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BÉLARUS
CAS N° BLS/05 - VICTOR GONCHAR

Résolution adoptée à l'unanimité par le Conseil directeur
à sa 188ème session (Panama, 20 avril 2011)

Le Conseil directeur de l'Union interparlementaire,

se référant au cas de M. Victor Gonchar, membre du treizième Soviet suprême du Bélarus qui a disparu avec un ami, M. Anatoly Krasovsky, le 16 septembre 1999, exposé dans le rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/188/13b)‑R.1), et à la résolution qu'il a adoptée à sa 187ème session (octobre 2010),

tenant compte des lettres datées du 6 décembre 2010 et du 2 mars 2011, adressées par les présidents de la Commission de la sécurité nationale et de la Commission des affaires internationales et des relations avec la Communauté d'Etats indépendants (CEI),

rappelant ce qui suit :

  • l'enquête sur la disparition, le 16 septembre 1999, de M. Victor Gonchar et de son ami Anatoly Krasovsky, après qu'ils eurent été enlevés de force, n'a pas abouti et les autorités ont toujours réfuté les conclusions d'un rapport de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur les disparitions présumées politiques au Bélarus (rapport Pourgourides) qui apporte des preuves permettant d'établir un lien entre de hauts responsables et la disparition de MM. Gonchar et Krasovsky; parmi les preuves réunies par M. Pourgourides figure un document manuscrit du général Lapatik, alors chef de la police, dont les autorités bélarussiennes ont reconnu l'authenticité et dans lequel le général Lapatik accuse M. V. Sheyman, alors secrétaire du Conseil de sécurité bélarussien, d'avoir ordonné l'exécution de M. Zakharenko, ancien Ministre de l'intérieur; selon le rapport, cet ordre a été exécuté par un groupe spécial (l'unité SOBR) placé sous le commandement du colonel Pavlichenko avec l'aide de M. Sivakov, alors Ministre de l'intérieur, qui a fourni au colonel Pavlichenko l'arme de service utilisée pour les exécutions, temporairement empruntée à la prison SIZO-1; la méthode suivie pour exécuter MM. Gonchar et Krasovsky aurait été la même;

  • selon les résultats de l'enquête initiale des autorités bélarusiennes, MM. Gonchar et Krasovsky ont été enlevés de force par un corps armé organisé et emmenés en voiture dans un lieu dont le nom n'a pas été révélé; les traces de sang découvertes sur les lieux du crime se sont révélées être le sang de M. Gonchar; on a trouvé des personnes qui avaient assisté à l'enlèvement; en novembre 2000, lorsque les médias ont annoncé que de hauts responsables de l'Etat pourraient être impliqués, le Procureur général, le Président du KGB et son adjoint, ainsi que des personnes qui avaient participé à l'enquête, ont été relevés de leurs fonctions et M. Sheyman*, alors principal suspect dans cette affaire, a été nommé Procureur général; selon la source, à partir de ce moment-là, l'enquête s'est enlisée, et deux volumes ont disparu du dossier de l'enquête;

  • les autorités bélarussiennes n'ont cessé de répéter que, bien que toutes les pistes d'enquête possibles aient été suivies et malgré des investigations fouillées, celles-ci n'aboutissaient à aucun résultat tangible; que cependant, l'affaire n'était pas classée et l'instruction était régulièrement prolongée; les sources craignent que l'instruction préliminaire ne soit prolongée automatiquement sans qu'il y ait la moindre investigation et que cet état de choses ne se prolonge jusqu'à l'expiration du délai de prescription qui est de 15 ans à partir de la commission du crime;

