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CAMBODGE
CAS N° CMBD/01 - SAM RAINSY

Résolution adoptée à l'unanimité par le Conseil directeur
à sa 192ème session (Quito, 27 mars 2013)

Le Conseil directeur de l'Union interparlementaire,

se référant au cas de M. Sam Rainsy, dirigeant de l’opposition et parlementaire au moment du dépôt de la plainte, et à la résolution qu’il a adoptée à sa 191ème session (octobre 2012),

tenant compte des informations fournies par le Ministre de la justice au Secrétaire général à l'occasion de la visite de ce dernier au Cambodge le 21 février 2013, de la lettre du Président de l’Assemblée nationale datée du 11 février 2013, de la lettre du Président de la première Commission de l’Assemblée nationale datée du 18 février 2013 et de la lettre du Chef adjoint de l'Office des relations multilatérales, Assistant de la délégation cambodgienne, Assemblée nationale, datée du 4 mars 2013,

rappelant les éléments suivants versés au dossier :

  • son immunité parlementaire ayant été levée en séance à huis clos par un vote à main levée et sans qu'il ait eu la possibilité de se défendre, M. Sam Rainsy a été poursuivi et condamné en janvier et septembre 2010 à un total de 12 ans d’emprisonnement et à une lourde amende : a) pour avoir arraché la borne 185 qui marquait la frontière khméro-vietnamienne dans un village de la province de Svay Rieng et incité à la haine raciale et b) pour avoir divulgué des informations mensongères en publiant une carte sur laquelle les coordonnées de la frontière avec le Vietnam étaient fausses; le 20 septembre 2011, la Cour d'appel a réduit la peine d'emprisonnement pour le deuxième chef de dix à sept ans; le 25 avril 2011, M. Sam Rainsy a été déclaré coupable dans une troisième affaire, au motif qu'il aurait diffamé le Ministre cambodgien des affaires étrangères Hor Namhong et incité à la discrimination; M. Rainsy a été condamné en première instance à une peine d'emprisonnement de deux ans, à une amende et au paiement de dommages intérêts au Ministre; M. Rainsy a interjeté appel de cette condamnation;

  • le verdict par lequel M. Sam Rainsy a été déclaré coupable de destruction de biens publics a été confirmé en mars 2011 par la Cour suprême et, le 15 mars 2011, l’Assemblée nationale a déchu M. Sam Rainsy de son mandat parlementaire en application de l'article 34 de la loi sur l'élection des membres de l’Assemblée nationale qui dispose que les députés reconnus coupables d'une infraction en dernière instance et condamnés à une peine d'emprisonnement perdent leur mandat parlementaire,
rappelant qu’il n’est pas contesté que la frontière entre le Vietnam et le Cambodge est en voie de démarcation, que la borne frontière 185 était un pieu de bois fiché là de manière temporaire dont le gouvernement a reconnu qu’il ne s’agissait pas de la borne frontière légale, ce que le Premier Ministre lui‑même a confirmé dans sa réponse à une question posée par des parlementaires du Parti Sam Rainsy (PSR) sur ce sujet, déclarant notamment que "comme le groupe technique n’a pas encore posé de borne frontière 185, le travail de démarcation de la frontière, qui lui incombera lorsqu’il aura posé cette borne, n’a pas commencé non plus"; que, comme suite à la publication de la réponse du Premier Ministre, M. Rainsy a demandé une révision de sa condamnation dans l'affaire concernant la destruction de biens et l'incitation à la haine raciale; et rappelant en outre qu’il n’existe pas à l’heure actuelle de carte officielle reconnue comme contraignante par le Vietnam et le Cambodge,

rappelant que, selon les membres de la délégation cambodgienne entendus durant la 126ème Assemblée de l'UIP (Kampala, mars-avril 2012), M. Sam Rainsy aurait dû faire part de ses préoccupations concernant la frontière entre le Vietnam et le Cambodge devant l’Assemblée nationale; rappelant à ce propos que, lorsque des parlementaires de l'opposition ont demandé un débat parlementaire public sur la question, le gouvernement aurait refusé d’y prendre part, au motif qu'il aurait déjà donné toutes les explications nécessaires,

considérant que le Ministre de la justice, lors de son entretien avec le Secrétaire général, a déclaré que M. Rainsy avait créé une situation très dangereuse à la frontière lorsqu'il avait arraché la borne, mettant en danger la vie de nombreuses personnes, car ce geste constituait une grave provocation qui aurait pu compromettre la sécurité du pays,

