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CAS N° MAL/11 - LIM GUAN ENG - MALAISIE

Résolution adoptée sans vote par le Conseil interparlementaire
à sa 163e session (Moscou, 12 septembre 1998)


Le Conseil interparlementaire,

se référant à l'exposé du cas qui figure dans le rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/163/12a)-R.1) et à la résolution qu'il a adoptée à sa 162ème session (avril 1998) concernant M. Lim Guan Eng, membre de la Chambre des représentants de la Malaisie,

tenant compte des informations communiquées par la délégation de la Malaisie lors de l'audition organisée à l'occasion de la 100ème Conférence interparlementaire (Moscou, septembre 1998), ainsi que des lettres du Président de la Chambre des représentants datées du 15 mai et du 19 août 1998,

tenant compte en outre des renseignements fournis par les sources le 15 et le 28 mai, le 29 juin, le 27 juillet et les 13, 21 et 25 août 1998,

rappelant que, le 28 février 1995, M. Lim Guan Eng a été accusé d'incitation " à se défier de l'administration de la justice en Malaisie " pour avoir déclaré que le Procureur général appliquait " deux poids deux mesures " dans une affaire de détournement de mineure dans laquelle était impliqué l'ancien Premier Ministre de Malacca, M. Rahim Tamby Chik, parce que le Procureur général, Mohtar Abdulla, avait décidé de ne pas poursuivre ce dernier alors que la victime présumée, une écolière musulmane de 15 ans, était placée dans un centre de rééducation pour une durée de trois ans; rappelant également que la jeune fille a reconnu avoir eu des relations sexuelles avec le Ministre et un certain nombre d'autres hommes qui ont été poursuivis par la suite,

rappelant également que M. Lim Guan Eng a été inculpé le 17 mars 1995 pour avoir fait imprimer avec intention de nuire un tract contenant de " fausses nouvelles", plus précisément pour avoir employé l'expression de " victime incarcérée " pour désigner la mineure détournée,

rappelant que l'affaire avait suscité une émotion considérable dans le public et des critiques notamment de la part de la fille du Premier Ministre elle­même qui, dans un article publié dans la presse en novembre 1994 sous le titre " Whither Justice " a décrit le sort réservé à la jeune fille par les autorités comme une " parodie de justice ",

rappelant en outre que, le 28 avril 1997, M. Lim Guan Eng a été condamné en vertu de la section 4 1) b) de la loi relative aux actes séditieux pour incitation " à se défier de l'administration de la justice en Malaisie ", au paiement de l'amende maximum de 5.000 ringgit et, en vertu de la section 8 A 1) de la loi sur la presse et les publications, pour avoir publié avec intention de nuire un tract contenant de " fausses nouvelles ", au paiement d'une amende de 10.000 ringgit; que, le 1er avril 1998, la Cour d'appel a rejeté l'appel de M. Lim Guan Eng et lui a infligé les deux peines simultanées de 18 mois d'emprisonnement requises par le ministère public,

considérant que, dans son analyse du second chef d'accusation (sédition) et du jugement prononcé contre M. Lim Guan Eng, M. Gopal Sri Ram, juge de la Cour d'appel, a conclu que " prétendre que le Procureur général applique une politique de deux poids, deux mesures en décidant des affaires à porter devant la justice équivaut à discréditer l'administration de la justice pénale ",

soulignant que, selon les sources, le Premier Ministre Mahathir s'est, le 6 avril 1998, prononcé publiquement en faveur de la peine d'emprisonnement de 18 mois infligée à M. Lim Guan Eng; que, de l'avis des sources, il est désormais difficile pour la Cour fédérale de statuer de manière équitable et indépendante sur le recours formé par M. Lim Guan Eng, étant donné, notamment, que le " Yang di Pertuan Agong ", l'organe constitutionnel compétent pour nommer tous les magistrats, y compris les juges de la Cour fédérale, doit agir sur recommandation du Premier Ministre,

considérant que, le 25 août 1998, la Cour fédérale a confirmé le jugement de la Cour d'appel; que, bien que l'avocat de M. Eng ait demandé que la Cour fédérale soit composée d'au moins cinq juges puisque l'appel de M. Eng avait été entendu par un collège de trois juges, la Cour fédérale n'en comptait que trois; qu'immédiatement après que le verdict a été rendu, M. Lim Guam Eng a été emmené à la prison de Kajang où il purge sa peine,

