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IPU Logo-bottomChemin du Pommier 5, Case postale 330, CH-1218 Le Grand Saconnex/Genève, Suisse  

PALESTINE
CAS N° PAL/02 - MARWAN BARGHOUTI
Résolution adoptée à l'unanimité par le Conseil directeur
à sa 173ème session (Genève, 3 octobre 2003)


Le Conseil directeur de l'Union interparlementaire,

saisi du cas de M. Marwan Barghouti, membre en exercice du Conseil législatif palestinien (CLP) à Ramallah, qui a fait l'objet d'un examen et d'un rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires conformément à la " Procédure d'examen et de traitement, par l'Union interparlementaire, des communications concernant des violations des droits de l'homme dont sont victimes des parlementaires ",

prenant note du rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/173/11b)?R.1), qui contient un exposé détaillé du cas,

tenant compte de lettres du Président de la Knesset en date du 14 et du 29 juillet 2003,

considérant que le 15 avril 2002, les forces de défense israéliennes ont arrêté à Ramallah M. Marwan Barghouti, membre du Conseil législatif palestinien, très connu, selon les sources, pour sa position militante en faveur d'une paix juste et durable au Moyen-Orient; que, selon le Président de la Knesset, son arrestation reposait sur un mandat d'arrêt établi par le tribunal d'instance de Jérusalem, le 23 septembre 2001; que M. Barghouti a été transféré à la maison d'arrêt dite du " complexe russe " de Jérusalem et un mandat de dépôt de 18 jours a été délivré contre lui; qu'en vertu de l'ordonnance militaire 1500 du 5 avril 2002, qui autorise l'arrestation et la détention au secret, pendant 18 jours, de Palestiniens s'ils sont suspectés de mener des opérations militaires ou de commettre des crimes contre Israël, M. Barghouti a été détenu pendant huit jours sans être traduit devant un juge; qu'il n'aurait comparu pour la première fois devant un juge militaire que le 26 avril 2002 dans le " complexe russe " et s'est plaint à cette occasion d'avoir été torturé, récusant par ailleurs la compétence du tribunal et des forces israéliennes quant à son arrestation; que le juge a encore prolongé de 25 jours la détention de M. Barghouti, qui est continuellement prorogée depuis lors;

considérant que, selon le Président de la Knesset, M. Barghouti a été arrêté sur la foi d'informations reçues par les autorités israéliennes de sécurité indiquant que l'intéressé était non seulement " impliqué directement dans l'organisation et l'exécution d'actes terroristes contre des citoyens israéliens ", mais qu'il était aussi " le chef reconnu des " Tanzim ", le bras militaire du Fatah ", organisation qui " s'était ouvertement associée à des actes terroristes perpétrés contre Israël "; que M. Barghouti était suspecté d'être complice d'assassinat et de tentative d'assassinat, de détention illégale d'armes, d'entraînement militaire illégal; que le Président a affirmé que, M. Barghouti étant membre actif d'une organisation interdite, rien dans son arrestation, son transfert ou l'enquête menée n'était contraire aux normes reconnues du droit international;

considérant les informations suivantes, fournies en juin 2002 par l'avocat de M. Barghouti concernant les conditions de détention préventive de celui-ci :

  1. durant les deux premières semaines, M. Barghouti était interrogé 20 heures par jour. Lorsque son avocat l'a rencontré pour la première fois, le 18 avril, il était exténué et hagard, et lui a rapporté que pendant les interrogatoires il était assis sur une petite chaise en plastique et restait dans la même position, les mains liées derrière le dos et les yeux parfois bandés. L'avocat a déclaré que M. Barghouti n'avait pas été placé dans la position dite " Shabach " comme les sources l'avaient initialement indiqué;

  2. durant ses trois premières semaines de détention, M. Barghouti a perdu sept kilos. En outre, il saignait pendant les deux premières semaines car il venait de subir une opération qui a finalement échoué à cause de sa mise en détention. Il était dans une cellule de 2m x 2m, sans fenêtre, sinon un trou d'aération au plafond, avec les lampes allumées en permanence. Il était aussi privé de radio, de télévision, de journaux ou livres. La Croix-Rouge n'a été autorisée à le voir qu'après 40 jours de détention. M. Barghouti était détenu au secret, sans possibilité de recevoir la visite de membres de sa famille. Son épouse a demandé à le voir en sa qualité d'avocate, mais sa requête a été rejetée;

