IPU Logo-top>>> ENGLISH VERSION  
 IPU Logo-middleUnion interparlementaire  
IPU Logo-bottomChemin du Pommier 5, C.P. 330, CH-1218 Le Grand-Saconnex/Genève, Suisse  

THAILANDE
CAS N° TH/183 - JATUPORN PROMPAN

Résolution adoptée à l'unanimité par le Conseil directeur
à sa 192ème session (Quito, 27 mars 2013)

Le Conseil directeur de l'Union interparlementaire,

se référant au cas de M. Jatuporn Prompan, ancien membre de la Chambre des représentants de la Thaïlande, et à la résolution qu'il a adoptée à sa 191ème session (octobre 2012),

tenant compte des informations communiquées par le Secrétaire général de la Chambre des représentants dans sa lettre du 15 février 2013 et par la source le 23 mars 2013,

rappelant ce qui suit :

  • M. Jatuporn Prompan, l’un des chefs du mouvement "Front uni pour la démocratie et contre la dictature" (UDD) et alors membre de la Chambre des représentants, a joué un rôle de premier plan dans les manifestations des "Chemises rouges" qui ont eu lieu au centre de Bangkok entre le 12 mars et le 19 mai 2010; dans les semaines qui ont suivi les manifestations, M. Jatuporn et les autres chefs de l’UDD ont été accusés officiellement de participation à un rassemblement illégal en violation de l’état d’urgence proclamé par le gouvernement et de terrorisme à cause des incendies volontaires de plusieurs immeubles déclenchés le 19 mai 2010, alors que les dirigeants de l’UDD étaient déjà en garde à vue; M. Jatuporn a été rapidement libéré sous caution;

  • le 10 avril 2011, M. Jatuporn est monté à la tribune pendant la commémoration organisée à Bangkok devant le Monument de la démocratie pour marquer le premier anniversaire de la riposte du gouvernement aux manifestations des Chemises rouges; dans son discours, il a critiqué le gouvernement d’alors et l’Armée royale thaïlandaise qui, un an auparavant, avaient usé du prétexte de la "protection de la monarchie" pour criminaliser le mouvement des Chemises rouges et tuer certains de ses membres; M. Jatuporn a aussi reproché à la Cour constitutionnelle d’avoir épargné la dissolution au Parti démocrate, faisant allusion à un enregistrement vidéo qui n’aurait pas dû être connu du public et qui montrait la collusion de juges avec des responsables du parti; à la suite de quoi, des représentants de l’Armée royale thaïlandaise ont porté plainte contre M. Jatuporn qui, selon eux, avait commis un crime de lèse‑majesté en prononçant son discours; à la suite de cette plainte, le Département des enquêtes spéciales (DSI) a demandé à la Cour criminelle d’annuler la mise en liberté provisoire de M. Jatuporn, ce qu’elle a fait le 12 mai 2011; M. Jatuporn a donc été détenu au centre de détention provisoire de Bangkok jusqu'au 2 août 2011; le DSI a par la suite retiré son accusation et, le 17 janvier 2012, le dossier a été renvoyé au Parquet général pour examen;

  • une semaine après l’annulation de sa mise en liberté provisoire, le nom de M. Jatuporn a été inscrit sur la liste que le Parti Pheu Thai a soumise pour les élections législatives du 3 juillet 2011; la Commission des élections a approuvé la liste après avoir vérifié que les candidats remplissaient les conditions légales requises; en prévision des élections, les avocats de M. Jatuporn ont déposé à plusieurs reprises des motions pour demander que la Cour criminelle lui accorde une libération sous caution ou une libération temporaire pour lui permettre d’aller voter; ils se sont heurtés à des refus, de sorte que M. Jatuporn n’a pas pu exercer son droit de vote; selon la source, l’opposition a immédiatement pris ce prétexte pour preuve qu’il ne remplissait pas les conditions requises pour siéger au parlement; la Commission des élections ayant d’abord validé les résultats, M. Jatuporn a pu prêter serment comme membre de la nouvelle Chambre des représentants, qui a siégé pour la première fois le jour de sa libération; fin novembre 2011, cependant, elle a décidé par quatre voix contre une d’invalider le mandat parlementaire de M. Jatuporn et a demandé au Président de la Chambre des représentants de renvoyer l’affaire devant la Cour constitutionnelle pour qu’elle tranche en dernier ressort;

