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CAS N° GMB/03 - OMAR JALLOW - GAMBIE

Résolution adoptée sans vote par le Conseil interparlementaire
à sa 167ème session (Djakarta, 21 octobre 2000)


Le Conseil interparlementaire,

se référant à l'exposé du cas de M. Omar Jallow (Gambie), qui figure dans le rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/167/12c)-R.1), et à la résolution qu'il a adoptée à ce sujet à sa 166ème session (mai 2000),

se référant aussi au rapport du Secrétaire général sur la mission qu'il a effectuée en Gambie du 15 au 17 juin 2000, en application de la décision adoptée à sa 166ème session (mai 2000),

considérant les éléments ci-après versés au dossier :

  1. M. Jallow a été placé plusieurs fois en détention en 1994 et 1995 sans inculpation. Une commission d'enquête créée pour examiner les accusations de corruption de fonctionnaires portant sur la période antérieure au putsch militaire de juillet 1994 a reconnu M. Jallow coupable de certaines irrégularités financières et recommandé, outre deux sanctions financières mineures, qu'il soit exclu de la fonction publique pour cinq ans. Les conclusions de la commission n'ont jamais été rendues publiques. En revanche, le Gouvernement a publié un livre blanc dans lequel il a alourdi les sanctions contre M. Jallow, tout en confirmant son exclusion de la fonction publique pour une durée de cinq ans.
  2. Il est actuellement interdit à M. Jallow, en vertu du décret N° 89 (décret de 1996 autorisant la reprise des activités politiques), de " … participer à une activité politique quelconque ou de financer a) un candidat à une fonction politique élective, b) un parti politique ou c) une organisation politique "; le décret exclut de telles activités notamment " tous les titulaires des charges de Président, Vice-Président, Ministre du Gouvernement de la République de Gambie durant les 30 années précédant le 22 juillet 1994 ", et ce pour une durée indéterminée; il dispose en son article 4, paragraphe 1, que " toute infraction à ce décret est assimilée à un délit et l'auteur, une fois sa culpabilité établie, est passible de la détention à perpétuité ".
  3. En août 1998, l'opposition parlementaire a déposé un amendement au Parlement visant à révoquer le décret au moyen d'une loi portant amendement du " décret autorisant la reprise des activités politiques ", dans le but exprès d'aligner la loi sur les dispositions constitutionnelles garantissant les droits fondamentaux; cet amendement, cependant, n'a pas obtenu la majorité requise au Parlement.
  4. le 8 juillet 1999, M. Jallow a introduit une action devant la Haute Cour de Gambie pour qu'elle se prononce sur l'interprétation du décret N° 89 et déclare M. Jallow autorisé à exercer les droits fondamentaux garantis par la Constitution gambienne,

considérant que, selon les informations fournies par le Procureur général à l'occasion de la mission du Secrétaire général, les décisions consignées dans le livre blanc sont définitives et non révisables, l'annexe 2 de la Constitution de 1997 interdisant à tout tribunal de connaître d'une affaire qui contesterait la légalité ou le fond de cette décision; qu'en outre le décret N° 76 avait pour effet de rendre le livre blanc définitif et donc non révisable; que la Constitution de 1997 ne comportait pas de disposition habilitant le Président de la République de Gambie à revenir sur des décisions de cette nature et qu'il était donc d'avis qu'il n'y avait pas de recours possible pour M. Jallow,

considérant par ailleurs que d'autres sources interrogées pendant la mission ont cité plusieurs exemples dans lesquels la décision initiale consignée dans le livre blanc avait ensuite été ignorée, notamment celui du Procureur général du Gouvernement antérieur à 1994 qui, comme M. Jallow, avait été exclu de la fonction publique pendant cinq ans mais qui, avant l'expiration de ce délai, avait été nommé à la Cour suprême dont il est actuellement le doyen après le premier juge,

notant que, le 11 mai 2000, le juge chargé de l'affaire dans laquelle M. Jallow demande à la justice d'interpréter le décret N° 89 a déclaré cette requête irrecevable au motif que, en vertu des dispositions de l'annexe 2 de la Constitution de 1997, la Cour n'était pas compétente pour connaître de l'affaire; que le juge s'est appuyé en particulier sur le paragraphe 13.3 de cette annexe, énoncé comme suit : " Pour lever tout doute, il est déclaré qu'aucune décision prise ou censée avoir été prise dans l'exercice des pouvoirs exécutif, législatif ou judiciaire par le Conseil provisoire de gouvernement militaire (AFPRC), l'un de ses membres ou toute personne nommée par l'AFPRC au nom de l'AFPRC, à l'exception des juges de la Cour suprême ou de la Cour d'appel, ne sera mise en cause dans le cadre d'une quelconque procédure et qu'en conséquence aucune cour ou tribunal ne peut licitement prendre un arrêt ou une mesure conservatoire ni accorder un recours concernant cette décision ",

