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TURQUIE
CAS N° TK/39 - Leyla Zana
CAS N° TK/40 - Sedat Yurtdas
CAS N° TK/41 - Hatip Dicle
CAS N° TK/42 - Zübeyir Aydar
CAS N° TK/43 - Mahmut Alinak
CAS N° TK/44 - Ahmet Türk
CAS N° TK/48 - Sirri Sakik
CAS N° TK/51 - Orhan Dogan
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CAS N° TK/52 - Selim Sadak
CAS N° TK/53 - Nizamettin Toguç
CAS N° TK/55 - Mehmet Sinçar
CAS N° TK/57 - Mahmut Kilinç
CAS N° TK/58 - Naif Günes
CAS N° TK/59 - Ali Yigit
CAS N° TK/62 - Remzi Kartal
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Résolution adoptée sans vote par le Conseil
interparlementaire à sa 165ème session
(Berlin, 16 octobre 1999)
Le Conseil interparlementaire,
se référant à l'exposé du cas
des parlementaires susmentionnés, anciens membres de la
Grande Assemblée nationale de Turquie (GANT), qui figure
dans le rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires
(CL/165/12b)-R.1) et à la résolution qu'il a adoptée
à sa 164ème session (avril 1999),
tenant compte des informations et observations fournies
par les membres de la délégation turque à
la 102ème Conférence (octobre 1999) ainsi
que des renseignements communiqués par l'une des sources
en juillet 1999,
rappelant les éléments suivants versés
au dossier :
- Le 2 mars 1994, la Grande Assemblée nationale de Turquie
(GANT) a levé l'immunité parlementaire de Mme Zana,
MM. Dicle, Türk, Sakik, Dogan, Sadak et Alinak, ce qui a
conduit à leur arrestation et à l'engagement de
poursuites contre eux pour séparatisme en vertu de l'article
125 du Code pénal turc. Le 16 juin 1994, la Cour constitutionnelle
a dissous leur parti, le Parti de la démocratie (DEP),
ce qui a eu pour effet de priver tous les députés
de ce parti, sauf trois, de leur siège. MM. Toguç,
Kilinç, Günes, Yigit et Kartal ont fui à l'étranger
et, par la suite, ont été accusés également
de séparatisme.
- Le 8 décembre 1994, la Cour de sûreté
de l'Etat d'Ankara a déclaré Mme Zana, MM. Dicle,
Türk, Dogan et Sadak coupables d'appartenance à une
organisation armée et les a condamnés à 15
ans d'emprisonnement. M. Yurtdas a été déclaré
coupable de soutien à une organisation armée et
a été condamné à une peine de sept
ans et six mois d'emprisonnement. MM. Alinak et Sakik ont été
déclarés coupables de propagande séparatiste
et condamnés à trois ans et six mois d'emprisonnement
et à une amende de 70 millions de livres turques. Compte
tenu de leur peine, il sont privés de leurs droits politiques
à vie et MM. Alinak et Yurtdas, tous deux avocats, se voient
interdire à vie l'exercice de leur profession.
- Les parlementaires concernés ont été
retenus pendant 14 jours en garde à vue avant d'être
placés en détention préventive; selon leurs
avocats, les témoins interrogés l'ont été
uniquement par le Procureur général, et leurs déclarations
présentées à la Cour de sûreté
de l'Etat d'Ankara, qui n'a pas entendu un seul témoin
au cours du procès, de sorte que les avocats de la défense
n'ont pu en interroger aucun; la Cour n'a donné droit à
aucune des demandes de la défense de sorte que celleci
n'a pu, à aucun moment du procès, en influencer
l'issue.
