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MALAISIE
CAS N° MAL/15 - ANWAR IBRAHIM

Résolution adoptée par consensus par le Conseil directeur *
à sa 186ème session (Bangkok, 1er avril 2010)

Le Conseil directeur de l'Union interparlementaire,

saisi du casde M. Anwar Ibrahim, membre en exercice du Parlement de Malaisie, qui a fait l'objet d'une étude et d'un rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires, conformément à la "Procédure d'examen et de traitement, par l'Union interparlementaire, de communications relatives à des violations des droits de l'homme dont sont victimes des parlementaires",

rappelant ce qui suit : M. Anwar Ibrahim, Ministre des finances de 1991 à 1998 et Vice‑Premier Ministre de décembre 1993 à septembre 1998, a été démis de ses deux fonctions en septembre 1998 et arrêté pour abus de pouvoir et sodomie; il a été reconnu coupable des deux chefs d'inculpation et condamné, en avril 1999 et en août 2000 respectivement, a une peine d'emprisonnement totale de 15 ans; le 2 septembre 2004, la Cour fédérale a annulé la condamnation dans l'affaire de sodomie et a ordonné la libération de M. Anwar Ibrahim, qui avait déjà purgé sa peine dans l'affaire d'abus de pouvoir; M. Anwar Ibrahim s'est vu interdire d'exercer des fonctions dans un parti politique et de se porter candidat aux élections jusqu'au 14 avril 2008; un recours en grâce formé en mai 2005 par un groupe de citoyens malaisiens n'a jamais été examiné; M. Anwar Ibrahim a toutefois pu faire campagne pour le Parti Kaedilan Rakyat (PKR - Parti de la justice nationale), dirigé par sa femme, Mme Wan Azizah, aux élections du 8 mars 2008, lors desquelles les partis de l'opposition ont recueilli 47,8 pour cent des suffrages à l'échelon national et privé pour la première fois la coalition au pouvoir de la majorité des deux tiers requise pour amender la Constitution; rappelant aussi que l'UIP est parvenue à la conclusion que les poursuites engagées contre M. Anwar Ibrahim avaient été motivées par des considérations étrangères au droit et que l'affaire reposait sur une présomption de culpabilité,

considérant que réélu le 26 août 2008, M. Anwar Ibrahim est de fait depuis cette date le leader de l'opposition rassemblée dans l'Alliance du peuple (Pakatan Rakyat),

considérant les éléments suivants : le 28 juin 2008, Mohammed Saiful Bukhari Azlan, ancien assistant d'Anwar Ibrahim, a porté plainte contre lui en l'accusant de l'avoir sodomisé de force dans un appartement privé d'un immeuble en copropriété; lorsqu'on a relevé qu'Anwar Ibrahim, qui avait 61 ans au moment du prétendu viol et souffrait beaucoup de son dos, n'était pas de taille à violer un jeune homme sain et vigoureux de 24 ans, la plainte a été révisée dans le sens de rapports homosexuels obtenus par persuasion; arrêté le 16 juillet 2008, Anwar Ibrahim a été libéré le lendemain et formellement inculpé le 6 août 2008 au titre de la section 377b du code pénal malaisien qui réprime les "relations sexuelles contre nature" d'une "peine d'emprisonnement maximale de 20 ans, assortie de coups de fouet"; Anwar Ibrahim a plaidé non coupable et a, selon la source, un solide alibi pour le jour et l'heure indiqués dans l'acte d'accusation; s'il est reconnu coupable, il sera également forcé d'abandonner son siège au Parlement; même s'il n'était condamné qu'à une journée d'emprisonnement, ou à une amende de 2 000 RM (600 dollars E.-U.) ou plus, il serait inéligible pour cinq ans,

considérant les vices de procédure et autres faits qui se sont produits avant et pendant l'instruction :

  • Saiful a déclaré au tribunal qu'il n'avait été examiné que 52 heures après les prétendus faits et le premier médecin de l'hôpital Pusrawi (Pusat Rawatan Islam) a attesté que l'examen n'avait révélé aucun indice de pénétration anale; quelque deux heures plus tard, Saiful s'est rendu à l'hôpital de Kuala Lumpur qui est un hôpital public et où trois spécialistes ont signé un rapport dont les conclusions étaient les mêmes;

  • le premier rapport d'information du plaignant à la police n'a pas été communiqué à l'avocat d'Anwar Ibrahim pendant des mois, ce qui lui laissait craindre une altération des preuves, en particulier des échantillons d'ADN; de plus, il a été confirmé que Saiful s'était rendu au bureau et au domicile de M. Najib Tun Razak, Vice-Premier Ministre d'alors, quelques jours avant qu'il ne porte ces accusations, rencontre que M. Najib a commencé par nier; la veille du jour où il a porté plainte pour sodomie, Saiful a également rencontré en privé un officier de police de haut rang, Rodwan Yusof, dans un hôtel;

  • l'équipe du ministère public est pour l'essentiel la même que lors de la première affaire de sodomie; le Procureur général, Abdul Gani Patail, était alors le procureur principal; accusé d'avoir fabriqué des preuves dans l'affaire de sodomie, il a été mis en examen par les services anticorruption malaisiens;