considérant que, selon la législation malaisienne, un parlementaire perd son siège s'il est reconnu coupable par un tribunal en dernière instance et condamné à une peine d'emprisonnement d'un an ou plus ou à une amende égale ou supérieure à 2.000 ringgit; que, selon les informations communiquées par la délégation malaisienne à la 100ème Conférence interparlementaire (septembre 1998), un parlementaire perd son siège à compter de la date de sa condamnation définitive; qu'un recours peut être formé auprès du Roi dans les 14 jours suivant le jugement final; que la grâce peut être plénière, entraîner la suppression de toute inscription sur le casier judiciaire de l'intéressé et lui permettre ainsi de garder son siège; que, cependant, il n'y a pas de délai dans lequel l'instance compétente doive statuer sur la demande de recours en grâce; que, de plus, du fait de sa condamnation, M. Lim Guan Eng ne pourra se présenter aux élections pendant cinq ans, ce qui exclut toute candidature de sa part aux prochaines élections de l'an 2000,

considérant que, selon la délégation du Parlement de la Malaisie à la 100ème Conférence interparlementaire, un parlementaire de l'opposition a déposé une demande de recours en grâce,

rappelant que, dans la résolution qu'il a adoptée à l'occasion de la 99ème Conférence interparlementaire (avril 1998), le Conseil interparlementaire a chargé le Comité d'effectuer une mission sur place à laquelle la délégation malaisienne s'est déclarée favorable; considérant toutefois que le Président de la Chambre des représentants a indiqué qu'il lui serait difficile, à lui comme à toute autre personne, " d'aider le Comité de l'Union interparlementaire dans son travail ", arguant que l'affaire était en instance et qu'une mission pourrait constituer une entrave à la bonne marche de la justice; que la mission n'a donc pas pu avoir lieu,

considérant qu'à l'audition organisée à la Conférence de Moscou la délégation malaisienne a déclaré que le Comité serait le bienvenu en Malaisie et aurait toute liberté de rencontrer qui il voudrait,

  1. remercie la délégation malaisienne de sa coopération et des informations qu'elle a communiquées;
  2. est indigné par la décision de la Cour fédérale de confirmer le jugement de la Cour d'appel, ce qui, pour M. Lim Guan Eng, entraîne la perte de son siège parlementaire;
  3. ne peut que réitérer sa conviction que M. Lim Guan Eng, en tenant les propos incriminés, n'a fait qu'exercer son droit à la liberté d'expression et sa fonction qui, consistant à contrôler l'action de l'exécutif, doit l'amener à enquêter sur l'administration de la justice et, si nécessaire, à la critiquer;
  4. est profondément préoccupé par la sévérité du jugement et par les limites qu'il fixe à la liberté d'expression et aux droits et devoirs des représentants élus du peuple d'exercer leur fonction fondamentale de contrôle de l'action de l'exécutif;
  5. réaffirme qu'en s'acquittant de cette fonction de contrôle les parlements contribuent à assurer une administration indépendante et impartiale de la justice;
  6. note que, selon la déclaration de la délégation malaisienne, le gouverneur, agissant par pouvoir délégué du Roi, peut accorder sa grâce plénière, ce qui entraînerait la suppression de toute inscription sur le casier judiciaire de M. Lim Guan Eng et lui permettrait de garder son siège de parlementaire; note que, selon la délégation malaisienne, un recours a été formé à cette fin par un parlementaire de l'opposition; et prie le Comité des droits de l'homme des parlementaires de manifester son appui à cette demande de recours en grâce;
  7. prie le Comité d'effectuer la mission dont il l'a chargé lors de sa 162ème session à Windhoek en avril 1998 et note avec satisfaction que la délégation malaisienne a déclaré cette mission des plus opportunes;
  8. charge le Secrétaire général de faire part de cette décision au Président de la Chambre des représentants et au chef de la délégation malaisienne en les invitant à faire en sorte que la mission du Comité puisse être reçue en Malaisie dans un très proche avenir;
  9. prie le Comité des droits de l'homme des parlementaires de poursuivre l'examen du cas et de lui faire rapport à sa prochaine session (avril 1999).


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