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REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
CAS N° DRC/32 - PIERRE JACQUES CHALUPA

Résolution adoptée par consensus par le Conseil directeur *
à sa 191ème session (Québec, 24 octobre 2012)

Le Conseil directeur de l'Union interparlementaire,

saisi du cas de M. Pierre Jacques Chalupa, ancien membre de l’Assemblée nationale de la République démocratique du Congo arrêté en février 2012 et condamné à quatre ans d’emprisonnement, qui est examiné par le Comité des droits de l’homme des parlementaires depuis sa 137ème session (mars-avril 2012) conformément à la Procédure d’examen et de traitement, par l’Union interparlementaire, de communications relatives à des violations des droits de l’homme dont sont victimes des parlementaires,

se référant aux informations fournies par le Président de l’Assemblée nationale dans sa lettre du 16 octobre 2012 et par la délégation de l’Assemblée nationale entendue par le Comité au cours de la session tenue pendant la 127ème Assemblée de l’UIP à Québec, ainsi qu’aux informations transmises par les sources,

considérant que le Comité des droits de l’homme des parlementaires s’est déclaré compétent pour traiter de ce cas, bien que M. Chalupa n’eût plus la qualité de député au moment de son arrestation, en conformité avec sa jurisprudence habituelle, selon laquelle il se considère compétent pour traiter de mesures arbitraires alléguées à l’encontre d’un parlementaire pour toute la durée légale restante de son mandat lorsque celui-ci a été interrompu de manière arbitraire,

rappelant que, suite à son élection aux élections législatives de 2006, le mandat parlementaire de M. Chalupa et de 17 autres députés avait été invalidé par la Cour suprême de justice en 2007; que le Conseil directeur, saisi du cas de ces 18 députés, avait constaté le caractère arbitraire de cette invalidation; qu’il avait fermement rappelé dans ses résolutions que l’invalidation arbitraire de résultats d’élections viole non seulement le droit des intéressés d’exercer leur mandat parlementaire, mais aussi le droit des électeurs de choisir leurs représentants et qu’il avait considéré que la réparation offerte aux parlementaires ne saurait changer cet état de fait,

considérant les éléments ci-après versés au dossier :

  • M. Chalupa, âgé de 64 ans, a été arrêté le 2 février 2012 puis placé en détention au centre pénitentiaire de rééducation de Kinshasa; des poursuites judiciaires ont été déclenchées à son encontre pour usage de faux en écriture; il lui est reproché d’avoir utilisé une fausse attestation de nationalité délivrée en 2001 par un fonctionnaire pour obtenir un passeport congolais et la carte d’électeur alors qu’il n’avait pas encore obtenu la nationalité congolaise; le fonctionnaire accusé d’avoir produit le faux document et de l’avoir remis à M. Chalupa a été poursuivi conjointement avec ce dernier mais n’aurait cependant jamais été placé en détention préventive contrairement à M. Chalupa;
  • le procès en première instance s’est déroulé au cours de trois audiences tenues les 23 juillet, 2 et 6 août 2012; le 6 octobre 2012, M. Chalupa a été condamné à quatre ans d’emprisonnement alors que le fonctionnaire n’est plus poursuivi au motif que l’infraction de faux était prescrite; M. Chalupa réside en République démocratique du Congo depuis de longues années, y exerce ses activités en tant qu’agent économique; est marié à une ressortissante congolaise; sa candidature aux élections législatives de 2006 et 2011 a été validée par la Commission électorale comme remplissant les conditions de l’article 102 de la Constitution, y compris s’agissant de la nationalité congolaise; un passeport diplomatique biométrique a été délivré à M. Chalupa par les autorités congolaises compétentes suite à son élection comme député de l’Assemblée nationale; la constitution du parti politique fondé et dirigé par M. Chalupa en 2011 a été également validée par le Ministre de l'intérieur après les vérifications d’usage en la matière,
considérant les compléments d’information suivants fournis par la délégation congolaise :

