IPU Logo-top>>> ENGLISH VERSION  
 IPU Logo-middleUnion interparlementaire  
IPU Logo-bottomChemin du Pommier 5, C.P. 330, CH-1218 Le Grand-Saconnex/Genève, Suisse  

CAMBODGE
CAS N° CMBD/14 - CHEAM CHANNY
Résolution adoptée à l'unanimité par le Conseil directeur
à sa 177ème session (Genève, 19 octobre 2005)


Le Conseil directeur de l'Union interparlementaire,

saisi du cas de M. Cheam Channy, membre de l'Assemblée nationale du Cambodge, qui a fait l'objet d'une étude et d'un rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires conformément à la " Procédure d'examen et de traitement, par l'Union interparlementaire, de communications relatives à des violations des droits de l'homme dont sont victimes des parlementaires ",

prenant note du rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/177/11a)-R.1), qui contient un exposé détaillé du cas,

tenant compte de l'audition des membres de la délégation cambodgienne que le Comité a tenue durant la 113ème Assemblée,

considérant ce qui suit :

  • Le 23 juillet 2004, le Service de renseignement des forces armées royales du Cambodge a demandé au Président de l'Assemblée nationale d'engager une procédure contre M. Cheam Channy, parlementaire de l'opposition, membre du parti Sam Rainsy (PSR), pour l'empêcher de s'ingérer dans les activités de l'armée. Le service en question l'accusait de tenter de lever une armée illégale. Le 3 février 2005, l'Assemblée nationale a voté la levée de l'immunité de M. Cheam Channy et celle de deux autres parlementaires pour qu'ils puissent répondre de charges relatives à la sécurité de l'Etat.

  • Selon le PSR, la levée de l'immunité parlementaire de M. Cheam Channy, traitée en urgence, a violé plusieurs règles : le point en question a été ajouté à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale en violation de l'article 53 du règlement intérieur; le vote a eu lieu à main levée, ce qui était contraire à l'article 40; de plus, les membres du corps diplomatique et les médias ont été priés de quitter la salle avant le vote, après quoi, les points concernant la levée de l'immunité parlementaire ont été ajoutés à l'ordre du jour et le vote a eu lieu; l'Assemblée a alors été suspendue. Selon les autorités parlementaires, la procédure a respecté les règles en vigueur : la Commission permanente de l'Assemblée a dûment délibéré sur la question, qui était inscrite à son ordre du jour depuis longtemps; conformément à l'article 52 du règlement intérieur, le point de l'ordre du jour a été ajouté à la demande du Président de l'Assemblée qui, conformément à l'Article 88, paragraphe 2 de la Constitution, a souhaité que la décision soit prise à huis clos; après avoir entendu le Ministre de la justice, une majorité de membres de l'Assemblée nationale dépassant largement la majorité requise des deux tiers a alors voté en faveur de la levée de l'immunité. La délégation cambodgienne à la 112ème Assemblée de l'UIP a précisé que la Commission permanente n'avait pas entendu M. Cheam Channy.

  • S'agissant de l'accusation, les sources affirment que M. Cheam Channy est membre du gouvernement fantôme constitué par l'opposition suivant l'exemple d'autres démocraties. Plus précisément, il en était le Ministre de la défense et, en tant que tel, suivait les activités de l'armée. Lors des entretiens qu'a eus avec eux le Secrétaire général lors de sa mission au Cambodge (septembre 2004), le Premier Ministre Hun Sen et le Prince Ranariddh, Président de l'Assemblée nationale, ont tous deux reconnu qu'un parlementaire ne pouvait pas être poursuivi pour des actes commis dans l'exercice de ses fonctions de parlementaire. Le Premier Ministre a déclaré que M. Cheam Channy avait confié des tâches spécifiques à des membres actifs des forces armées et que cela avait irrité l'officier de l'armée qui commandait la région concernée. S'il estimait que ce n'était pas là la manière appropriée de mener une action politique, il a aussi déclaré qu'il n'était pas pour autant favorable à la levée de l'immunité de M. Cheam Channy. Il a ajouté qu'il avait démis de ses fonctions le commandant qui avait porté plainte contre M. Cheam Channy.

  • M. Cheam Channy a été arrêté le soir du 3 février 2005 après s'être vu décerner de manière expéditive un mandat d'arrêt par le Bureau du Procureur militaire et a été accusé d'infraction à la loi de 1997 sur les partis politiques, qui interdit " la levée de forces armées ". La Cour d'appel de Phnom Penh a rejeté sa demande de libération sous caution le 21 mars 2005. Selon le PSR, l'arrestation et la détention de M. Cheam Channy sont contraires à la loi. Premièrement, les tribunaux militaires sont compétents uniquement pour juger de délits commis par le personnel militaire, ce qui n'est visiblement pas le cas de M. Cheam Channy. Deuxièmement, le mandat d'arrêt a été décerné illégalement par le Bureau du Procureur militaire car il aurait dû l'être par le juge d'instruction. De plus, il a été décerné sans que la procédure habituelle soit respectée puisque, selon elle, l'accusé doit d'abord comparaître devant le Procureur pour être interrogé. Cependant, selon les autorités, les tribunaux militaires sont compétents pour juger des civils si des questions touchant à l'armée sont en jeu.