  3. une demande de levée d'écrou a été rejetée. Lors d'un examen à huis clos, la Haute Cour a rejeté comme infondées les demandes de cessation de mauvais traitement, concernant en particulier la privation de sommeil,

considérant que, dans sa lettre du 6 avril 2003, le Président de la Knesset a affirmé que M. Barghouti était détenu dans une aile de la prison d'Ayalon qui était séparée de l'aile principale pour des raisons de sécurité; que la séparation d'avec les autres prisonniers était régulièrement soumise au réexamen des autorités compétentes conformément à l'ordonnance carcérale; que M. Barghouti était en permanence sous contrôle médical et que toutes ses plaintes concernant son état de santé avaient été dûment examinées; qu'il avait reçu et recevrait le traitement médical approprié en cas de besoin; notant que, selon les informations fournies par la source peu avant la 102ème session du Comité (juin 2003), M. Barghouti est à présent détenu à la maison d'arrêt et d'isolement " Ramlé ", qu'il serait détenu au secret dans une cellule de 3 m2 au deuxième sous-sol sans le minimum d'hygiène : la cellule est humide et infestée de moustiques et de rats, avec un trou dans le sol comme toilettes, sans fenêtre, sinon une petite ouverture (5 x 15 cm) dans la porte pour aération; que M. Barghouti aurait droit à une heure de sortie par jour dans la cour fermée de la prison, menottes aux poignets et fers aux pieds; qu'il souffrirait d'une maladie pulmonaire et de troubles respiratoires à cause du froid et de l'humidité; que les autorités carcérales le priveraient des soins médicaux nécessaires et qu'il aurait fallu des protestations internationales pour qu'il bénéficie d'une consultation médicale sommaire,

considérant que, en réponse à l'allégation selon laquelle M. Barghouti est privé de visite des membres de sa famille et ne peut pas voir librement son avocat, le Président de la Knesset a répondu que l'intéressé était un prisonnier soumis au régime de haute sécurité et se voyait dès lors appliquer les règles prévues en la matière; qu'il pouvait rencontrer son conseil conformément aux dispositions du règlement carcéral et qu'il avait en fait rencontré librement ses avocats depuis le début de la procédure engagée contre lui; qu'en règle générale les prisonniers soumis au régime de haute sécurité sont autorisés à recevoir la visite de leurs proches, à moins qu'il n'y ait des raisons de l'interdire; qu'à ce stade, c'était pour des raisons de sécurité que M. Barghouti ne pouvait pas recevoir de visite de membres de sa famille et que cette décision était soumise à un réexamen périodique,

considérant que M. Barghouti est accusé de meurtre prémédité, de complicité de meurtre, d'incitation au meurtre, de tentative de meurtre, de d'association de malfaiteurs, de participation active et d'appartenance à une organisation terroriste; que le procès s'est ouvert devant le tribunal du district de Tel-Aviv et de Jaffa le 19 janvier 2003; que, selon les rapports de l'observateur, la dernière audience a eu lieu le 29 septembre 2003,

considérant que M. Barghouti récuse la compétence des autorités israéliennes en vertu des articles 13 et 17 de l'Accord intérimaire de septembre 1995 (Oslo II), de l'article 1 de son annexe 3, en raison de l'immunité parlementaire dont il jouit en sa qualité de membre du CLP, et en vertu de l'Article 49 de la Quatrième Convention de Genève qui interdit les transferts forcés en masse ou individuels de personnes protégées d'un territoire occupé au territoire de la Puissance occupante, quel qu'en soit le motif; que des experts en droit international ont fait observer que, bien qu'Israël n'ait pas ratifié la Quatrième Convention de Genève, le Conseil de sécurité des Nations Unies avait rappelé dans plusieurs résolutions (N° 237 du 14 juin 1967, N° 446 du 29 mars 1979, N° 681 du 20 décembre 1990) l'applicabilité de la Convention aux territoires occupés; que la résolution 641 du 30 août 1989, qui a été confirmée par la résolution 694 du 24 mai 1991, spécifie que la Convention de Genève est applicable aux territoires occupés par Israël depuis 1967, y compris Jérusalem; considérant que, selon le Président de la Knesset, le tribunal du district de Tel-Aviv, siégeant en un collège de trois juges, a rendu un jugement circonstancié et complet statuant que ces arguments étaient infondés; qu'en particulier, il n'a pas pu trouver de motif, dans le droit interne ou dans le droit international, pour lequel l'immunité parlementaire assurerait l'impunité pour des crimes tels que ceux dont est accusé M. Barghouti, soit le meurtre et les actes de terrorisme,

notant que, s'agissant du rejet de la demande de mise en liberté provisoire déposée par M. Barghouti, le Président de la Knesset a indiqué que le tribunal du district de Tel-Aviv, avait fondé sa décision du 2 janvier 2003 sur les éléments de preuve qui lui avaient été présentés à l'appui des faits allégués dans l'acte d'accusation et au vu des graves délits dont M. Barghouti était accusé,

considérant que l'avocat de M. Barghouti s'est retiré, à la demande de ce dernier, après le rejet de la demande de mise en liberté provisoire, afin de " ne pas être complice de cette parodie de justice "; que le tribunal a alors commis un avocat d'office, qui a refusé de plaider au motif, expliquant que M. Barghouti refusait de coopérer avec les autorités judiciaires israéliennes; que le Président du tribunal a néanmoins imposé la présence d'un avocat commis d'office,