- Mme Zana, MM. Dicle, Dogan et Sadak, qui purgent actuellement
la peine de 15 ans d'emprisonnement à laquelle ils ont
été condamnés en décembre 1994, n'ont
jamais été accusés d'avoir commis des actes
de violence ou prôné la violence; pour prouver leur
appartenance au PKK, le verdict s'est essentiellement fondé
sur des discours publics des députés et sur des
écrits cités dans l'acte d'accusation (dans lesquels
ils affirment à plusieurs reprises que la minorité
kurde est un groupe ayant une identité distincte mais ne
prônant pas la violence); les actes invoqués par
le jugement comme preuve de leur appartenance au PKK sont notamment
: un communiqué de presse se rapportant à la prestation
de serment parlementaire; le "port d'accessoires jaunes,
verts et rouges" lors de la prestation de serment; une
déclaration publique faite aux Nations Unies le 2 avril
1992 demandant que l'assassinat de civils lors des troubles survenus
à l'époque du Newruz, le nouvel an kurde,
du 21 mars 1992, fasse l'objet d'une enquête; et une pétition
adressée en date du 20 novembre 1991 à la Conférence
sur la sécurité et la coopération en Europe
pour demander à cette organisation de nommer une instance
chargée de suivre la situation des droits de l'homme en
Turquie.
- La Cour de sûreté de l'Etat d'Ankara a vu dans
les contacts que Mme Zana et MM. Dicle, Dogan et Sadak auraient
eus avec des membres du PKK et, en particulier, avec M. Abdullah
Öcalan un des éléments prouvant leur appartenance
au PKK; certains d'entre eux avaient effectivement admis avoir
rencontré M. Öcalan à Damas début 1993
mais avec l'accord de M. Turgut Özal, alors chef de l'Etat;
le 18 septembre 1992, Hürriyet a publié un
article intitulé "Özal appelle au cessez-le-feu"
à propos d'une rencontre entre le Président Özal
et MM. Alinak, Sakik et Dogan où la question des contacts
attendus entre les députés du HEP et le dirigeant
du PKK avait été soulevée; des articles publiés
en juin 1999 dans Hürriyet, Sabah et Özgur
Politika font également état des négociations
de 1993 entre le Gouvernement turc et le PKK,
considérant que, lors de l'audition organisée
par le Comité, la délégation turque a longuement
évoqué les prétendues visites des parlementaires
concernés, en particulier de Mme Zana, dans les camps du
PKK et la formation qu'ils y auraient reçue; rappelant
à cet égard que, selon les avocats de la défense,
cette accusation reposait sur les témoignages de "repentis",
d'anciens membres du PKK capturés par les forces de sécurité
qui se sont repentis et qui, en échange d'informations
concernant le PKK et ses membres, ont été condamnés
à des peines plus légères; qu'en outre la
Cour a refusé de vérifier les alibis des parlementaires
accusés de s'être rendus dans ces camps,
considérant que Mme Zana, MM. Dicle, Dogan et Sadak
ont maintenant purgé cinq ans de la peine de 15 ans de
prison prononcée contre eux; que, selon leurs avocats,
s'ils avaient été condamnés par une juridiction
ordinaire, ils auraient bénéficié d'une remise
de peine et auraient pu recouvrer la liberté au terme de
six ans d'incarcération; mais qu'ils devront purger au
moins 12 ans, ayant été condamnés par une
Cour de sûreté de l'Etat,
notant que, selon un arrêt de la Cour européenne
des droits de l'homme, une cour de justice comprenant des militaires
ne répond pas aux critères d'un tribunal indépendant
et impartial, tels qu'énoncés à l'article
6 de la Convention européenne des droits de l'homme; que
la Constitution turque a été amendée le 1er
janvier 1999 pour se conformer à l'arrêt de la Cour
afin que des membres des forces armées ne siègent
plus aux tribunaux turcs,
considérant que Mme Zana s'est vu infliger en 1998
une peine supplémentaire d'un an de prison, apparemment
pour un article qu'elle a publié fin 1997 dans un journal
du parti HADEP; que la Cour aurait assimilé l'usage du
terme "kurdes" à une incitation à
la haine,
considérant en outre que M. Hatip Dicle a été
condamné à une peine supplémentaire de dix
ans d'emprisonnement pour des articles qu'il a publiés
alors qu'il était en prison; que 14 procès ont été