notant en outre qu'un recours a été formé le 16 mai devant la Cour d'appel contre la décision de la Haute Cour; que cette affaire est actuellement pendante devant la Haute Cour afin de parvenir à une mise au point entre les parties avant que les documents soient établis et transmis à la Cour d'appel; que l'affaire pourrait être examinée en appel en octobre 2000,

considérant l'opinion exprimée par le Procureur général selon laquelle la Cour suprême est compétente pour connaître d'une affaire d'incompatibilité alléguée entre une loi du pays, y compris le décret N° 89, et une disposition particulière de la Constitution; qu'à son avis le décret n'est pas inconstitutionnel puisque, malgré les dispositions constitutionnelles garantissant les droits politiques, n'importe quel pays est en droit d'exclure de la vie politique certains individus en raison du caractère odieux des actes qu'ils ont commis ou des vues qu'ils défendent,

rappelant que la Gambie est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples qui garantissent tous deux non seulement le droit de ne pas faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraires, mais aussi le droit à la liberté d'expression, de réunion et d'association; que ces droits sont également consacrés par la Constitution de la Gambie qui, en son article 4, dispose que " toute autre loi incompatible avec une disposition de la présente Constitution est entachée de nullité à la mesure de son incompatibilité "; considérant en outre que, conformément au décret N° 31 (décret de 1995 sur les buts et objectifs nationaux), l'adhésion aux principes et objectifs notamment de l'Organisation des Nations Unies " reste la pierre angulaire de la politique étrangère gambienne ",

  1. remercie les autorités gambiennes d'avoir reçu le Secrétaire général et d'avoir accepté de lui faire part de leurs vues,
  2. est consterné d'apprendre qu'il ne semble pas y avoir de recours possible permettant une révision des sanctions prévues contre M. Jallow dans le livre blanc, et ce d'autant plus qu'il semble y avoir eu des exceptions dans d'autres affaires par le passé, et prie instamment les autorités compétentes d'entreprendre aussi une révision en l'espèce;
  3. réitère sa vive préoccupation devant le décret N° 89 qui prive des partis et certaines personnes, notamment M. Jallow, de leurs droits civils et politiques, ce qui a pour effet d'annuler les garanties en matière de droits de l'homme et de libertés fondamentales qu'offrent la Constitution gambienne et les normes internationales auxquelles la Gambie a souscrit;
  4. est préoccupé par le raisonnement suivi par la Haute Cour de Gambie dans son arrêt concernant la requête introduite par M. Jallow pour obtenir une interprétation du décret N° 89 et une déclaration selon laquelle il est habilité à exercer les droits fondamentaux garantis par la Constitution de 1997 car, si ce raisonnement était maintenu, il signifierait que l'article 4, chapitre II, de la Constitution gambienne, qui dispose que " la Constitution est la loi suprême de la Gambie et toute autre loi incompatible avec une disposition de la présente Constitution est entachée de nullité à la mesure de son incompatibilité ", ne pourrait pas s'appliquer au décret N° 89 et que le droit énoncé à l'article 5 d'intenter une action en justice à cet effet ne pourrait pas être respecté;
  5. note donc avec intérêt que, selon le Procureur général, la Cour suprême est effectivement compétente pour connaître d'affaires relatives à l'inconstitutionnalité des lois, y compris du décret N° 89;
  6. note également qu'un recours a été formé contre la décision de la Haute Cour et exprime l'espoir que l'affaire sera entendue dès que possible;
  7. compte que la justice gambienne statuera sur cette question conformément au droit constitutionnel et aux normes internationales des droits de l'homme auxquelles la Gambie a souscrit;
  8. charge le Secrétaire général de porter cette décision à la connaissance des autorités parlementaires et gouvernementales, ainsi que de M. Jallow;
  9. charge le Comité des droits de l'homme des parlementaires de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session (avril 2001).


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