considérant que, selon les rapports de l'observateur du procès, aucun des témoins de l'accusation, tous Palestiniens, n'a jusqu'à présent chargé M. Barghouti et apporté la preuve que celui-ci était mêlé aux actes dont il est accusé; qu'au contraire, certains d'entre eux reviennent sur leurs " aveux ", disant que ceux-ci ont été obtenus sous la contrainte, d'autres déclarent qu'ils ont été obligés de signer des documents en hébreu qu'ils ne comprenaient pas et d'autres encore saisissent cette occasion pour dénoncer la politique d'Israël dans les territoires occupés; que de plus, selon l'une des sources, la Cour a, le 6 avril 2003, accepté comme témoignage de M. Barghouti un rapport écrit par les services de renseignements israéliens que M. Barghouti avait refusé de signer; considérant aussi que, lors des premières audiences, le public présent dans la salle manifestait de l'hostilité, traitant M. Barghouti " d'assassin, de terroriste "; et notant à ce sujet que des personnalités publiques, en particulier le conseiller juridique du gouvernement israélien, M. Elyakim Rubinstein, aurait qualifié publiquement M. Barghouti de " chef terroriste ",

considérant que, au vu des points de vue très divergents des autorités et des sources sur la situation de M. Barghouti, en particulier sur ses conditions de détention, le Comité a décidé d'effectuer une mission in situ et a demandé l'accord des autorités israéliennes; que le 9 juillet 2003, le Président de la Knesset a déclaré que " malheureusement, si les représentants du Comité rendaient officiellement visite à l'accusé en prison, cela serait interprété comme une enquête sur les conditions de détention, et nous ne pouvons donc pas accéder à cette requête "; qu'il a réitéré cette position le 29 juillet 2003,

sachant qu'Israël est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et tenu, à ce titre, de respecter les droits et libertés qui y sont consacrés, notamment le droit de ne pas être soumis à la torture et à de mauvais traitements, le droit de ne pas faire l'objet d'arrestation et de détention arbitraires et le droit aux garanties d'une procédure équitable; se référant à ce sujet aux observations finales du Comité des droits de l'homme sur le deuxième rapport périodique d'Israël en date du 21 août 2003 (CCPR/CO/78/ISR) et à sa crainte quant au " recours à la détention prolongée sans possibilité de consulter un avocat ou de communiquer avec d'autres personnes de l'extérieur " et certaines méthodes d'interrogatoire,

  1. remercie le Président de la Knesset des informations qu'il a fournies et de sa coopération;

  2. exprime sa vive préoccupation devant les allégations persistantes concernant les conditions de détention de M. Barghouti et leurs conséquences sur sa santé; regrette que la mission proposée n'ait pas pu être effectuée, les autorités israéliennes refusant de la laisser rencontrer M. Barghouti; considère qu'il n'a donc aucun élément propre à dissiper ses craintes;

  3. souligne qu'il est désormais établi que les droits de l'homme, notamment le droit d'être traité avec humanité en détention et de voir respecter son intégrité personnelle et physique, sont des sujets de préoccupation internationaux et qu'il incombe à la communauté internationale d'en garantir le respect; fait observer que cette doctrine internationale est confirmée notamment par l'adoption récente par l'Assemblée générale des Nations Unies du Protocole facultatif de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui prévoit, pour les centres de détention, des organes internationaux de visite;

  4. rappelle que, dans l'arrêt qu'elle a rendu dans l'affaire de la Commission publique contre la torture en Israël contre l'Etat d'Israël, la Cour suprême israélienne a statué que " si le suspect est privé intentionnellement de sommeil pendant une période prolongée, dans le but de l'épuiser ou de briser sa résistance, cette privation de sommeil n'entre pas dans le cadre d'une enquête régulière et raisonnable ";

  5. souhaiterait recevoir en hébreu, à défaut d'une traduction anglaise, copie de l'arrêt de la Haute Cour récusant la plainte de M. Barghouti pour mauvais traitements et privation de sommeil;

  6. note que, si le Président de la Knesset s'est aimablement proposé de fournir, en hébreu, le texte complet du jugement du tribunal du district de Tel-Aviv sur la question des arguments préliminaires, en particulier sur la compétence du tribunal pour juger M. Barghouti, il manque encore d'informations sur les motifs légaux invoqués par le tribunal pour se déclarer compétent; souhaiterait recevoir l'exposé de ces motifs;

  7. engage la Knesset, en sa qualité de gardien des droits de l'homme, à veiller à ce que les droits de M. Barghouti soient pleinement respectés en détention et pendant son procès;

  8. note que, dans sa lettre du 9 juillet 2003, le Président de la Knesset a proposé de faire en sorte que la délégation du Comité qui devait effectuer la mission assiste à une audience du tribunal; considère cette présence importante et décide d'envoyer un observateur aux prochaines audiences du tribunal; charge le Secrétaire général de prendre les mesures nécessaires à cette fin;

  9. charge le Secrétaire général de porter cette résolution à l'attention du Président de la Knesset et des sources;

  10. prie le Comité des droits de l'homme des parlementaires de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session qui se tiendra à la faveur de la 110ème Assemblée.


Note : vous pouvez télécharger une version électronique du texte intégral de la brochure "Résultats de la 109ème Assemblée de l'UIP et réunions connexes" au format PDF (taille du fichier environ 675K). Cette version nécessite Adobe Acrobat Reader que vous pouvez télécharger gratuitement.Get Acrobat Reader

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