineure, comme les faits suivants tendent à l'indiquer : la police a demandé à la victime de porter plainte contre 14 hommes mais pas contre M. Rahim Tamby Chik, bien qu'elle ait reconnu avoir eu des relations sexuelles avec lui; parmi les nombreuses critiques formulées à propos de la manière dont le Procureur général avait traité l'affaire en question, seules celles de M. Lim Guan Eng ont donné lieu à une plainte, point de départ des poursuites engagées contre lui;
  5. ne peut que réitérer avec force ses précédentes préoccupations et considérations telles qu'elles sont exprimées dans la résolution sur ce cas adoptée par le Conseil interparlementaire à sa 161e session en septembre 1997;
  6. réaffirme que, même si M. Lim Guan Eng avait tenu les propos incriminés, ce qu'il réfute, il n'aurait fait qu'exercer le mandat que lui ont confié ses électeurs et s'acquitter en parlementaire de sa fonction de contrôle en examinant la manière dont la justice est administrée;
  7. note que M. Lim Guan Eng a été libéré sous caution et qu'il va former un dernier recours devant la Cour fédérale;
  8. espère sincèrement que M. Lim Guan Eng ne sera pas victime d'un traitement discriminatoire et condamné pour des propos critiques qui n'ont pas été considérés comme un délit lorsque d'autres les ont tenus, en des termes parfois plus durs;
  9. estime nécessaire, au regard des questions importantes que soulève cette affaire, de recueillir de plus amples informations directement auprès des autorités, du parlementaire en cause et de ses avocats, et charge le Comité des droits de l'homme des parlementaires d'effectuer, à cette fin, une mission sur place;
  10. note avec satisfaction que la délégation malaisienne s'est déclarée prête à porter les préoccupations et intentions du Comité à la connaissance des autorités indonésiennes compétentes;
  11. charge le Secrétaire général de faire part également de ces considérations au Président de la Chambre des représentants en le priant de faire en sorte que la mission du Comité puisse être reçue en Malaisie dans un très proche avenir;
  12. prie le Comité des droits de l'homme des parlementaires de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session (septembre 1998).


Note : vous pouvez télécharger une version électronique du texte intégral de la brochure "Résultats de la 99e Conférence et réunions connexes de l'Union interparlementaire" au format PDF (taille du fichier environ 640K). Cette version nécessite Adobe Acrobat Reader que vous pouvez télécharger gratuitement.Get Acrobat Reader

Droits de l'homme des parlementaires | Page d'accueil | Principaux domaines d'activités | Structure et fonctionnement