  • le Parquet aurait ouvert une enquête de sa propre initiative car il aurait découvert que M. Chalupa ne détiendrait pas d’ordonnance présidentielle d’octroi de la nationalité; M. Chalupa aurait fourni des données différentes à l’administration congolaise au fil des années (de 1996 à 2011) concernant, d’une part, son lieu de naissance (Bujumbura au Burundi, Kaludu en RDC et Uvira en RDC – toutes deux proches du Burundi) et, d’autre part, l’identité complète de ses parents, qui ni l’un ni l’autre n’avaient la nationalité congolaise; les services de la justice auraient remarqué ces divergences et procédé à des vérifications qui auraient mené au déclenchement des poursuites judiciaires;
  • la naturalisation n’est pas automatique en RDC et doit faire l’objet d’une demande auprès de l’administration quelles que soient les circonstances; ainsi, bien que M. Chalupa semble remplir toutes les conditions pour obtenir la nationalité congolaise puisqu’il est établi depuis longtemps en RDC et est marié à une ressortissante congolaise, sa naturalisation n’est pas automatique et il doit introduire une demande auprès de l’administration et attendre la réponse;
  • M. Chalupa disposerait d’une attestation de demande de naturalisation, qui serait un récépissé de sa demande, mais pas une preuve de la détention de la nationalité congolaise, cette dernière étant octroyée uniquement par ordonnance présidentielle en vertu de la loi sur la nationalité; M. Chalupa n’aurait pas encore reçu de réponse à sa demande et ne détiendrait donc pas encore l’ordonnance présidentielle, ni en conséquence la nationalité congolaise; il aurait obtenu la délivrance d’une attestation de nationalité en 2001 sans avoir reçu l’ordonnance présidentielle au préalable, grâce à un fonctionnaire qui lui aurait délivré une fausse attestation en violation de la loi sur la nationalité; tous les autres documents officiels (carte d’électeur, passeport, etc.) lui auraient été délivrés par la suite sur la base de cette fausse attestation de nationalité,

considérant également que plusieurs questions factuelles et juridiques relatives à la procédure en cours appellent des clarifications, à savoir notamment :

  • s’agissant de l’existence d’un mandat d’arrêt au moment de l’arrestation de M. Chalupa, des circonstances de son arrestation et de l’identité des forces de sécurité y ayant procédé, les faits ne sont pas établis jusqu’à présent; les sources allèguent que M. Chalupa aurait été arrêté sans mandat d’arrêt par des militaires de la Garde républicaine après s’être rendu à un faux rendez-vous sollicité par téléphone par une personne qu’il ne connaissait pas; les autorités ont pour leur part informé le Comité qu’elles ne disposaient pas d’informations sur ces questions, compte tenu du secret de l’instruction pré-juridictionnelle;
  • s’agissant du déclenchement des poursuites, les circonstances exactes ayant conduit aux vérifications du dossier administratif de M. Chalupa auprès des différentes administrations concernées puis au déclenchement des poursuites par le Parquet de sa propre initiative ne sont pas clairement établies non plus car elles relèveraient également du secret de l’instruction pré-juridictionnelle;
  • s’agissant de la détention de la nationalité congolaise par M. Chalupa, le lieu de naissance de M. Chalupa fait l’objet de contradictions entre les sources et les autorités (RDC ou Burundi) et nécessite des éclaircissements; il en va de même des dates auxquelles M. Chalupa a introduit sa ou ses demandes de nationalité congolaise (dès 1996 selon les sources et seulement en 2006 et 2011 selon les autorités);
  • s’agissant du maintien en détention préventive de M. Chalupa, les sources affirment qu’aucune des décisions de rejet de la mise en liberté provisoire rendues, y compris par la Cour suprême de justice, ne spécifie les circonstances de fait et les éléments de preuves y afférant, justifiant son maintien en détention préventive; les raisons pour lesquelles la Cour suprême de justice a statué hors du délai légal de 48 heures, en rendant sa décision plusieurs mois après, ne sont pas établies non plus;
  • s’agissant des allégations d’ingérence politique à l’origine de l’arrestation et des poursuites judiciaires engagées contre M. Chalupa, aucune explication crédible ne permet actuellement de comprendre pourquoi les poursuites interviennent seulement maintenant et pourquoi la découverte du faux n’a pas eu lieu auparavant au cours des multiples vérifications antérieures auxquelles a procédé l’administration congolaise dans le cadre des démarches administratives entreprises par M. Chalupa tant pour obtenir la nationalité, pour voyager à l’étranger, se marier, que pour ses activités économiques, la création et l’enregistrement de son parti politique, sa candidature et son élection comme député en 2006 puis sa candidature en 2011, mais aussi dans le cadre du contentieux électoral ayant abouti à son invalidation en 2007; compte tenu du fait que la délivrance du faux litigieux incombe à un agent public, que l’administration n’a jamais répondu aux demandes répétées de nationalité de M. Chalupa, et n’a jamais mis en cause sa nationalité par le passé, la responsabilité de M. Chalupa n’apparait pas clairement établie, contrairement à celle de l’administration congolaise,
rappelant les rapports publiés par le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme selon lesquels la période pré-électorale et post-électorale a été marquée par de nombreuses violations des droits de l’homme et, en particulier, par l’arrestation de nombreuses personnes "dont la majorité aurait été maintenue en détention de manière illégale et/ou arbitraire, pour la plupart en raison de leur appartenance, réelle ou présumée, à un parti de l’opposition ou pour leur appartenance à la province d’origine du candidat M. Etienne Tshisekedi, ou à des provinces dans lesquelles il bénéficie d’un soutien important"; considérant également que, dans le cadre des élections législatives de novembre 2011, le parti dirigé par M. Chalupa s’est positionné dans l’opposition politique et que M. Chalupa fait partie des membres de l’opposition ayant émis des réserves sur le processus électoral et contesté les résultats,