intentés contre lui en application de l'article 8 de la
loi antiterrorisme ou de l'article 312 du Code pénal, qu'ils
sont encore en instance et que chaque délit qui lui est
reproché emporte une peine d'un à trois ans d'emprisonnement,
considérant que, le 8 février 1999, la Grande
Assemblée nationale de Turquie a voté une loi d'amnistie
qui suspend l'exécution des peines supplémentaires
frappant M. Dicle et Mme Zana pour autant qu'ils ne récidivent
pas; considérant aussi que, selon la délégation,
la loi d'amnistie ne couvre pas les peines auxquelles les députés
concernés ont été condamnés en décembre
1994, de sorte que Mme Zana, MM. Dicle, Dogan et Sadak restent
non seulement incarcérés, mais encore privés
de leurs droits politiques à vie, tandis que MM. Alinak
et Yurtdas, tous deux avocats, se voient toujours interdire l'exercice
de leur profession,
considérant que, selon les avocats des anciens parlementaires
concernés, leurs conditions de détention sont satisfaisantes,
bien qu'au cours de l'année passée ils n'aient plus
été autorisés à rencontrer leurs familles
dans un parloir sans séparation physique; que, cependant,
l'état de santé de Mme Zana, qui souffre d'une maladie
grave, se dégrade du fait de son incarcération et
de l'impossibilité de recevoir le traitement médical
requis,
considérant que, suite à la visite rendue
par un membre du Congrès des EtatsUnis à Mme
Zana, les autorités ont proposé à celleci
une amnistie, qu'elle a refusée, déclarant qu'elle
ne quitterait la prison qu'en compagnie de ses collègues
incarcérés,
rappelant aussi que le cas de Mme Zana et de MM. Dicle,
Dogan et Sadak est encore en instance devant la Cour européenne
des droits de l'homme,
tenant compte de la définition du droit à
la liberté d'expression que donne cette instance, en particulier
dans l'affaire Handyside c. Royaume-Uni (1976), à savoir
que ce droit s'applique non seulement aux "informations"
ou aux "idées" accueillies favorablement
ou considérées comme inoffensives ou indifférentes,
mais aussi à celles qui heurtent, choquent et troublent
l'Etat ou une partie de la population; que telles sont les exigences
de ce pluralisme, de cette tolérance et de cette largeur
d'esprit sans lesquels il n'est pas de "société
démocratique ",
- remercie la délégation turque des informations
et des observations communiquées;
- est consterné que la Grande Assemblée
nationale de Turquie reste sourde aux appels que l'Union interparlementaire
n'a cessé de lancer en faveur de l'amnistie de ces anciens
parlementaires;
- reste convaincu, à la lumière des éléments
versés au dossier, qu'ils ont été reconnus
coupables et condamnés pour avoir exercé leur liberté
d'expression en plaidant pour une solution politique au conflit
dans le sudest de la Turquie;
- note que, suite à la loi d'amnistie, les peines
auxquelles M. Dicle et Mme Zana ont été condamnés
pour les articles publiés pendant leur incarcération
ont été suspendues;
- note avec préoccupation que ces peines
seront néanmoins exécutées en cas de récidive,
ce qui, à son avis, revient à restreindre de manière
injustifiée la liberté d'expression des intéressés;
- réitère solennellement l'appel qu'il
a lancé pour que ces anciens parlementaires, y compris
ceux qui se trouvent en exil, se voient accorder une amnistie
qui démontrerait clairement il en est convaincu
que les autorités turques ont bien la volonté,
comme elles le proclament, de promouvoir et de respecter les droits
de l'homme;
- charge le Secrétaire général de
porter cette décision à l'attention des autorités
parlementaires turques;
- prie le Comité des droits de l'homme des parlementaires
de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à
sa prochaine session (avril-mai 2000).
Note : vous pouvez télécharger une version électronique du texte intégral de la brochure "Résultats de la 102ème Conférence et réunions connexes de l'Union interparlementaire" au format PDF (taille du fichier environ 740K). Cette version nécessite Adobe Acrobat Reader que vous pouvez télécharger gratuitement. | |
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