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IPU Logo-bottomPlace du Petit-Saconnex, Case postale 438, 1211 Genève 19, Suisse  

TURQUIE
CAS N° TK/66 - MERVE SAFA KAVAKÇI
Résolution adoptée à l'unanimité par le Conseil interparlementaire
à sa 171ème session (Genève, le 27 septembre 2002)


Le Conseil de l'Union interparlementaire,

saisi du cas de Mme Merve Safa Kavakçi (Turquie), qui a fait l'objet d'une étude et d'un rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires, conformément à la " Procédure d'examen et de traitement, par l'Union interparlementaire, de communications relatives à des violations des droits de l'homme dont sont victimes des parlementaires ",

tenant compte du rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/171/12a)-R.1), qui contient un exposé détaillé du cas,

considérant que Mme Merve Kavakçi a été élue à la Grande Assemblée nationale de Turquie (GANT) le 18 avril 1999 sous l'étiquette du Parti de la vertu et s'est vu délivrer l'accréditation validant son appartenance à la GANT; que, toutefois, lors de la cérémonie de prestation de serment, le 4 mai 1999, elle a été empêchée de prêter serment à cause du foulard qu'elle portait sur la tête, puis chassée de la salle; que, le 13 mai 1999, le Gouvernement a décidé de déchoir Mme Kavakçi de sa nationalité turque au motif qu'elle possédait aussi la nationalité américaine, nationalité qu'elle avait acceptée sans l'aval des autorités, en violation de la loi turque sur la citoyenneté; que cette décision a été confirmée en appel par le Conseil d'Etat (dernière décision en date du 1er décembre 2000), bien qu'entre-temps Mme Kavakçi ait recouvré sa nationalité turque en épousant un compatriote le 28 octobre 1999; que, le 20 mai 1999, par décision N° 1585, le Conseil électoral suprême (YSK), saisi du cas de Mme Kavakçi par le Gouvernement, a confirmé qu'elle avait été élue en bonne et due forme et était membre de la GANT, statuant que le pouvoir de révoquer le mandat parlementaire de Mme Kavakçi pour perte d'éligibilité après l'élection appartenait à la seule GANT,

considérant que, le 14 mars 2001, le Président de la GANT a notifié par lettre à l'Assemblée que la déchéance de Mme Kavakçi de sa nationalité turque était " légale et définitive ", raison pour laquelle elle a " perdu son éligibilité en vertu des articles 66 et 76 de la Constitution turque et de la loi sur la nationalitéet n'a plus la qualité de parlementaire "; rappelant que, le 17 janvier 2001, le Président du Groupe interparlementaire turc a relevé que Mme Kavakçi " avait été déchue de sa qualité de parlementaire " à la suite du retrait de sa nationalité au motif que " la nationalité turque est une condition sine qua non pour être parlementaire ",

considérant que, lors de l'audition organisée à La Havane (avril 2001), la délégation turque, soulignant le caractère séculier de l'Etat turc, a fait savoir que Mme Kavakçi voulait montrer qu'une femme arborant un symbole religieux pouvait entrer au Parlement et, partant, au Gouvernement et accéder aux charges publiques en général,

notant que le Code vestimentaire alors en vigueur pour les parlementaires exigeait des femmes le port d'un tailleur et qu'en portant un foulard sur la tête Mme Kavakçi n'avait pas violé ledit Code; notant également que l'article 76 de la Constitution, qui régit l'éligibilité, n'interdit pas aux personnes à double nationalité de se présenter aux élections et n'exige pas non plus d'elles qu'elles révèlent leur double nationalité; que, selon Mme Kavakçi, plusieurs membres du Parlement turc jouissent en fait d'une double nationalité, y compris la citoyenneté américaine; rappelant à ce propos que, à la suite de la décision qui a déchu Mme Kavakçi de sa nationalité turque, de nombreux citoyens turcs à double nationalité, craignant de subir à leur tour pareille sanction, ont envahi les consulats turcs à l'étranger; que, toutefois, on leur a fait savoir que cette décision visait uniquement Mme Kavakçi en raison de son " cas exceptionnel ",