rappelant ce qui suit : dans son rapport du 16 juillet 2012 au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies (A/HRC/21/63), le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Cambodge a déclaré que "le respect de la liberté d'expression, d'opinion et de réunion reste une préoccupation majeure […] Il est clair que de nombreux Cambodgiens s’autocensurent dans leurs paroles et leurs écrits par crainte d'être arrêtés et placés en détention. C’est particulièrement vrai pour ceux qui critiquent le pouvoir en place […]"; il a également déclaré, à propos de M. Sam Rainsy, "qu'il conviendrait de trouver une solution politique pour que ce chef de l'opposition puisse vraiment jouer un rôle dans la vie politique cambodgienne. Le Rapporteur spécial estime que les partis au pouvoir et dans l’opposition doivent faire un effort de réconciliation dans l’intérêt d'une démocratisation plus forte et plus profonde au Cambodge"; dans son rapport précédent d'août 2011 (A/HRC/18/46), le Rapporteur spécial s'est déclaré préoccupé par l'utilisation de la justice à des fins politiques et a fait la déclaration suivante à propos de l'affaire Sam Rainsy :"Selon le gouvernement, M. Sam Rainsy aurait falsifié une carte pour montrer que le Vietnam avait empiété sur le territoire du Cambodge. Dans n’importe quelle démocratie fonctionnant correctement, un tel sujet politique aurait été débattu au sein du parlement et aurait fait l’objet de débats publics, plutôt que d’être traité en tant qu’affaire pénale devant les tribunaux. Les fonctions premières des dirigeants de l’opposition consistant à examiner les activités du gouvernement et à lui demander de répondre à toute critique pouvant être formulée au sujet des décisions politiques, aucune procédure pénale ne devrait être engagée à leur encontre lorsqu’ils exercent leur activité de manière pacifique."; il recommande au parlement, entre autres, "de préserver le droit à la liberté d’expression de ses membres et protéger leur immunité parlementaire",

rappelant aussi que, selon le Ministre de la justice, M. Rainsy ne pouvait bénéficier d'une mesure de grâce car il avait fait appel de deux des condamnations, et, comme ces appels étaient en cours, la procédure judiciaire n'était pas close; considérant également que, depuis, M. Rainsy a retiré ces appels,

considérant que les élections parlementaires doivent se tenir le 28 juillet 2013 et qu’à l’occasion de sa visite au Cambodge, le Secrétaire général s'est entretenu avec ses interlocuteurs parlementaires de la poursuite de l'assistance de l'UIP à l’Assemblée nationale,

  1. remercie le Ministre de la justice, le Président de l’Assemblée nationale et le Président de la première Commission de l’Assemblée nationale pour leur coopération active;

  2. considère toutefois qu'ils n'ont fourni aucune nouvelle information susceptible de dissiper ses préoccupations de longue date dues au fait que le geste de M. Sam Rainsy, lorsqu'il a arraché une borne frontière temporaire, était un geste politique et que, de ce fait, les tribunaux n'auraient jamais dû être saisis de cette affaire;

  3. regrette donc vivement qu’alors que les élections législatives nationales se rapprochent, M. Sam Rainsy soit toujours dans l'impossibilité de rentrer au Cambodge pour apporter, en sa qualité de principal dirigeant de l'opposition, une contribution importante à des élections libres et régulières;

  4. renouvelle son appel aux partis au pouvoir et dans l’opposition pour qu'ils fassent d’urgence tout leur possible pour régler de concert cette question, afin que M. Sam Rainsy puisse se porter candidat aux prochaines élections; espère sincèrement que le fait que M. Rainsy ait abandonné ses appels dans les deux procédures en cours permettra de faciliter et d'accélérer les choses;

  5. invite l’Assemblée nationale qui sera bientôt élue à promouvoir des relations de travail saines au sein du parlement, notamment en veillant à ce que tous les partis soient consultés et aient leur mot à dire lors de la prise de décisions importantes, que les droits et responsabilités de l'opposition soient dûment pris en compte et que l'immunité parlementaire soit pleinement respectée; suggère que l'Union interparlementaire, dans le cadre de son programme actuel d'assistance à l’Assemblée nationale, étudie avec les autorités parlementaires la possibilité de les faire bénéficier de ses compétences en la matière;

  6. prie le Secrétaire général de porter cette résolution à la connaissance des autorités compétentes et des sources;

  7. prie le Comitéde poursuivre l’examen de ce cas et de lui faire rapport en temps utile.
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