prenant note du caractère discrétionnaire de la procédure d’octroi et de déchéance de la nationalité en RDC qui confère en droit et en pratique le pouvoir décisionnaire de statuer sur ces questions au Ministre de la justice et au Conseil des ministres dirigé par le Chef de l’Etat et ne prévoit quasiment aucun recours judiciaire possible,

rappelant que le droit à une nationalité est consacré par de nombreux instruments internationaux, dont l’article 24(3) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l’article 5(d)(iii) de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, instruments internationaux tous deux ratifiés par la RDC; que dans sa résolution 20/5 du 16 juillet 2012 sur les droits de l’homme et la privation arbitraire de la nationalité, le Conseil des droits de l’homme a engagé les "Etats à observer des normes de procédure minimales de manière à éliminer tout élément d’arbitraire des décisions touchant à l’acquisition, à la privation ou au changement de nationalité" et qu’il a réaffirmé que "le droit de chacun à la nationalité est un droit fondamental de l’être humain" et a souligné que "la privation arbitraire de la nationalité, en particulier lorsqu’elle est motivée par des considérations discriminatoires fondées sur (…) les opinions politiques (…) est une violation des droits de l’homme et des libertés fondamentales",

considérant que Me Agboyibo, ancien Premier ministre du Togo, a été mandaté pour se rendre à Kinshasa du 25 juillet au 2 août 2012 afin de vérifier les conditions de détention de M. Chalupa, rencontrer toutes les parties pour clarifier les points susmentionnés, consulter le dossier judiciaire et observer les audiences; que les autorités parlementaires ont accueilli favorablement cette mission et en ont facilité le bon déroulement; que le rapport de mission de Me Agboyibo a été transmis aux autorités et aux sources le 13 septembre 2012, et que leurs observations ont été prises en compte,

relevant que Me Agboyibo n’a pas pu observer les audiences suite à un report de dernière minute, ni accéder au dossier judiciaire; que, grâce à l’intervention du Président de l’Assemblée nationale, Me Agboyibo a pu rendre visite et s’entretenir avec M. Chalupa en détention et s’assurer que ses conditions de détention étaient correctes; qu’à l’issue de sa mission, et comme indiqué dans son rapport de mission, il est parvenu aux conclusions suivantes : "la mission estime que les infractions de faux et usage de faux reprochées à M. Chalupa ne reposent pas sur des preuves fiables et que c’est davantage pour des considérations d’ordre politique qu’il a été arrêté et maintenu en détention. L’implication de la Garde républicaine dans son arrestation et les circonstances de cette dernière n’ont d’ailleurs fait l’objet d’aucune explication et semblent renforcer la dimension politique du dossier.",

se référant aux informations transmises par les sources selon lesquelles le jugement du 6 octobre 2012 condamnant M. Chalupa aurait été rendu en dehors du délai légal, n’aurait pas été notifié à M. Chalupa ni à son avocat jusqu’à présent, et ne reposerait sur aucun élément de preuve fiable, le fonctionnaire poursuivi pour avoir établi le faux ayant lui-même témoigné sous serment en audience publique que le document qu’il avait établi n’était pas un faux et qu’il était habilité à le délivrer dans le cadre de ses fonctions,

prenant en compte que le Président de l’Assemblée nationale et la délégation de la RDC entendue par le Comité ont invoqué le principe de la séparation des pouvoirs selon lequel l’Assemblée nationale ne pouvait que prendre acte de ces décisions judiciaires mais n’était pas habilitée à fournir des observations à leur égard, ni en mesure d’obtenir une copie du jugement, ni de la transmettre au Comité des droits de l’homme de l’UIP,