considérant en outre que, bien qu'élue en bonne et due forme, Mme Kavakçi s'est vu dénier tous les droits d'une parlementaire, y compris le traitement, le logement et le bureau; que ni son nom, ni sa photographie n'apparaissent dans l'album du Parlement et que toutes les données concernant son élection ont été supprimées des systèmes informatiques du Parlement,

considérant en outre qu'en juin 2001 la Cour a dissous le parti de Mme Kavakçi pour " activités contraires au principe de la laïcité de la République turque ", fondant sa décision notamment sur des discours prononcés par Mme Kavakçi; qu'elle l'a privée de ses droits politiques pour cinq ans; que, en raison de l'article 84 de la Constitution alors en vigueur, Mme Kavakçi aurait dès cet instant perdu son mandat,

notant enfin que Mme Kavakçi vit actuellement aux Etats-Unis d'Amérique; que, sachant qu'elle a été accusée " d'outrage à la République, au Parlement et à l'Etat ", elle craint d'être arrêtée et poursuivie si elle rentre en Turquie; qu'elle estime avoir été la cible de mesures discriminatoires, contraires aux principes consacrés par la Constitution et le droit turcs, ainsi que par les normes internationales de droits de l'homme, notamment la Convention européenne des droits de l'homme à laquelle la Turquie est partie,

  1. constate qu'il est incontesté que Mme Kavakçi a été élue membre du Parlement turc en bonne et due forme et que cette élection a été validée par le Conseil électoral suprême, ce que ce dernier a confirmé dans sa décision N° 1585, adoptée alors que Mme Kavakçi avait été déchue de sa nationalité turque;

  2. affirme, conformément à cette décision, que la perte d'éligibilité à la suite d'une élection ne saurait en aucun cas invalider cette élection, et ne peut que considérer que Mme Kavakçi a été arbitrairement empêchée de prêter serment et d'exercer le mandat parlementaire qu'elle tenait de ses électeurs, qui ont été ainsi privés de leur droit d'être représentés par la personne de leur choix;

  3. souligne que la révocation du mandat d'un parlementaire est une mesure grave qui prive irrévocablement le parlementaire en question de la possibilité d'exercer le mandat qui lui a été confié et que pareille mesure doit donc être prise en pleine conformité avec la loi et uniquement pour des motifs graves;

  4. note que : a) la loi turque ne comporte aucune disposition prévoyant la perte automatique de la qualité de membre de la GANT en cas de perte d'éligibilité après élection ou une déclaration du Président de la GANT à cet effet; b) selon le Conseil électoral suprême qui est l'organe compétent, seule la GANT peut révoquer le mandat parlementaire de Mme Kavakçi; c) conformément à l'article 84 de la Constitution turque, la perte de la qualité de membre du Parlement turc est décidée à la majorité absolue de l'Assemblée; d) Mme Kavakçi avait recouvré sa nationalité lorsque le Conseil d'Etat a établi en dernière instance qu'elle l'avait perdue en raison de la décision N° 99/12827 du Conseil des ministres en date du 13 mai 1999;

  5. ne comprend donc pas sur quelle base légale le Président de la GANT a déclaré que Mme Kavakçi n'était plus membre de l'Assemblée, alors que celle-ci ne s'est pas prononcée à cet effet; ne comprend pas non plus sur quelle base le Conseil d'Etat a déclaré récemment, en décembre 2000, que Mme Kavakçi avait perdu sa nationalité turque alors qu'elle venait de la recouvrer en octobre 1999, comme l'ont certifié les autorités compétentes;

  6. craint, au vu des éléments versés au dossier, que non seulement Mme Kavakçi ait été empêchée arbitrairement de remplir son mandat et son devoir de représentante élue du peuple turc, mais également privée de sa qualité de parlementaire sans aucun motif légal valable, au terme d'une procédure non prévue par la loi turque;

  7. considère que le jugement de la Cour constitutionnelle prononçant la dissolution du parti de Mme Kavakçi ne peut en aucun cas modifier son opinion;

  8. prie le Secrétaire général d'informer les autorités parlementaires de cette résolution en les invitant à faire part de leurs commentaires, en particulier sur les recours dont disposerait Mme Kavakçi;

  9. charge le Comité des droits de l'homme des parlementaires de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session (avril 2003).


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