  • les avocats d'Anwar Ibrahim n'ont pas eu accès à des échantillons d'ADN avant le procès; la Cour d'appel a rendu le 29 janvier 2010 un arrêt infirmant la décision du tribunal de grande instance qui avait estimé qu'il pouvait avoir accès aux preuves essentielles, médicales et autres, détenues par le ministère public; un appel interjeté devant la Cour fédérale en l'espèce a été rejeté pour des raisons de procédure; Anwar Ibrahim s'est vu également refuser l'accès aux déclarations du plaignant et des principaux témoins à charge, aux attestations des médecins qui avaient examiné Saiful et aux bandes originales du système de surveillance en circuit fermé de l'immeuble en copropriété correspondant à l'heure des faits allégués, entre autres pièces à conviction;

  • Utusan Malaysia, journal que détient l'UMNO (United Malays National Organization - Organisation nationale malaise unie), le principal parti de la coalition au pouvoir, a publié des informations mensongères recueillies alors que le tribunal se rendait in camera sur les lieux du prétendu délit pour établir les faits; de plus, en mars 2009, le Procureur général, Abdul Gani Patail, a signé le document nécessaire au transfert de l'affaire d'un tribunal d'instance à un tribunal de grande instance, bien que le Premier Ministre, M. Abdullah Badawi, ait initialement assuré qu'Abdul Gani ne serait en aucun cas saisi de l'affaire d'Anwar Ibrahim; à l'époque où il a pris cette décision, Abdul Gani était en examen, accusé d'avoir fabriqué des preuves contre Anwar Ibrahim dans l'affaire de sodomie de 1998,
considérant les informations suivantes concernant le procès :
  • le 1er décembre 2009, le tribunal de grande instance a fixé les dates du procès d'Anwar Ibrahim à la période du 25 janvier au 25 février 2010; la défense a demandé un report du procès au tribunal de grande instance et à la Cour fédérale qui l'a déboutée et a examiné, le 20 janvier 2010, un appel en instance sur deux demandes incidentes (demande d'accès au dossier avant le procès et d'abandon des charges); tout en réservant son jugement sur la demande d'accès au dossier, la Cour fédérale a ordonné l'ouverture du procès principal pour le 2 février 2010; en même temps, elle a fixé au 29 janvier la date du jour où elle rendrait son arrêt sur l'appel de la défense concernant l'accès au dossier avant le procès et à des échantillons bruts à soumettre à des examens indépendants; un autre appel de la défense demandant à la justice d'abandonner les charges était en instance; selon la défense, on n'avait jamais vu auparavant le procès d'une affaire s'ouvrir alors que des appels étaient en instance devant des juridictions supérieures dont les arrêts auraient sur lui un retentissement direct;

  • le second procès d'Anwar Ibrahim pour sodomie s'est finalement ouvert le 2 février; le tribunal a rejeté une requête de la défense qui demandait la suspension du procès principal tant que la justice n'aurait pas statué sur les appels en instance; il s'est également prononcé contre la communication à l'accusé d'une liste des témoins à charge; la défense a introduit une requête afin que le juge se récuse, requête que le juge a rejetée le 18 février 2010, et la défense a décidé de retirer cet appel le 16 mars 2010; le 25 mars 2010, le calendrier des audiences a été fixé; le seul témoignage entendu pendant cette première phase a été celui du plaignant,
sachant que la loi réprimant les actes homosexuels remonte à la colonisation britannique en Inde et a été adoptée par les anciennes colonies britanniques; que Singapour a dépénalisé l'homosexualité l'an dernier et que la Haute Cour de Delhi, en annulant une condamnation en 2009 lorsque les actes concernent des adultes consentants, a de fait dépénalisé aussi l'homosexualité; notant que ce nouveau procès d'Anwar Ibrahim pour sodomie a été très largement critiqué et vu comme une manœuvre visant à ruiner la carrière politique d'Anwar Ibrahim,
  1. est vivement préoccupé par les nouvelles accusations de sodomie portées contre Anwar Ibrahim et par le procès qui lui est intenté et qui semble être entaché des mêmes vices que le premier procès pour sodomie, il y a sept ans, dans lequel il a été acquitté en dernière instance;

  2. est d'avis qu'à la lumière des deux rapports médicaux qui concluent à l'absence de signes physiques de pénétration, les charges n'auraient jamais dû être retenues et devraient maintenant être abandonnées;

  3. est de plus alarmé de constater que des membres de l'équipe du ministère public saisis du premier procès pour sodomie, dont le procureur principal devenu procureur général, qui a même été accusé d'avoir fabriqué des preuves contre Anwar Ibrahim, sont de nouveau à l'œuvre dans le procès actuel, et que les avocats d'Anwar Ibrahim n'ont pas pu avoir accès au dossier de l'accusation comme ils en ont le droit, ce qui a entravé la préparation de la défense;

  4. rappelle fermement que l'égalité des armes entre l'accusation et la défense est un des principes essentiels d'un procès équitable et que, si la défense ne peut pas exercer ses droits, le jugement du tribunal, quel qu'il soit, est entaché d'un vice de fond;

  5. charge le Secrétaire général de prendre les dispositions nécessaires pour qu'un observateur assiste aux prochaines audiences du procès;

  6. charge le Secrétaire général de communiquer cette résolution aux autorités parlementaires malaisiennes;

  7. charge le Comité de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session, qui se tiendra durant la 123ème Assemblée de l'UIP (octobre 2010).

La délégation de la Malaisie a émis des réserves sur la résolution.
Note : vous pouvez télécharger une version électronique du texte intégral de la brochure "Résultats de la 122ème Assemblée de l'UIP et réunions connexes" au format PDF (taille du fichier environ 716 Ko). Cette version nécessite Adobe Acrobat Reader que vous pouvez télécharger gratuitement.Get Acrobat Reader

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