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CAS N° GMB/01 - LAMIN WAA JUWARA - GAMBIE

Résolution adoptée sans vote par le Conseil interparlementaire
à sa 167ème session (Djakarta, 21 octobre 2000)


Le Conseil interparlementaire,

se référant à l'exposé du cas de M. Lamin Waa Juwara, membre de la Chambre des représentants de la Gambie dissoute en 1994, qui figure dans le rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/167/12c)-R.1), et à la résolution qu'il a adoptée à ce sujet à sa 166ème session (mai 2000),

se référant aussi au rapport du Secrétaire général sur la mission qu'il a effectuée en Gambie du 15 au 17 juin 2000, en application de la décision prise à sa 166ème session (avril-mai 2000),

rappelant les éléments suivants, versés au dossier :

  1. le 29 juillet 1998, la Haute Cour a rejeté la demande en réparation déposée par M. Juwara pour les nombreuses arrestations et détentions arbitraires dont il avait été victime de la part d'agents du Conseil provisoire de gouvernement militaire (AFPRC) qui a pris le pouvoir après la dissolution du Parlement en 1994, et a conclu que les défendeurs dans cette affaire ne relevaient pas de la juridiction des tribunaux car l'article 13 de l'annexe 2 de la Constitution de 1997 garantissait aux membres de l'AFPRC et à ses officiers et agents l'immunité de poursuites pour tout acte commis ou omis dans l'exercice de leurs fonctions tant que l'AFPRC est au pouvoir;
  2. M. Juwara a de nouveau été arrêté à son domicile le soir du 18 mai 1998, sans mandat d'arrêt, et détenu au secret jusqu'à ce que la Cour suprême ordonne sa libération sous caution le 8 juin 1998; la nuit de son arrestation, M. Juwara a été brutalisé par des agents de sécurité qui lui ont infligé de graves blessures; tous soins médicaux lui auraient été refusés pendant son emprisonnement;
  3. en juin 1998, M. Juwara et d'autres personnes ont été déférés au tribunal de première instance de Brikama et accusés de " complicité de vandalisme et d'actes de vandalisme " pour avoir " intentionnellement endommagé le chantier de construction à la mosquée de Brikama "; le tribunal de première instance de Brikama les a acquittés le 22 février 1999 en prononçant un non-lieu; toutefois, l'Etat a fait appel de ce jugement,

considérant les points suivants et les informations mises en lumière par la mission :

  1. Les autorités ont reconnu que l'article 13 de l'annexe 2 de la Constitution de 1997 accorde effectivement l'impunité à tous ceux qui ont été mêlés aux arrestations et détentions arbitraires dont M. Juwara a fait l'objet et que, de ce fait, celui-ci ne peut obtenir réparation; le Président a cependant noté que le Parlement était habilité à adopter une loi pour indemniser les victimes de violations des droits de l'homme.
  2. Selon M. Juwara, la réfection de la mosquée de Brikama, qui consistait notamment à ériger deux colonnes devant la mosquée, a été entreprise à l'insu de l'imam et du comité des anciens et en l'absence de l'imam; de retour à Brikama le 17 mai 1998, l'imam a ordonné d'abattre ces colonnes; M. Juwara prétend ne pas avoir eu connaissance de ces événements avant son arrestation, qui a eu lieu le lendemain soir lorsqu'un groupe d'intervention de la police, accompagné d'agents de l'Agence nationale de renseignements, est arrivé à son domicile et l'a emmené au poste de police local.
  3. Durant son transfert du poste de police à la prison centrale Mile Two, la voiture dans laquelle il se trouvait a été arrêtée au poste de contrôle policier de Denton Bridge où on l'a fait sortir de la voiture et où il a été cruellement malmené par plusieurs individus armés de câbles et de gourdins qui l'ont agressé et battu pendant près de 30 minutes. M. Juwara affirme qu'il s'agissait de " casseurs " du " Mouvement du 22 juillet " et que l'un de ses agresseurs était le chef de ce Mouvement, M. Baba Jobe.
  4. Après cet incident, M. Juwara a été emmené au quartier de haute sécurité de la prison centrale Mile Two, où il a été maintenu au secret et a dû dormir à même le sol de ciment. Bien que grièvement blessé, il n'a pas été soigné. M. Juwara a rapporté que le Secrétaire d'Etat à l'Intérieur de l'époque était venu le voir dans la matinée du 18 mai sans faire de commentaire. Par la suite, un soir tard, il a été présenté devant le tribunal de première instance de Serekunda. Le juge avait alors déjà ordonné un traitement médical mais M. Juwara n'en recevait toujours pas. Comme il était détenu depuis plus de 72 heures - le délai légal - mais n'avait toujours pas été inculpé, le juge a ordonné qu'il soit inculpé ou relâché. M. Juwara a été pourtant reconduit en prison où il est resté au secret jusqu'au 8 juin 1998, date à laquelle il a été finalement libéré sous caution.
  5. Immédiatement après sa libération, M. Juwara s'est fait examiner par un médecin et a obtenu un certificat médical attestant qu'il avait reçu des coups et blessures. Il affirme qu'une copie de ce certificat a été remise au Procureur général dans les deux semaines qui ont suivi sa libération. A cette époque, il a fait également plusieurs déclarations à la presse, et de nombreux articles, parus dans plusieurs journaux, ont relaté de manière très détaillée son arrestation et son passage à tabac.
  6. Les autorités ont confirmé qu'il était effectivement illégal de détenir quelqu'un pendant plus de 72 heures sans l'inculper et ont déclaré qu'elles faisaient tout leur possible pour que de tels incidents ne se produisent pas.
  7. Elles ont fait savoir aussi que les sévices subis par M. Juwara n'avaient pas fait l'objet d'une enquête parce qu'il n'avait pas porté plainte.
  8. Selon le Procureur général, le tribunal de première instance de Brikama avait versé dans l'erreur en concluant qu'il n'y avait pas matière à procès. Selon lui, il existait de toute évidence des preuves prima facie et le tribunal n'avait qu'à les trouver. Il a indiqué qu'une réforme judiciaire était en cours en Gambie et qu'elle aurait pour effet de garantir un traitement expéditif de cette affaire,

