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PLACE DU PETIT-SACONNEX
1211 GENEVE 19, SUISSE

TURQUIE
CAS N° TK/39 - LEYLA ZANACAS N° TK/52 - SELIM SADAK
CAS N° TK/40 - SEDAT YURTDASCAS N° TK/53 - NIZAMETTIN TOGUÇ
CAS N° TK/41 - HATIP DICLECAS N° TK/55 - MEHMET SINÇAR
CAS N° TK/42 - ZÜBEYIR AYDAR CAS N° TK/57 - MAHMUT KILINÇ
CAS N° TK/43 - MAHMUT ALINAKCAS N° TK/58 - NAIF GÜNES
CAS N° TK/44 - AHMET TÜRKCAS N° TK/59 - ALI YIGIT
CAS N° TK/48 - SIRRI SAKIKCAS N° TK/62 - REMZI KARTAL
CAS N° TK/51 - ORHAN DOGAN

Résolution adoptée sans vote* par le Conseil interparlementaire
à sa 162e session (Windhoek, 11 avril 1998)


Le Conseil interparlementaire,

se référant à l'exposé du cas qui figure dans le rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/162/11a)-R.1) et à la résolution qu'il a adoptée à sa 161e session (septembre 1997) concernant les parlementaires susnommés, anciens membres de la Grande Assemblée nationale de Turquie (GANT),

tenant compte de la communication du Président de la Grande Assemblée nationale de Turquie en date du 1er avril 1998,

tenant compte également des observations faites par la délégation turque lors de l'audition organisée à l'occasion de la 99e Conférence interparlementaire (avril 1998),

rappelant que Mme Leyla Zana, M. Hatip Dicle, M. Orhan Dogan et M. Selim Sadak ont été reconnus coupables d'appartenance au PKK et condamnés à 15 ans d'emprisonnement,

rappelant qu'ils n'ont jamais été accusés d'avoir commis des actes de violence ou prôné la violence; que, pour apporter la preuve de leur appartenance au PKK, le verdict s'appuyait largement sur des discours publics prononcés par les députés et sur des écrits cités dans l'acte d'accusation dans lesquels ils affirment à plusieurs reprises que la minorité kurde est un groupe ayant une identité distincte mais ne prônent pas la violence; que les actes invoqués par le jugement comme preuve de leur appartenance au PKK sont notamment : un communiqué de presse se rapportant à la prestation du serment parlementaire; le " port d'accessoires jaunes, verts et rouges " lors de la prestation de serment; une déclaration publique faite aux Nations Unies le 2 avril 1992 demandant que l'assassinat de civils lors des troubles survenus à l'époque du Newruz, le Nouvel An kurde, du 21 mars 1992, fasse l'objet d'une enquête; et une pétition adressée en date du 20 novembre 1991 à la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe pour demander à cette organisation de nommer une instance chargée de surveiller la situation des droits de l'homme en Turquie,

rappelant que les contacts qu'ils ont eus avec des membres du PKK ont été également avancés comme preuve; que certains d'entre eux ont effectivement rencontré Abdullah Öcalan, le chef du PKK; que, cependant, cette mission avait eu la bénédiction du Président alors en exercice, M. Turgut Özal, qui, début 1993, avait donné son consentement à leur médiation dans le conflit; que lors de leur mission à Damas, qui a eu pour effet une prorogation du cessez-le-feu, ils auraient été accueillis par un représentant de l'ambassade de Turquie en Syrie,

rappelant que les nombreux appels en faveur de leur libération, lancés par des instances internationales telles que le Parlement européen, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, sont restés totalement sans effet,

rappelant à ce sujet que, dans sa lettre du 16 décembre 1997, le Président de la Grande Assemblée nationale de Turquie a indiqué que " M. Türk, M. Dicle, M. Dogan et Mme Zana ont été condamnés pour appartenance à une organisation terroriste, délit réprimé par l'article 168 du Code pénal turc, et MM. Alinak et Sakik pour propagande terroriste contre l'intégrité territoriale de l'Etat, en vertu de la loi antiterrorisme. Pour que ces parlementaires soient graciés, il faudrait un consensus général au sein du Parlement turc en faveur d'une modification de la Constitution puisque, selon l'article 87 de notre Constitution, les personnes reconnues coupables de tels actes ne sauraient être graciées ",

rappelant que, le 26 novembre 1997, la Cour européenne des droits de l'homme a rendu son verdict concernant la plainte dont la Commission européenne des droits de l'homme avait été saisie par MM. Sakik, Türk, Alinak, Mme Zana, MM. Dicle et Dogan en mars 1994, notamment à propos de leur arrestation et de leur détention préventive; que la Cour a conclu que la Turquie avait violé les dispositions de l'article 5, alinéas 3 (droit d'être traduit rapidement devant un juge), 4 (droit à un recours devant un tribunal) et 5 (droit à réparation), de la Convention européenne des droits de l'homme et a accordé réparation aux anciens députés concernés pour préjudice moral; que le Comité a estimé que cet arrêt était une raison de plus pour que les anciens députés concernés soient libérés,

