COLOMBIE
CAS N° CO/142 - ALVARO ARAÚJO CASTRO |
Résolution adoptée à l'unanimité par le Conseil directeur
à sa 186ème session (Bangkok, 1er avril 2010)
Le Conseil directeur de l'Union interparlementaire,
saisi du casde M. Alvaro Araújo Castro, ancien membre du Congrès colombien, qui a fait l'objet d'une étude et d'un rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires, conformément à la "Procédure d'examen et de traitement, par l'Union interparlementaire, de communications relatives à des violations des droits de l'homme dont sont victimes des parlementaires",
prenant note du rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires qui contient un exposé détaillé du cas (CL/186/12b)‑R.1), et saisi du rapport écrit de la mission effectuée en Colombie du 22 au 24 août 2009 (CL/186/12b)‑R.2) pour faire entendre les préoccupations du Comité dans ce cas et dans les autres cas colombiens et de parvenir à une meilleure compréhension du contexte politique et juridique dans lequel ils s'inscrivent; saisi aussi de l'analyse de l'expert en droit, M. Alejandro Salinas, qui a été mandaté par le Comité pour examiner la question du respect du droit à un procès équitable dans le cas de M. Araújo,
considérant les éléments ci-après quant à la procédure visant M. Araújo :
- le 15 février 2007, la Cour suprême a rendu des ordonnances de placement en détention contre M. Araújo Castro et cinq autres membres du Congrès des départements du César et de Magdalena, en rapport avec des accusations d'association de malfaiteurs et de pressions électorales; les cinq autres personnes ont été condamnées sur la base de leurs aveux, de communications téléphoniques avec ou entre des paramilitaires et d'une analyse des résultats électoraux; M. Araújo affirme qu'il n'y a pas de preuve contre lui et que son dossier aurait dû être dissocié de celui des autres prévenus; il a aussi été inculpé de participation à un enlèvement qualifié à des fins d'extorsion, accusation qui par la suite a été abandonnée;
- le 27 mars 2007, n'ayant pas d'autre moyen pour s'assurer que son cas serait traité séparément, M. Araújo a renoncé à son siège au Congrès, à la suite de quoi son dossier a été transmis à la justice ordinaire, ce qui fait que l'enquête est entre les mains du Parquet et que le procès relève d'un tribunal ordinaire, avec possibilité d'appel; en conséquence, le 18 avril 2007, la Cour suprême s'est déclarée incompétente pour poursuivre l'examen de son dossier, qui a été transmis au Service délégué du Parquet;
- l'enquête s'est achevée le 18 juillet 2007 et, le 22 août 2007, M. Araújo a été officiellement inculpé; durant le procès, la Procuraduría a insisté sur le fait qu'il n'y avait pas de preuves documentaires liant M. Araújo Castro aux paramilitaires de son département et a requis sa relaxe; lors d'une audition tenue début mai 2009, le Parquet a requis auprès du deuxième juge spécialisé de Bogotá la condamnation de M. Araújo pour association de malfaiteurs et fraude électorale, au motif que, bien que n'ayant pas participé aux opérations militaires et n'appartenant pas à une organisation paramilitaire, ses accointances politiques avaient de fait accru ses chances d'être élu lorsque les paramilitaires avaient la mainmise sur le César;
- ce n'est que le 15 juillet 2009, malgré des délais légaux très stricts, que M. Araújo s'est vu accorder la possibilité de présenter sa défense; le 23 juillet 2009, après être passée par toutes les étapes de la procédure et avoir terminé les auditions publiques, la Cinquième chambre du Circuit spécialisé de Bogotá a décidé de déposer le dossier pour décision, disposant de 15 jours pour ce faire; cependant, le 1er septembre 2009, la Cour suprême a statué que les cas de parlementaires mis en examen et ayant renoncé à leur siège ne pouvaient être examinés que par elle seule; la magistrate titulaire de la Cinquième chambre du Circuit spécialisé, Mme Patricia Ladino Gaitán, a décidé le 15 septembre 2009 de renvoyer l'affaire devant la Cour suprême, qui, par décision du même jour, s'est dite compétente dans l'affaire de M. Araújo, déclarant, entre autres, qu'il y avait des zones (dans les départements de Magdalena et du César) où la population était contrainte sous la menace de soutenir certains candidats, comme le montraient les pourcentages élevés de voix recueillis par certaines listes politiques paramilitaires, comme dans le cas du sénateur Alvaro Araújo; l'avocat de la défense a formé un recours auprès de la chambre de cassation pénale de la Cour suprême tandis que la Procuraduría a demandé l'annulation de la décision du juge de la Cinquième chambre du Circuit spécialisé; par décision du 1er octobre 2009, la Cour suprême a opposé une fin de non‑recevoir à la demande d'annulation et, le 21 octobre 2009, elle a décidé de ne pas faire droit à la demande de M. Araújo tendant à ce que sa défense puisse être entendue dans ce tribunal, par un juge titulaire, la Cour estimant que cette possibilité avait déjà été épuisée avec la Cinquième chambre du Circuit spécialisé,
