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CAS N° MAL/15 - ANWAR IBRAHIM - MALAISIE

Résolution adoptée sans vote par le Conseil interparlementaire
à sa 167ème session (Djakarta, 21 octobre 2000)


Le Conseil interparlementaire,

se référant à l'exposé du cas de M. Anwar Ibrahim, membre de la Chambre des représentants (Malaisie), qui figure dans le rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/167/12c)-R.1), et à la résolution qu'il a adoptée à ce sujet à sa 166ème session (mai 2000),

tenant compte des renseignements fournis par la délégation de la Malaisie à l'occasion de la 104ème Conférence de l'Union interparlementaire (octobre 2000), ainsi que des informations fournies par la source les 7 juillet et 12 septembre 2000,

rappelant les éléments suivants versés au dossier :

  1. après son arrestation en septembre 1998, M. Ibrahim s'est vu infliger des coups et blessures par M. Rahim Noor, alors inspecteur général de police; selon les conclusions d'une commission royale spécialement créée, M. Rahim Noor a été inculpé pour coups et blessures graves; il n'a plaidé coupable que lorsque le motif d'inculpation retenu contre lui a été ramené à de " simples coups et blessures "; il a été condamné à une amende de 530 dollars E.-U. et condamné à deux mois d'emprisonnement en mars 2000; il a été libéré sous caution en attendant le jugement en appel;
  2. M. Ibrahim a été déclaré coupable le 14 avril 1999 de pratiques répréhensibles et condamné à six ans d'emprisonnement; le 29 avril 2000, la Cour d'appel a confirmé ce verdict, concluant qu'elle avait " l'intime conviction " qu'Anwar Ibrahim avait abusé de son autorité en ordonnant à la police en 1997 d'obtenir par intimidation la rétractation de deux témoins qui avaient porté des accusations d'ordre sexuel contre lui; M. Ibrahim a fait appel devant l'instance suprême, la Cour fédérale;
  3. Me Karpal Singh, avocat de M. Ibrahim, a dit au tribunal le 10 septembre 1999 au sujet des allégations d'empoisonnement à l'arsenic dont M. Anwar Ibrahim aurait été victime : " Il se peut bien que quelqu'un cherche à s'en débarrasser et n'hésite pas pour cela à recourir même au meurtre. Je soupçonne des gens haut placés d'être responsables de cette situation "; dans son avis d'expert, le centre hospitalier universitaire de Kuala Lumpur (HUKM) a conclu qu'Anwar Ibrahim ne présentait aucun des signes cliniques classiques de l'empoisonnement aigu ou chronique à l'arsenic, mais il a ajouté que M. Ibrahim souffrait de " nombreux problèmes médicaux et a recommandé que le centre hospitalier [...] continue d'observer le patient et de suivre son état de santé… ",

considérant que le juge de première instance et le Procureur général ont accordé à la déclaration de Me Karpal Singh l'attention qu'elle méritait et décidé qu'une enquête médicale indépendante était essentielle, décision qui ne semblait pas injustifiée étant donné la dégradation de l'état de santé de M. Ibrahim; que, pourtant, près d'un mois plus tard, le 8 octobre 1999, le Procureur général a autorisé l'engagement de poursuites contre Me Singh pour sédition; que Me Singh a été libéré sous caution et que son procès a été reporté au 24 octobre 2000 pour " mention sur des points de droit ",

considérant que, le 5 septembre 2000, la Cour d'appel a rejeté le recours formé par M. Zakaria, l'un des avocats d'Anwar Ibrahim, contre la peine de prison de trois mois à laquelle il avait été condamné pour " atteinte à l'autorité de la justice " parce qu'il avait présenté au tribunal une déclaration écrite sous serment indiquant que l'accusation avait tenté de fabriquer de toutes pièces des éléments de preuve contre M. Ibrahim; rappelant à ce propos les nombreuses formes de harcèlement infligées aux avocats d'Anwar Ibrahim et exposées dans le rapport du Comité,