considérant que, dans sa lettre du 1er avril 1998, le Président du Groupe national turc a estimé que l'arrêt de la Cour européenne n'était pas une raison de plus pour que le Comité plaide en faveur de leur libération puisque, la Cour n'ayant pas conclu à une violation de l'article 5, alinéa 1, leur arrestation était légale,

considérant également qu'en janvier 1996, Mme Zana, MM. Dicle, Dogan et Sadak ont introduit une requête en annulation du jugement prononcé contre eux; que cette requête est actuellement en instance devant la Commission européenne des droits de l'homme qui, en date du 24 octobre 1997, l'a déclarée recevable en partie et irrecevable en partie,

rappelant le jugement rendu contre MM. Türk, Alinak, Sakik et Yurtdas, qui ont été privés de leurs droits politiques à vie, et contre MM. Alinak et Yurtdas qui, étant tous deux avocats, sont de surcroît empêchés à jamais d'exercer leur profession,

considérant que M. Hatip Dicle a été condamné à une nouvelle peine de quatre mois d'emprisonnement pour diffusion de propagande séparatiste; qu'il aurait été mis en accusation pour avoir envoyé de sa prison une lettre de soutien aux détenus de la prison de Cankiri qui faisaient une grève de la faim et tenté ainsi de remonter le moral des prisonniers; que cette lettre ne serait jamais parvenue à destination; que la peine a été réduite en appel de huit à quatre mois d'emprisonnement parce que la lettre n'avait jamais atteint ses destinataires,

rappelant que, selon la délégation turque à la 97e Conférence interparlementaire (avril 1997), le Gouvernement turc mettait tout en oeuvre pour harmoniser la législation turque avec les normes européennes en matière de droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme dans le sud­est du pays touchait à sa fin, ce qui permettait une interprétation plus large de la notion de liberté d'expression,

gardant à l'esprit l'interprétation donnée de la liberté d'expression par la Cour européenne des droits de l'homme, à savoir que " la liberté d'expression constitue l'un des piliers de toute société démocratique, l'une des conditions essentielles à son progrès et à l'épanouissement de chacun. Sous réserve de l'article 10 2), elle s'applique non seulement aux 'informations' ou aux 'idées' accueillies favorablement ou considérées comme inoffensives ou indifférentes mais aussi à celles qui heurtent, choquent et troublent l'Etat ou une partie de la population. Telles sont les exigences de ce pluralisme, de cette tolérance et de cette largeur d'esprit sans lesquels il n'est pas de société démocratique " (Handyside c. le Royaume-Uni, septembre 1976),

  1. remercie le Président du Groupe national turc des informations qu'il a fournies et de sa constante coopération;
  2. remercie également la délégation turque de ses observations;
  3. ne peut que réitérer sa conviction, au regard des preuves apportées pour justifier les charges retenues contre Mme Zana et MM. Dogan, Dicle et Sadak, qu'ils ont été condamnés pour avoir exercé leur droit à la liberté d'expression en prônant une solution politique au conflit qui sévit dans le sud-est de la Turquie;
  4. engage une fois de plus les autorités turques à libérer les anciens députés concernés, conformément à leur volonté déclarée d'aligner la législation turque sur les normes européennes relatives aux droits de l'homme, et invite une fois encore la GANT à mettre tout en œuvre à cet effet;
  5. considère qu'une telle initiative serait une manifestation tangible de la volonté politique déclarée des autorités turques de revoir leur politique en matière de droits de l'homme et contribuerait sans nul doute au règlement du conflit dans le sud-est de la Turquie;
  6. considère que l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme en date du 27 novembre 1997 est une raison supplémentaire pour que les intéressés soient libérés immédiatement dans l'attente du verdict de la Commission européenne sur la deuxième affaire;
  7. engage de nouveau les autorités à réexaminer le jugement prononcé contre MM. Türk, Alinak, Sakik et Yurtdas, privés à vie de leurs droits politiques, MM. Alinak et Yurtdas, tous deux avocats, étant de surcroît empêchés à jamais d'exercer leur profession;
  8. est préoccupé par la nouvelle peine d'emprisonnement infligée à M. Dicle, et ne comprend pas que les faits portés à sa connaissance puissent être taxés de diffusion de propagande séparatiste;
  9. considère que la condamnation de M. Dicle laisse à penser que les autorités turques ne sont guère disposées à tenir leur engagement d'aligner leur législation sur les normes européennes relatives aux droits de l'homme;
  10. prie le Secrétaire général de porter ces considérations à l'attention des autorités parlementaires turques;
  11. prie le Comité des droits de l'homme des parlementaires de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session (septembre 1998).


* La délégation de la Turquie a émis des réserves concernant la résolution adoptée par le Conseil interparlementaire.
Note : vous pouvez télécharger une version électronique du texte intégral de la brochure "Résultats de la 99e Conférence et réunions connexes de l'Union interparlementaire" au format PDF (taille du fichier environ 640K). Cette version nécessite Adobe Acrobat Reader que vous pouvez télécharger gratuitement.Get Acrobat Reader

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