  1. remercie le Président de l’Assemblée nationale ainsi que les membres de la délégation de leur coopération et des informations transmises;
  2. déplore que le jugement de condamnation du 6 octobre 2012 n’ait pas été notifié à M. Chalupa; espère vivement que M. Chalupa pourra obtenir une copie du jugement à son encontre dans les plus brefs délais;
  3. rappelle que le principe de la publicité des décisions judiciaires est un principe fondamental des normes internationales en matière de procès équitable auxquelles la RDC a souscrit (article 14(1) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques) et qu’aucune procédure en appel ne saurait être équitable si une personne condamnée en première instance n’a pas pu prendre pleinement connaissance des motifs et des éléments de preuve justifiant sa condamnation;
  4. souhaite comprendre les motivations juridiques de la Cour et les preuves invoquées à l’appui de sa décision, en particulier s’agissant de la preuve de l’infraction de faux dans les présentes circonstances, compte tenu du fait que : 1) cette infraction était prescrite et que son auteur présumé n’est plus poursuivi; 2) que ce dernier aurait témoigné sous serment que le document n’était pas un faux et qu’il était habilité à le délivrer; 3) que M. Chalupa était poursuivi pour l’usage du faux, infraction exigeant la preuve de l’existence effective d’un faux; 4) que l’avocat de M. Chalupa a indiqué qu’aucune preuve versée au dossier judiciaire n’établissait que l’attestation de nationalité remise à M. Chalupa était fausse, et encore moins que M. Chalupa savait que le document qui lui avait été délivré par l’administration congolaise était un faux;
  5. ne comprend toujours pas pourquoi les poursuites dont M. Chalupa fait l’objet mettent en cause sa détention de la nationalité congolaise, question qui n’a jamais fait l’objet de contestations par le passé, bien que M. Chalupa ait à de nombreuses reprises posé des actes subordonnés à la vérification de sa nationalité, en particulier sa candidature à deux reprises aux élections législatives; partage les préoccupations du Comité relatives au maintien en détention préventive de M. Chalupa pour une infraction d’usage de faux, alors que d’autres solutions que le maintien en détention auraient pu être envisagées, eu égard notamment à l’âge de M. Chalupa, à la nature de l’infraction qui lui est reprochée, et à la surpopulation carcérale notoire de la prison de Kinshasa; rappelle à cet égard le principe bien établi selon lequel une personne doit être libérée en attendant d’être jugée et la détention provisoire ne peut être qu'une mesure de dernier ressort, et ceci uniquement lorsque l’Etat peut prouver qu’il y a des raisons pertinentes et suffisantes de la maintenir en détention; espère vivement que la mise en liberté provisoire de M. Chalupa sera à nouveau examinée par les autorités judiciaires dans le cadre de la procédure d’appel, et que cette dernière sera menée de manière exemplaire dans le plus strict respect des garanties en matière de procès équitable et conformément aux obligations internationales souscrites par la RDC en matière de droits de l’homme;
  6. prie le Secrétaire général de communiquer la présente résolution au Président de l’Assemblée nationale, au Ministre de la justice, au Procureur général de la République, ainsi qu’aux sources;
  7. prie le Comité de poursuivre l’examen de ce cas et de lui faire rapport en temps utile.

* La délégation de la République démocratique du Congo a émis des réserves sur cette résolution.
Note : vous pouvez télécharger une version électronique du texte intégral de la brochure "Résultats de la 127ème Assemblée de l'UIP et réunions connexes" au format PDF (taille du fichier environ 1'439 Ko). Cette version nécessite Adobe Acrobat Reader que vous pouvez télécharger gratuitement.Get Acrobat Reader

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