considérant que, la Haute Cour de Kuala Lumpur a, le 8 août 2000, reconnu M. Ibrahim et son frère adoptif, M. Sukma Darmawan, coupables de sodomie et les a condamnés à des peines d'emprisonnement de neuf et six ans, respectivement,

considérant que cette condamnation reposait essentiellement sur les déclarations contradictoires faites par M. Azizan Abu Bakar, chauffeur de M. Ibrahim, et les " aveux " du frère adoptif d'Ibrahim, M. Darmawan, que ce dernier avait rétractés; M. Darmawan a déclaré au tribunal que ces " aveux " avaient été obtenus sous la contrainte et précisé qu'il avait été déshabillé, frappé, insulté, contraint à simuler des actes homosexuels et menacé d'une peine de prison d'une durée indéterminée; le juge a retenu les dénégations de la police sans ordonner d'enquête indépendante et estimé que M. Darmawan avait avoué spontanément,

rappelant à ce propos que deux autres hommes, M. Munawar Anees, éminent intellectuel pakistanais, et M. Mior Abdul Razak, styliste, qui avaient tous deux été arrêtés précédemment en raison de leurs liens étroits avec M. Anwar Ibrahim, ont déclaré publiquement que la police les avait contraints à avouer avoir eu des rapports sexuels avec Anwar Ibrahim,

considérant que, selon l'une des sources, M. Ibrahim a dû faire une grève de la faim pour obtenir que sa mère, qui était souffrante, soit autorisée à lui rendre visite en prison; notant que, selon la délégation malaisienne, M. Ibrahim n'est pas moins bien traité que les autres prisonniers et bénéficie même d'un traitement préférentiel,

considérant enfin que, selon la délégation malaisienne, M. Anwar Ibrahim a été reconnu coupable et condamné conformément à la loi,

  1. remercie la délégation malaisienne pour sa coopération et ses observations;
  2. juge alarmante la condamnation de M. Ibrahim et de M. Darmawan à des peines d'emprisonnement de neuf et six ans, respectivement, d'autant plus que des allégations dignes de foi font état de dépositions de témoins obtenues sous la contrainte;
  3. réaffirme que les mauvais traitements infligés à M. Ibrahim alors qu'il était en garde à vue étayent les allégations faisant état de dépositions de témoins obtenues sous la contrainte;
  4. rappelle avec insistance qu'en vertu des normes internationales relatives aux droits de l'homme, les allégations faisant état de dépositions obtenues sous la contrainte doivent faire l'objet d'une enquête rapide et indépendante, et que ces normes interdisent l'utilisation de preuves obtenues dans de telles conditions;
  5. est consterné par les accusations de sédition portées contre Me Karpal Singh et par la peine d'emprisonnement de trois mois infligée à M. Zakaria et confirmée le 5 septembre 2000 par la Cour d'appel; réaffirme que l'action en justice intentée contre la défense touche à l'essence même du droit à un procès équitable et va à l'encontre non seulement des Principes de base de l'ONU relatifs au rôle du barreau mais aussi de la jurisprudence du Commonwealth, qui établissent tous deux que les avocats jouissent de l'immunité de poursuites pour des propos émis devant un tribunal;
  6. ne peut que réaffirmer sa crainte que, compte tenu des éléments de preuve versés au dossier, les motifs ayant conduit à inculper Anwar Ibrahim de corruption et de sodomie n'aient été étrangers au droit et que le dossier constitué contre lui ne repose sur une présomption de culpabilité;
  7. demeure préoccupé par les conclusions du centre hospitalier universitaire de Kuala Lumpur, qui constate que l'état de santé d'Anwar Ibrahim s'est considérablement aggravé en détention, et engage les autorités à le libérer en attendant le jugement en appel;
  8. prie le Secrétaire général de communiquer la présente décision aux autorités malaisiennes compétentes;
  9. charge le Comité des droits de l'homme des parlementaires de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session (avril 2001).


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