  • dans une lettre du 18 juin 2010, les présidents de la Commission de la sécurité nationale et de la Commission des affaires internationales et des relations avec la CEI ont affirmé que l'hypothèse selon laquelle aucune enquête ne serait menée est retorse et sans fondement car « les autorités de la République du Bélarus tiennent à une enquête objective et qui aille au fond des choses et veulent que soient établies toutes les circonstances de la disparition de MM. Gonchar et Krasovsky, et que les personnes qui y sont mêlées soient traduites en justice »; ils ont toujours affirmé qu'il est fantaisiste et infondé de prétendre, comme l'a fait l'UIP dans sa résolution d'octobre 2010, que les autorités n'ont pas réussi jusqu'à présent à réfuter de manière convaincante les éléments de preuve présentés dans le rapport Pourgourides;

  • Les familles des victimes n'ont reçu que des réponses formelles mais n'ont pas été tenues informées de l'enquête depuis 11 ans, et ce malgré l'article 50, paragraphe 14, du Code de procédure pénale qui dispose que les parties lésées sont en droit de recevoir copie des décisions qui touchent à leurs droits,
considérant qu'en juillet-août 2010, la chaîne russe NTV a diffusé un documentaire intitulé « Le Parrain de la Nation » que l'on a pu voir aussi au Bélarus; que le film portait notamment sur la part prise par les autorités de l'Etat à la disparition d'hommes politiques, dont Victor Gonchar; que le 7 juillet 2010, Anatoly Lebedko, président du Parti civil uni du Bélarus (UCP), formation d'opposition, a demandé au Procureur général d'enquêter sur les allégations avancées dans le documentaire et d'engager des poursuites pénales contre les personnes citées dans le film comme les instigateurs et auteurs des enlèvements et des meurtres; que M. Lebedko n'a reçu à ce jour aucune information sur le sort de sa requête alors que, selon le droit bélarussien, le Parquet général aurait dû y répondre dans un délai d'un mois,

notant que, dans leur lettre du 2 mars 2011, les présidents de la Commission de la sécurité nationale et de la Commission des affaires internationales et des relations avec la CEI ont réitéré qu'en application de la législation applicable (y compris pour ce qui est des mesures d'investigation en cours et des enquêtes criminelles et de leurs résultats), aucun détail d'une enquête en cours ne peut être divulgué, ce qui inclut les informations obtenues dans le cadre de l'enquête sur les circonstances décrites dans des films documentaires russes; rappelant à ce propos que, dans sa résolution d'octobre 2010, le Conseil a affirmé qu'il devrait être de l'intérêt des autorités elles-mêmes de montrer au public, ou tout au moins aux familles des victimes, qu'elles mettent tout en oeuvre pour faire éclater la vérité dans cette affaire très médiatisée et que l'article 198 du Code de procédure pénale autorise la communication des données d'une instruction préliminaire si cela ne porte pas atteinte aux droits et intérêts légitimes des parties à la procédure; que, toutefois, le Parquet général a affirmé que le fait « d'indiquer au public que les autorités font tout leur possible pour révéler la vérité pourrait conduire à la divulgation inappropriée d'informations recueillies dans le cadre de l'enquête »,

considérant que, dans leur lettre du 2 mars 2011, les deux présidents réaffirment que divers scénarios expliquant la disparition de MM. Gonchar et Krasovsky sont examinés et font une fois de plus référence à ce propos à des « actes illicites peut-être liés à leurs activités commerciales »; rappelant que, dans une interview qu'il a donnée le 10 juin 2009 au quotidien russe Zavtra, le Président Loukachenko a déclaré que les meurtres de MM. Gonchar et Krasovsky avaient « un mobile commercial; ils ont dû acheter ou vendre quelque chose et, ayant manqué à leur parole, ils ont été tués, ce qui arrive souvent dans les milieux interlopes; on a récemment retrouvé la trace d'un meurtrier en Allemagne »; que, toutefois, les autorités allemandes ont nié cette affirmation; qu'en outre, Mme Krasovsky a nié que son mari ait eu le moindre problème d'ordre commercial,

notant que Mme Krasovsky et sa fille ont soumis une requête au Comité des droits de l'homme constitué en application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et attendent une décision sur sa recevabilité,

rappelant enfin que, dans leur lettre du 18 juin 2010, les deux présidents de commission ont indiqué que la Chambre des représentants de l'Assemblée nationale n'avait pas le droit de communiquer une évaluation des mesures prises par d'autres instances ou agents de l'Etat (y compris le Parquet) ou des méthodes suivies dans la conduite d'une enquête criminelle, car cela ne relevait pas de sa compétence,

