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CAS N° GMB/01 - LAMIN WAA JUWARA - GAMBIE

Résolution adoptée sans vote par le Conseil interparlementaire
à sa 163e session (Moscou, 12 septembre 1998)


Le Conseil interparlementaire,

se référant à l'exposé du cas qui figure dans le rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/163/12a)-R.1) et à la résolution qu'il a adoptée à sa 162ème session (avril 1998) concernant M. Lamin Waa Juwara, membre de la Chambre des représentants de la Gambie dissoute en 1994,

tenant compte d'une communication du Parquet général et Secrétariat d'Etat à la Justice en date du 27 août 1998 transmettant copie du jugement relatif au procès intenté par M. Juwara, ainsi que l'acte d'accusation enregistré à son sujet en juin 1998 au tribunal de première instance de Brikama,

tenant compte également des informations communiquées par l'une des sources le 27 août 1998,

rappelant que M. Juwara a été arrêté le 25 janvier 1996 pour la cinquième fois depuis la dissolution du Parlement en juillet 1994; que l'on a perdu sa trace jusqu'au 6 décembre 1996, date à laquelle la source a indiqué qu'il était détenu, sans inculpation, à la prison centrale " Mile Two " à Banjul; qu'il a été finalement libéré le 3 février 1997; que le 30 juin 1997, il a introduit contre le Procureur général, le Ministre de l'Intérieur, l'Inspecteur général de la police et le Directeur général des services nationaux de renseignement une demande en réparation du préjudice subi du fait des nombreuses arrestations et détentions arbitraires dont il avait été l'objet aux mains d'agents de l'Etat,

considérant que le 29 juillet 1998, le juge Robin-Coker de la Haute Cour a statué que la conduite des défendeurs en la matière n'était pas du ressort des tribunaux et a donc rejeté la demande de M. Juwara; que sa décision se fonde sur la section 13 de l'annexe 2 de la Constitution de 1997, qui garantit aux membres du Conseil provisoire de gouvernement militaire (AFPCR) et à ses officiers l'impunité pour tout acte commis ou omis dans l'exercice de leurs fonctions alors que l'AFPCR était au pouvoir, c'est-à-dire, selon le jugement, du 22 juillet 1994 au 16 janvier 1997, date d'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution; que, pour la période de détention de M. Juwara allant du 26 janvier 1996 au 3 février 1997, date postérieure à l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution, le juge a estimé que " le fait de ne pas avoir libéré le plaignant dans l'affaire en cause 16 jours après l'entrée en vigueur de la Constitution de 1997 ne porte pas un coup mortel à l'immunité prévue à la section 13 de l'annexe 2 de la Constitution ",

considérant que, dans la nuit du 18 mai 1998, M. Juwara a été une nouvelle fois arrêté sans mandat d'arrêt à son domicile et tenu au secret jusqu'à ce que la Cour suprême ordonne sa libération sous caution le 8 juin 1998 sous réserve qu'il ne quitte pas le pays sans en informer auparavant les autorités judiciaires,

considérant que, selon des articles de journaux qui se fondent sur des déclarations de M. Juwara et s'accompagnent de photos, celui­ci a subi des tortures pendant sa détention qui lui ont occasionné de graves blessures, qu'on lui a refusé tout traitement médical, sur l'ordre apparemment du Secrétaire d'Etat à l'Intérieur; considérant à ce sujet que, selon les autorités, une enquête est en cours,

considérant que, selon les sources, six heures après l'arrestation de M. Juwara, l'imam de la mosquée de Brikama, son frère et son fils ont été arrêtés et que tous, y compris M. Juwara, ont été déférés au tribunal de première instance de Brikama et accusés en juin 1998 de complicité de vandalisme et d'actes de vandalisme pour avoir " intentionnellement endommagé le chantier de construction à la mosquée de Brikama ",

considérant que, selon les sources, l'arrestation de M. Juwara n'a aucun rapport avec l'incident de la mosquée mais qu'il faut y voir plutôt un moyen de désorganiser le congrès du Parti démocratique uni qui devait se tenir du 28 au 31 mai 1998 à Brikama, M. Juwara siégeant au comité exécutif de ce parti d'opposition,

considérant enfin que, selon les sources, les autorités refusent toujours de lui délivrer un passeport; rappelant à cet égard que, le 8 avril 1998, le Parquet général et Secrétariat d'Etat à la Justice a fait savoir que les autorités d'immigration avaient été autorisées à délivrer un nouveau passeport à M. Juwara, bien que celui-ci n'en ait pas fait la demande,

conscient des nombreuses résolutions de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies qui reconnaît dernièrement dans sa résolution 1998/53 que, pour les victimes des violations de droits de l'homme, la reconnaissance publique de leurs souffrances et la vérité concernant les auteurs de ces violations sont des conditions essentielles à leur réhabilitation et à la réconciliation et qui prie instamment les Etats d'intensifier leurs efforts pour offrir aux victimes de violations des droits de l'homme une procédure juste et équitable permettant d'enquêter sur ces violations, de les rendre publiques et d'encourager les victimes à participer à une telle procédure,

  1. remercie le Procureur général et Secrétaire d'Etat à la Justice de sa coopération;
  2. est scandalisé d'apprendre que M. Juwara a été à nouveau arrêté et mis au secret en mai 1998, apparemment sans motif légal;
  3. est vivement préoccupé par les graves allégations de torture qu'aurait subie M. Juwara alors qu'il était détenu par les forces de l'ordre, et espère vivement que l'enquête en cours permettra d'identifier et de punir rapidement les responsables de ces actes;
  4. rappelle qu'en vertu des articles 9 et 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et des articles 6 et 5 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples auxquels la Gambie est partie, ainsi que des articles 9 et 6 de la Constitution gambienne, nul ne peut faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraires et nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;
  5. note que M. Juwara a été accusé avec d'autres personnes de complicité de vandalisme et d'actes de vandalisme sur un chantier de construction; souhaite s'enquérir des faits invoqués à l'appui de ces accusations et être tenu informé de la procédure judiciaire pertinente;
  6. prie instamment les autorités de veiller à ce que M. Juwara et ses coïnculpés bénéficient d'un procès équitable et puissent exercer pleinement leur droit à la défense;
  7. s'inquiète de ce que M. Juwara se voie toujours refuser un passeport et souhaite connaître les motifs légaux de cette entrave à sa liberté de mouvement;
  8. se déclare vivement préoccupé par la disposition contenue dans la section 13.1) de l'annexe 2 de la Constitution de 1997 en ce qu'elle consacre l'impunité, et rappelle que les Nations Unies n'ont cessé d'engager les Etats à combattre l'impunité et à prendre les mesures nécessaires à cette fin;
  9. rappelle aussi que la Gambie, en tant qu'Etat partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, est tenue à ce titre de respecter le droit à réparation de tout individu victime d'arrestation ou de détention illégales;
  10. note que M. Juwara va faire appel de la décision de la Haute Cour sur la demande en réparation qu'il a introduite pour les nombreuses arrestations et détentions illégales dont il a été l'objet, et espère que cette question sera finalement tranchée conformément aux règles internationales relatives aux droits de l'homme auxquelles la Gambie a souscrit;
  11. prie le Secrétaire général de communiquer cette décision aux autorités compétentes, notamment au Procureur général et Secrétaire d'Etat à la Justice et au Secrétaire d'Etat à l'Intérieur, en les invitant à fournir les informations demandées;
  12. prie le Comité des droits de l'homme des parlementaires de poursuivre l'examen du cas et de lui faire rapport à sa prochaine session (avril 1999).


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