  • Le 8 août 2005, un tribunal militaire a entendu la cause. Selon des rapports d'observateurs internationaux, l'avocat de la défense a demandé à plusieurs reprises de produire des témoins, ce qui lui a été refusé. De plus, il n'a pu interroger qu'un seul des témoins de l'accusation, dont plusieurs, notamment le témoin clé, ont fourni des informations contradictoires avant et pendant le procès. A ce sujet, la source affirme que tous ces témoins ont été amnistiés et rémunérés pour leur témoignage. L'accusation n'a produit aucune preuve matérielle, si ce n'est les documents du PSR qui ne faisaient qu'indiquer la hiérarchie à l'intérieur du gouvernement fantôme. Le 9 août 2005, le tribunal militaire a condamné M. Cheam Channy à une peine de sept ans d'emprisonnement pour fraude et pour levée illégale d'une armée. Le procès a été largement critiqué, notamment par le Représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU pour les droits de l'homme au Cambodge, pour n'avoir pas respecté, et de loin, les normes d'équité applicables. On ne sait pas si M. Cheam Channy a fait appel.

  • M. Cheam Channy est détenu à la prison militaire de Phnom Penh où il serait isolé dans une cellule exiguë qui n'aurait qu'une petite ouverture dans le toit. Ses collègues parlementaires ont demandé à lui rendre visite mais leurs demandes auraient été refusées. Il n'aurait ni lecture ni papier pour écrire et ne serait autorisé à voir sa femme qu'une heure par semaine. Celle-ci a déclaré à plusieurs reprises que l'état de santé de M. Cheam Channy se dégradait rapidement et nécessitait un traitement médical. Selon les informations fournies par la délégation cambodgienne à la 113ème Assemblée, M. Cheam Channy a des livres et des journaux à sa disposition. Une sous-commission de la Commission de la loi et de la justice examine ses conditions de détention, et un membre de cette Commission, ainsi que des juristes, lui a rendu visite. La délégation s'est engagée à envoyer le rapport correspondant,
sachant enfin que le Représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU, dans ses rapports à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, n'a cessé de s'inquiéter du manque d'indépendance et d'impartialité de la justice cambodgienne, tout récemment encore dans son rapport E/CN.4/2005/116, et a fait des recommandations pour remédier à cette situation,
  1. remercie la délégation du Cambodge des informations communiquées;

  2. se dit vivement préoccupé de ce que M. Cheam Channy ait été condamné à l'issue d'un procès qui, selon le jugement unanime de la communauté internationale, a été loin de réunir les garanties d'équité que le Cambodge, en qualité de partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, est tenu de respecter;

  3. exprime également sa préoccupation devant la procédure de levée de l'immunité parlementaire de M. Cheam Channy, d'autant qu'il ne lui a été laissé aucune chance de présenter sa défense; souligne que le droit de se défendre contre les accusations est un des piliers d'une procédure équitable et regrette donc vivement que l'Assemblée nationale, en particulier sa Commission permanente, n'ait rien fait pour permettre à M. Cheam Channy d'exercer ce droit;

  4. rappelle à ce sujet que l'immunité parlementaire a pour but de protéger les parlementaires contre des poursuites ou accusations pouvant être dénuées de fondement ou motivées par des considérations politiques, et de garantir ainsi leur indépendance et, partant, l'indépendance du Parlement lui-même vis-à-vis des autres pouvoirs de l'Etat;

  5. note avec préoccupation les allégations relatives aux conditions de détention de M. Cheam Channy, et attend avec impatience de recevoir le rapport de la Commission parlementaire qui suit l'affaire;

  6. note que, selon la délégation cambodgienne, M. Cheam Channy conserve son mandat parlementaire de sorte que ses électeurs sont actuellement sans représentant; engage donc les autorités à répondre aux appels lancés par le Représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU pour le Cambodge pour qu'elles libèrent M. Cheam Channy et lui permettent ainsi de reprendre son siège au Parlement;

  7. considère qu'une mission sur place contribuerait à un règlement de ce cas et charge le Secrétaire général de prendre les mesures nécessaires à cette mission du Comité;

  8. charge le Secrétaire général d'en informer les autorités et les sources;

  9. charge le Comité de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session, qui se tiendra à la faveur de la 114ème Assemblée de l'UIP (mai 2006), à la lumière des résultats de la mission qui, comme il l'espère, aura eu lieu.
Note : vous pouvez télécharger une version électronique du texte intégral de la brochure "Résultats de la 113ème Assemblée de l'UIP et réunions connexes" au format PDF (taille du fichier environ 670k). Cette version nécessite Adobe Acrobat Reader que vous pouvez télécharger gratuitement.Get Acrobat Reader

PAGE D'ACCUEILred cubeDROITS DE L'HOMMEred cubeDOMAINES D'ACTIVITESred cubeSTRUCTURE ET DOCUMENTS