considérant que, selon M. Juwara, l'affaire de la mosquée de Brikama devait être entendue le 17 octobre 2000,

sachant que la Gambie est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples qui garantissent tous deux le droit de ne pas faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraires et de ne pas être soumis à la torture ou à des mauvais traitements; que ces droits sont également consacrés par la Constitution gambienne qui, en son article 4, dispose que " toute autre loi incompatible avec une disposition de la présente Constitution est entachée de nullité à la mesure de son incompatibilité "; considérant que, conformément au décret N° 31 (décret de 1995 sur les buts et objectifs nationaux), l'adhésion aux principes et objectifs notamment de l'Organisation des Nations Unies " reste la pierre angulaire de la politique étrangère gambienne ",

  1. remercie les autorités de Gambie d'avoir reçu le Secrétaire général et d'avoir accepté de lui faire part de leurs vues; remercie en particulier le Président de l'Assemblée nationale de son aide et de la peine qu'il s'est donnée pour organiser les rencontres avec les autorités gouvernementales;
  2. ne peut que réitérer, eu égard aux commentaires dont les autorités ont fait part au Secrétaire général, sa préoccupation au sujet de l'article 13 de l'annexe 2 de la Constitution de 1997 qui a pour effet de garantir aux membres de l'AFPRC et à ses officiers et agents l'immunité de poursuites pour tous les actes criminels qu'ils ont pu commettre et d'empêcher M. Juwara d'obtenir réparation pour les arrestations et les détentions arbitraires dont il a été victime;
  3. souligne qu'aux termes de l'article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques auquel la Gambie est partie " tout individu victime d'arrestation ou de détention illégale a droit à réparation ", et invite le Parlement à envisager d'adopter une loi prévoyant le versement d'une indemnité aux victimes de violations des droits de l'homme;
  4. se déclare vivement préoccupé d'apprendre que, contrairement aux assurances précédemment données par la personne qui était alors Procureur général, l'allégation digne de foi selon laquelle M. Juwara a été maltraité alors qu'il était placé sous la responsabilité de l'Etat n'a fait l'objet d'aucune enquête de police;
  5. rappelle que la Gambie, en qualité d'Etat partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, est tenue de procéder à une enquête prompte et impartiale chaque fois qu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'un acte de torture a été commis sur un territoire placé sous sa juridiction, et prie instamment les autorités compétentes d'ouvrir sans délai une enquête sur les mauvais traitements infligés à M. Juwara;
  6. invite l'Assemblée nationale gambienne, en sa qualité de garante des droits fondamentaux du peuple qu'elle représente, à veiller à ce que le pouvoir exécutif remplisse ses obligations au titre du droit international auquel la Gambie a souscrit;
  7. note que, dans l'affaire de la mosquée de Brikama, une audition en appel était prévue pour le 17 octobre 2000, et souhaite être informé de ses résultats;
  8. charge le Secrétaire général de porter cette décision à la connaissance des autorités parlementaires et gouvernementales, ainsi que de M. Juwara;
  9. charge le Comité des droits de l'homme des parlementaires de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session (avril 2001).


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