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IPU Logo-bottomPlace du Petit-Saconnex, Case postale 438, 1211 Genève, Suisse  

CAMBODGE
CAS N° CMBD/18 - CHHANG SONG
CAS N° CMBD/19 - SIPHAN PHAY
CAS N° CMBD/20 - POU SAVATH
Résolution adoptée sans vote par le Conseil interparlementaire
à sa 170ème session (Marrakech, le 23 mars 2002)


Le Conseil de l'Union interparlementaire,

saisi du cas de MM. Chhang Song, Siphan Phay et Pou Savath, membres du Sénat cambodgien, qui a fait l’objet d’une étude et d’un rapport du Comité des droits de l’homme des parlementaires conformément à la "Procédure d’examen et de traitement, par l’Union interparlementaire, de communications relatives à des violations des droits de l’homme dont sont victimes des parlementaires",

prenant note du rapport du Comité des droits de l’homme des parlementaires qui contient un exposé détaillé du cas (CL/170/13.c.ii)-R.1),

tenant compte des informations communiquées par la délégation cambodgienne à l’audition tenue par le Comité à l’occasion de la 107ème Conférence (mars 2002),

considérant les éléments suivants versés au dossier :

  • le 6 décembre 2001, le Parti populaire cambodgien (PPC) a décidé d’exclure MM. Chhang Song, Siphan Phay et Pou Savath, membres en exercice du Sénat; la décision pertinente invoque l’article 26 du règlement intérieur du PPC et l’article 30 du Règlement intérieur du Sénat et est justifiée par le "manque de discipline" des sénateurs en question;
  • le 7 décembre 2001, le parti a demandé leur remplacement au Sénat; ayant obtenu l’approbation du Roi, le chef de l’Etat par intérim a signé, le 12 décembre 2001, le décret royal autorisant leur remplacement; les personnes nouvellement désignées ont pris leurs fonctions le 20 décembre 2001;
  • MM. Chhang Song, Siphan Phay et Pou Savath ont été convoqués le 8 décembre 2001 au siège du parti où la décision les excluant du parti leur a été signifiée; ils ont été informés par la suite de leur exclusion du Sénat;
  • tous trois ont été exclus de leur parti et du Sénat sans avertissement ni réunion préalable du Sénat,

considérant que, selon le Président du Sénat, la décision d’exclusion a été prise conformément au nouvel Article 157 de la Constitution cambodgienne, qui stipule que, pour leur première législature, "les sénateurs sont nommés par le Roi sur proposition du Président du Sénat et du Président de l’Assemblée nationale, et choisis parmi les membres des partis politiques ayant des sièges à l’Assemblée nationale"; il estime que cet article lie les sièges des sénateurs à l’appartenance aux trois grands partis politiques représentés à l’Assemblée nationale, de sorte que tout sénateur cessant d’être membre de son parti perd son siège au Sénat, dès lors que son parti cherche à le remplacer; le Sénat ayant été constitué en application de l'Article 157 selon le même système de représentation proportionnelle que l'Assemblée nationale, il estime qu'"il incombe manifestement au Sénat de veiller à faire respecter la volonté du peuple et à ce que pareille représentation proportionnelle soit maintenue à tout moment"; à ce propos, il invoque aussi l'Article 115 qui prévoit que le mandat d'un membre du Sénat cesse en cas de décès, de démission ou de perte de la qualité de membre, et fait valoir que, pour les rédacteurs de la Constitution, cette "perte de la qualité de membre" s'étendait aux cas d'exclusion ou de démission d'un membre d'un parti ou de changement de la composition d'un parti; à son avis, si la perte de la qualité de membre ne s'appliquait pas en l'espèce, "il en résulterait une violation des Articles 51 et 157 de la Constitution, ainsi que des principes consacrés de la démocratie et des droits de l'homme"; le Président du Sénat évoque le cas de M. Sam Rainsy qui a été, lui aussi, exclu du Parlement après son exclusion, en mai 1995, de son parti, le FUNCINPEC,

considérant que, selon la source, l’expulsion était la conséquence d’interventions faites par les sénateurs concernés dans la matinée du 6 décembre 2001 dans le cadre du débat sénatorial du projet de Code pénal; le projet, que le co-Ministre de l'Intérieur, Sar Kheng, aurait particulièrement tenu à voir adopter, avait déjà suscité un débat houleux à l'Assemblée nationale où il n'avait été adopté qu'en deuxième lecture; les sénateurs concernés ont exprimé leurs préoccupations sur le non?respect, par le nouveau Code, de la séparation des pouvoirs, ce qui pouvait être le prélude à une dictature, ont demandé des éclaircissements sur les rapports entre la police militaire, la police et la magistrature, et se sont opposés à ce que la durée légale de la détention provisoire soit portée de 48 à 72 heures; en conséquence, le projet a été refusé par 34 voix contre 17, ce qui aurait provoqué la colère du PPC et amené le parti à décider pratiquement sur-le-champ de les exclure,