- le 18 mars 2010, la Cour suprême a reconnu M. Araújo coupable, sans lui donner la possibilité de se faire entendre, et l'a condamné à une peine d'emprisonnement deneuf ans et quatre mois, et à une amende de 7 222,15 fois le salaire mensuel colombien; la Cour a estimé que M. Araújo faisait partie de la hiérarchie du groupe paramilitaire dans son département et a ordonné au Parquet de le mettre en examen; elle a aussi décidé de mettre en examen la Procureure qui avait prononcé un non-lieu concernant les accusations d'enlèvement portées contre M. Araújo, considérant qu'elle n'avait pas dûment tenu compte de toutes les preuves; la source craint qu'en s'en prenant à la Procureure, la Cour suprême ait la possibilité, si la Procureure est tenue pénalement responsable, de relancer les accusations d'enlèvement,
considérant que M. Araújo a toujours affirmé qu'il n'y avait pas de preuve à l'appui des accusations portées contre lui et a fait remarquer que l'analyse des résultats de son élection confirmait qu'il n'avait pas besoin du soutien des paramilitaires, qu'il n'en avait pas bénéficié et qu'il avait, à plusieurs reprises, pris publiquement position contre eux; qu'il affirme à ce sujet que, le 1er octobre 2000, il a été la cible d'une attaque dans le sud du César, dont deux témoins ont dit qu'elle était liée à une déclaration qu'il avait faite lors d'une réunion de conseil municipal contre les groupes paramilitaires,
considérant que, suite à deux accidents vasculaires cérébraux en 2007, M. Araújo a dû être emmené d'urgence de la prison La Picota où il était incarcéré à une clinique de Bogotá; que le 22 novembre 2007, le Parquet a modifié sa peine en assignation à résidence pour raisons de santé; que M. Araújo a été immédiatement ramené à La Picota après sa condamnation, le 18 mars 2010,
tenant compte de la communication du Président de la Cour suprême, datée du 9 décembre 2009, dans laquelle celui-ci soulignait que les procédures visant des membres du Congrès sont régies par la Constitution et par les lois, mais ne faisait part d'aucun commentaire détaillé sur les préoccupations soulevées en l'espèce,
- est vivement préoccupé de ce que M. Araújo ait été reconnu coupable à l'issue d'un procès contraire aux principes fondamentaux d'équité; fait pleinement siennes les conclusions détaillées de l'expert en droit mandaté par le Comité mais ne peut se ranger à l'avis exprimé par le Président de la Cour suprême quant à l'équité de la procédure visant M. Araújo;
- s'inquiète donc particulièrement de ce que M. Araújo ne puisse contester le jugement en appel, d'autant plus que sa condamnation semble reposer principalement sur des témoignages de chefs paramilitaires démobilisés et des suppositions relatives aux résultats de son élection et aux activités et mouvements des paramilitaires dans le département du César; craint que M. Araújo ne se heurte à nouveau au même vice de procédure dans la nouvelle enquête ouverte sur l'ordre de la Cour suprême; craint aussi que la Procureure qui a jugé sans objet les accusations d'enlèvement ne soit elle-même mise en examen; souhaiterait recevoir des informations sur les bases légales d'une telle initiative et souhaite connaître les faits sur lesquels repose la mise en examen au pénal des parents de M. Araújo;
- affirme que plusieurs des préoccupations graves concernant le respect des garanties d'une procédure équitable en l'espèce sont inhérentes à la procédure actuellement applicable aux actions pénales intentées aux membres du Congrès colombien et vont donc au-delà du seul cas de M. Araújo;
- engage les autorités colombiennes, en particulier le nouveau Congrès colombien, à prendre des mesures en vue de réviser cette procédure pour la rendre pleinement compatible avec les principes fondamentaux d'un procès équitable, notamment le droit de recours et la non‑discrimination envers les parlementaires; affirme que l'UIP reste disposée à contribuer à faire avancer le débat public en Colombie sur cette question délicate et complexe;
- charge le Secrétaire général de communiquer cette résolution aux autorités colombiennes compétentes et à la source;
- charge le Comité de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session, qui se tiendra durant la 123ème Assemblée de l'UIP (octobre 2010).
Note : vous pouvez télécharger une version électronique du texte intégral de la brochure "Résultats de la 122ème Assemblée de l'UIP et réunions connexes" au format PDF (taille du fichier environ 716 Ko). Cette version nécessite Adobe Acrobat Reader que vous pouvez télécharger gratuitement. | |
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