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RWANDA
CAS N° RW/06 - LÉONARD HITIMANA

Résolution adoptée à l'unanimité par le Conseil directeur
à sa 192ème session (Quito, 27 mars 2013)

Le Conseil directeur de l'Union interparlementaire,

se référant au cas de M. Léonard Hitimana, qui a disparu il y a dix ans le 7 avril 2003 alors qu’il était membre de l’Assemblée nationale de transition du Rwanda, dissoute le 22 août 2003, et à la résolution qu’il a adoptée à sa 190ème session (avril 2012); se référant aussi au rapport de la mission in situ que le Comité a effectuée en juin 2011 (CL/189/11b)-R.3),

rappelant les informations suivantes versées au dossier :

  • M. Léonard Hitimana a disparu dans la soirée du 7 avril 2003, la veille du jour où il devait réfuter au parlement les accusations selon lesquelles son parti, le Mouvement démocratique républicain (MDR), attisait les dissensions ethniques; le MDR devait être interdit et dissous sur la base de ces accusations;

  • les autorités ont longtemps avancé la thèse que M. Hitimana avait fui dans un pays voisin, qu’Interpol avait lancé un avis de recherche de personne disparue, que cet avis avait été tout particulièrement axé sur les pays voisins où les autorités pensaient que M. Hitimana pouvait se trouver, et elles étaient optimistes quant à sa localisation prochaine, alors que, dix ans après sa disparition, il n'a toujours pas été retrouvé; les autorités ont signalé à plusieurs reprises que M. Hitimana n’était pas une figure politique de premier plan et qu’il était donc peu probable qu’il ait été la cible d’une disparition forcée; selon elles, la disparition de M. Hitimana n’a aucun rapport avec le discours qu’il devait prononcer au parlement; dans leurs lettres, les présidents des deux chambres du parlement ont indiqué que la police et la Commission nationale des droits de la personne avaient examiné les allégations des sources et conclu qu’elles étaient infondées et qu’à leur connaissance, aucune nouvelle preuve n’avait été produite depuis la mission du Comité en juin 2011;

  • les informations communiquées par diverses sources au fil des années ont permis de reconstituer les circonstances dans lesquelles M. Hitimana aurait disparu :
    • tard dans l’après-midi du 7 avril 2003, des témoins ont vu des agents du service de renseignement militaire (DMI) intercepter la voiture de M. Hitimana; ces agents l'auraient emmené au camp militaire de Kami où, sur l’ordre de leur hiérarchie, il aurait été torturé et tué par un officier du DMI nommé John Karangwa, qui était alors directeur adjoint chargé du contre-espionnage; sa dépouille a ensuite été transférée en un lieu inconnu; des personnes faisant leur ronde au poste frontière de Kaniga auraient vu la voiture de M. Hitimana et celle des militaires; sa voiture aurait été déplacée par la police ou des agents de renseignement à Byumba où elle serait restée un mois; des représentants de M. Hitimana ont par la suite récupéré la voiture; la police les aurait informés que celle-ci était dans l’état dans lequel on l’avait trouvée près de la frontière avec l’Ouganda; selon les représentants, les câbles électriques de la voiture avaient été sectionnés, la clé de contact avait disparu et il y avait des traces de sang sur le siège avant;

    • l’auteur présumé de l'exécution, John Karangwa, responsable du DMI, a été accusé par des sources non gouvernementales d’avoir non seulement tué M. Hitimana mais d’avoir aussi enlevé et exécuté, en avril 2003, M. Augustin Cyiza, Vice-Président de la Cour suprême du Rwanda, Président de la Cour de cassation du Rwanda, et membre fondateur de deux organisations rwandaises de défense des droits de l’homme;

    • les sources croient que M. Hitimana a été enlevé par le DMI afin de réduire au silence toute opposition à la dissolution de son parti;

    • le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture a lancé des appels urgents en 2003 au Gouvernement rwandais au sujet des détentions arbitraires et des cas de détenus qui auraient été torturés au camp militaire de Kami et dans d’autres camps militaires; dans ses observations finales du 31 mars 2009 (CCPR/C/RWA/CO/3), le Comité des droits de l’homme de l’ONU "s’inquiète des rapports faisant état de cas de disparitions forcées et d’exécutions sommaires ou arbitraires au Rwanda, ainsi que de l’impunité dont semblent jouir les forces de l’ordre responsables de ces violations" et de "l’absence de renseignements de l’Etat partie sur la disparition de […] M. Leonard Hitimana";