considérant aussi que d’autres membres du PPC auraient pris position contre le projet, tels que M. Chuor Leang Huot, parlementaire et principal avocat du PPC, M. Ouk Bun Choeum, ancien Ministre de la Justice et Président de la Commission sénatoriale des lois, et M. Dith Munti, juge à la Cour suprême,

considérant que ni la Constitution, ni le Règlement intérieur du Sénat ne prévoient l’exclusion du Sénat et n’établissent les motifs d’exclusion et les procédures à suivre; rappelant plus spécifiquement que ni la Constitution, ni le Règlement intérieur du Sénat ne précisent les mesures à prendre lorsqu’un sénateur est exclu de son parti; notant en outre que le Règlement intérieur du Sénat ne traite que des questions relatives à l’absence aux réunions, aux écarts de comportement et aux mesures disciplinaires correspondantes, qui ne sont pas en cause ici; notant toutefois que le chapitre XIV établit une procédure disciplinaire qui demande, dans les cas d’un blâme écrit assorti d’une exclusion temporaire, un scrutin secret au Sénat à la majorité des deux tiers,

rappelant que, dans le cas de M. Sam Rainsy, que cite comme précédent le Président du Sénat dans sa lettre du 21 décembre 2001, l’Union interparlementaire, tout en reconnaissant qu’une personnalité politique puisse être exclue de son parti pour avoir exprimé des opinions jugées inacceptables par ce dernier, a eu de la peine à admettre, étant donné les dispositions légales régissant la cessation du mandat parlementaire, qu’un parlementaire qui a été exclu d’un parti pour cette raison perde son siège en dernière analyse pour avoir simplement exercé son droit à la liberté d’expression,

considérant que l'Article 51 de la Constitution stipule que "le Royaume du Cambodge adopte une politique de démocratie libérale et de pluralisme. Le peuple cambodgien est le maître de son pays. Tout le pouvoir émane de lui. Il exerce ces pouvoirs au travers de l'Assemblée nationale, du Sénat, du Gouvernement royal et du judiciaire. Les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire sont séparés"; qu’aux termes de l’Article 31 de la Constitution "le royaume du Cambodge reconnaît et respecte les droits de l’homme énoncés dans la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l’homme, les pactes et conventions relatifs aux droits de l’homme, aux droits de la femme et aux droits de l’enfant"; que la liberté d’expression, consacrée à l’Article 41 de la Constitution, est l’un des principaux droits de l’homme reconnus par la communauté internationale et que, conformément à ce droit, l’Article 104 de la Constitution garantit aux membres du Parlement cambodgien l’irresponsabilité parlementaire et établit une procédure destinée à protéger les sénateurs de toute atteinte à ce droit,

  1. remercie le Président du Sénat des informations communiquées et de sa coopération;
  2. souligne que la révocation du mandat d’un parlementaire est une mesure grave car elle l’empêche irrévocablement de s’acquitter du mandat qui lui a été confié, et qu’elle doit donc être prise en stricte conformité avec la loi et seulement pour des motifs valables;
  3. affirme qu’en l’absence de toute disposition constitutionnelle, légale ou réglementaire prévoyant l’exclusion ou la destitution des sénateurs exclus de leur parti politique, l’exclusion du Sénat de MM. Chhang Song, Siphan Phay et Pou Savath est illégale;
  4. ne peut partager l’avis des autorités lorsqu’elles estiment que la "perte de la qualité de parlementaire" évoquée à l’Article 115 de la Constitution doit être interprétée comme s’appliquant aux cas où un sénateur est exclu, démissionne ou change de parti; relève à ce sujet que, dans le droit parlementaire, la notion de "perte de la qualité de parlementaire" s’applique d’ordinaire à la déchéance du mandat parlementaire à la suite d’une décision de justice;
  5. considère que cette dernière interprétation de la notion de "perte de la qualité de parlementaire" est conforme aux principes de démocratie libérale et de pluralisme énoncés à l’Article 51 de la Constitution;
  6. affirme qu’en prenant position contre le projet de Code pénal, comme cela lui a été rapporté, les sénateurs concernés défendaient les droits de l’homme et les principes de la démocratie et s’acquittaient de leur rôle de gardien des droits de l’homme;
  7. prie donc instamment le Sénat de reconsidérer sa décision;
  8. souhaite savoir quelles sont les possibilités de recours ouvertes aux parlementaires concernés;
  9. charge le Secrétaire général de porter cette résolution à la connaissance du Président du Sénat et du Premier Ministre du Cambodge en leur demandant d’examiner d’urgence les questions évoquées;
  10. prie le Comité des droits de l’homme des parlementaires de poursuivre l’examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session (septembre 2002).

Note : vous pouvez télécharger une version électronique du texte intégral de la brochure "Résultats de la 107ème Conférence et réunions connexes de l'Union interparlementaire" au format PDF (taille du fichier environ 452K). Cette version nécessite Adobe Acrobat Reader que vous pouvez télécharger gratuitement.Get Acrobat Reader

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