  1. remercie les présidents de la Commission de la sécurité nationale et de la Commission des affaires internationales et des relations avec la Communauté d'Etats indépendants de leur coopération non démentie;

  2. regrette toutefois que les informations qu'ils fournissent ne sont qu'une redite de celles qu'ils ont déjà communiquées et ne répondent pas aux préoccupations qu'il a régulièrement exprimées; souligne que le Comité doit pouvoir compter sur une coopération véritable avec le Parlement, celui-ci devant tenir sérieusement compte des avis qu'il exprime, pour que des progrès puissent être réalisés dans un cas donné;

  3. réaffirme que, si le Parlement ne peut pas commenter une enquête pénale en cours, il est habilité, dans l'exercice de sa fonction de contrôle, à poser aux autorités compétentes des questions à ce propos, en particulier dans la mesure où elles concernent un de ses anciens membres; considère que le Parlement serait habilité à poser des questions au Président Loukachenko à propos des déclarations qu'il a faites quant aux motifs de la disparition de MM. Gonchar et Krasovsky;

  4. exprime sa ferme conviction qu'après 12 ans d'instruction préliminaire, les résultats devraient en être communiqués au public et en tout cas aux familles des victimes, et rappelle à ce propos que l'article 198 du Code de procédure pénale permet sans conteste la divulgation d'informations et ne comprend pas comment la publication d'informations par le Parquet pourrait aboutir à la divulgation inappropriée d'informations;

  5. affirme que le secret dont s'entoure l'enquête, loin de la faciliter, ne fait qu'éveiller le soupçon que les autorités ne sont pas disposées à faire éclater la vérité;

  6. note qu'il ressort de la lettre des deux présidents de commission datée du 2 mars qu'une enquête est en cours sur les éléments présentés dans le documentaire russe à propos des disparitions au Bélarus; se demande donc pourquoi le Parquet général s'est abstenu jusqu'ici de répondre à la demande de M. Lebedko;

  7. réaffirme qu'aucun document ou élément de preuve n'a été produit à l'appui de l'affirmation des autorités selon lesquelles elles auraient réfuté de manière convaincante le rapport Pourgourides et note que le rapport se fonde sur des informations fournies par les autorités initialement chargées d'enquêter sur la disparition; observe en outre que la divulgation de ces informations semble contredire l'affirmation des autorités selon lesquelles aucun résultat de l'enquête ne peut être divulgué;

  8. espère vivement que le Parlement, dans l'exercice de sa fonction de contrôle, veillera à ce que les autorités chargées de l'enquête s'acquittent de leur devoir consistant à mener une enquête efficace et à divulguer des informations conformément à l'article 198 du Code de procédure pénale;

  9. prie le Secrétaire général de communiquer cette résolution à toutes les parties concernées;

  10. charge le Comité de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session, qui se tiendra pendant la 125ème Assemblée de l'UIP (octobre 2011).

Sa nomination ayant été vivement critiquée, notamment dans une déclaration commune publiée sur ce sujet par la Commission des questions juridiques de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et par le Comité des droits de l'homme des parlementaires de l'UIP, M. Sheyman a été ultérieurement relevé de son poste.
Note : vous pouvez télécharger une version électronique du texte intégral de la brochure "Résultats de la 124ème Assemblée de l'UIP et réunions connexes" au format PDF (taille du fichier environ 746 Ko). Cette version nécessite Adobe Acrobat Reader que vous pouvez télécharger gratuitement.Get Acrobat Reader

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