    • selon les sources, la famille de M. Hitimana serait victime de harcèlement, notamment son père, maintenant âgé de 87 ans, qui a été arrêté, placé en détention et finalement acquitté par un tribunal gacaca puis, peu de temps après, arrêté à nouveau, apparemment sur la foi "d'éléments nouveaux", reconnu coupable et condamné à une peine de 15 ans d’emprisonnement pour la part qu’il aurait prise au génocide de 1994, peine qu’il purge encore malgré plusieurs demandes de libération introduites pour raison humanitaire, invoquant son âge et la dégradation de son état de santé,

rappelant que les présidents des deux chambres, dans leur lettre du 19 octobre 2011, ont indiqué que l'enquête était toujours en cours mais n'avait donné aucun résultat à ce jour, et ont affirmé que le système judiciaire rwandais respectait les droits des témoins et les protégeait, et que la vidéoconférence était déjà utilisée lorsque les besoins d'une enquête l'exigeaient, 

considérant que, selon les informations communiquées par les sources en décembre 2012, il n’y avait toujours pas d’enquête sérieuse sur la disparition de M. Hitimana, et son père était toujours en détention,

  1. est extrêmement préoccupé de ce que M. Hitimana soit toujours porté disparu dix ans après avoir été vu pour la dernière fois; considère que l’absence d’enquête sérieuse corrobore l’accusation portée de longue date selon laquelle il aurait été victime d’une disparition forcée; souligne que M. Hitimana n’était pas un débutant en politique mais jouait un rôle important dans son parti, et que le fait qu'il devait, le lendemain, assurer la défense de son parti pour en empêcher la dissolution, et qu'il était perçu dans ce contexte pré-électoral comme un adversaire de taille, fournit un sérieux mobile de crime;

  2. rappelle que les disparitions forcées constituent une grave violation des droits de l’homme et que la disparition forcée d’un parlementaire, si elle n’est pas élucidée et punie, représente une menace pour le parlement en tant que tel, pour tous ses membres et, en dernière analyse, pour le peuple qu’il représente car elle ne peut qu’encourager la répétition de tels actes;

  3. engage instamment une fois de plus les autorités à mener à son terme une enquête indépendante, prompte et qui ne néglige aucune piste en procédant notamment à l’audition de M. John Karangwa, directeur adjoint chargé du contre-espionnage à l’époque; rappelle à cet égard que le Ministre de la justice s’est engagé envers la mission du Comité, en 2011, à veiller à ce que l’enquête explore aussi l’hypothèse d'un assassinat de M. Hitimana au Rwanda; est convaincu que de nouveaux éléments de preuve apparaîtront rapidement si de nouvelles pistes sont effectivement exploitées et attend avec impatience de recevoir des informations dans ce sens;

  4. note que les autorités ont affirmé que le système judiciaire rwandais garantissait la protection des témoins et disposait de la vidéoconférence et l’utilisait, si nécessaire, pour collecter les témoignages à distance; rappelle cependant que la peur des représailles et le manque de protection efficace des témoins ont posé des difficultés majeures à la mission et font obstacle à ce que justice soit rendue; réitère donc son souci de savoir si la loi envisagée relative à la protection des témoins a été effectivement adoptée et quelles mesures pratiques ont été prises en conséquence, et si d’autres initiatives visent à donner aux témoins potentiels au Rwanda l’assurance que leur sécurité sera pleinement garantie s’ils se font connaître; réaffirme qu’à son avis, les enquêteurs gagneraient à entendre dans leur pays de résidence des témoins vivant à l’étranger, en particulier par vidéoconférence; réitère son souhait de savoir si les autorités ont étudié cette possibilité;

  5. déplore que, contrairement à ce qui a été dit à la mission, le père de M. Hitimana, qui a plus de 80 ans et est en mauvaise santé, n’ait pas encore été libéré pour des raisons humanitaires; prie instamment les autorités compétentes de le libérer d’urgence et de communiquer des informations sur les mesures prises à ce sujet et sur les raisons pour lesquelles la procédure de libération traîne depuis maintenant près de deux ans, ce qui semble excessif, compte tenu en particulier de l’âge avancé du père de M. Hitimana, de la dégradation de son état de santé et du risque d'une mort prochaine en détention;

  6. prie le Secrétaire général de porter la présente résolution à l’attention des autorités parlementaires et des sources, ainsi que du Procureur général et du Président;

  7. prie le Comité de poursuivre l’examen de ce cas et de lui faire rapport en temps utile.
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