  • le 18 mai 2012, la Cour constitutionnelle a statué que la détention de M. Jatuporn le jour de l’élection et le fait qu’en conséquence il n’ait pas voté constituaient un motif d’invalidation du mandat parlementaire; elle a fait valoir qu’il était interdit à M. Jatuporn de voter en application de l’Article 100.3 de la Constitution de 2007, qui spécifie que "le fait d’être détenu sur mandat judiciaire ou ordonnance légale" le jour de l’élection est l’un des empêchements qui aboutissent à la perte des droits civiques et que cette perte avait automatiquement entraîné celle de sa qualité de membre de son parti en vertu de la loi organique de 2007 relative aux partis politiques; c’est parce qu’il n’était plus affilié à son parti qu’il ne remplissait plus les conditions requises pour siéger à la Chambre des représentants (en vertu des Articles 101.3 et 106.4 de la Constitution),
rappelant que la source affirme que les charges retenues contre M. Jatuporn sont abusives; que le chef de participation à un rassemblement illégal, en particulier, vient d’un abus illicite fait par le précédent gouvernement des pouvoirs que lui conférait l’état d’urgence et que les accusations de terrorisme qui ont été portées contre M. Jatuporn et d’autres responsables des Chemises rouges en août 2010 obéissent à des motivations politiques; que le gouvernement a accusé les Chemises rouges d’avoir commis divers actes de violence mais que rien ne prouve que leurs chefs aient été mêlés à l’organisation des attaques ou même en aient eu connaissance; considérant que, du 19 avril jusqu'en juillet 2013, les audiences dans cette affaire se succéderont au rythme de deux par semaine,

rappelant aussi que M. Jatuporn a été condamné le 10 juillet et le 27 septembre 2012 dans deux affaires pénales à deux peines de six mois d’emprisonnement (avec un sursis de deux ans) et à des amendes de 50 000 bahts pour avoir diffamé Abhisit Vejjajiva, alors Premier Ministre mais qu’un appel est en instance dans les deux affaires; sachant que le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression a réitéré dans son rapport (A/HRC/17/27 du 16 mai 2011) l’appel lancé à tous les Etats pour qu’ils dépénalisent la diffamation,

sachant que la Thaïlande est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et tenue à ce titre de protéger les droits qui y sont consacrés,

considérant qu'au 1er avril 2013, la Chambre des représentants débattra d'amendements à la Constitution qui devraient modifier aussi le cadre juridique régissant les partis politiques et leur dissolution; rappelant que la source craint que les adversaires du Pheu Thai ne profitent de l'invalidation du mandat de M. Jatuporn pour faire valoir que ce parti au pouvoir avait "abusivement approuvé" la candidature de M. Jatuporn et qu’en inscrivant M. Jatuporn sur la liste de ses candidats, il avait donné aux élections un tour "malhonnête et irrégulier" et devait donc être dissous,

  1. remercie le Secrétaire général de la Chambre des représentants de sa lettre et de sa coopération;

  2. réaffirme que, de son point de vue, cette lettre ne dissipe pas ses craintes que le mandat de M. Jatuporn ait été invalidé pour des motifs qui semblent contrevenir directement aux obligations internationales de la Thaïlande en matière de droits de l’homme;

  3. considère que, si la Constitution thaïlandaise prévoit spécifiquement la perte des droits civiques pour les personnes "détenues par ordonnance légale" le jour de l’élection, le fait d’empêcher des personnes accusées d’une infraction pénale d’exercer leur droit de vote est contraire aux dispositions de l’article 25 du PIDCP qui garantit le droit "de prendre part à la direction des affaires publiques" et "de voter et d'être élu, au cours d'élections périodiques, honnêtes […] sans restrictions déraisonnables";

  4. considère à ce sujet que le fait de refuser à un parlementaire en exercice une libération temporaire de prison pour lui permettre d’exercer son droit de vote est une "restriction déraisonnable", surtout au vu des dispositions du PIDCP qui garantissent aux personnes accusées d'une infraction pénale le droit à la présomption d’innocence (article 14) et à "un régime distinct, approprié à leur condition de personnes non condamnées" (article 10.2.a); relève que l’invalidation du mandat de M. Jatuporn semble aussi être contraire à l’esprit de l’Article 102.4 de la Constitution thaïlandaise qui dispose que seules les personnes reconnues coupables d’une infraction pénale, et non pas celles qui en sont simplement accusées, perdent le droit de se présenter aux élections une fois leur candidature déclarée;

  5. demeure également préoccupé de ce qu'il ait été mis fin à l’affiliation de M. Jatuporn à son parti politique à un moment où il n’était pas établi qu’il avait commis une infraction et pour un discours qui manifestement relevait de l’exercice de son droit à la liberté d’expression; demeure préoccupé en outre par le pouvoir donné aux tribunaux de se prononcer sur la question de l’affiliation au parti alors qu’il s’agit avant tout d’une affaire privée entre M. Jatuporn et son parti, et qu’il n’y avait pas de litige entre eux sur cette question;

  6. espère vivement qu’à la lumière de ce qui précède, les autorités thaïlandaises compétentes feront tout ce qui est en leur pouvoir pour reconsidérer l’invalidation du mandat de M. Jatuporn et pour veiller à ce que toutes les dispositions légales soient conformes aux normes internationales pertinentes relatives aux droits de l’homme; souhaite être informé de la façon dont la procédure d'amendements à la Constitution contribue à cette mise en conformité;

  7. demeure préoccupé par les bases légales présumées et par les faits invoqués à l’appui des accusations portées contre M. Jatuporn et par la possibilité de voir le tribunal ordonner son retour en détention provisoire; souhaite recevoir copie de l’acte d’accusation; considère que, vu les préoccupations exprimées en l’espèce, il serait utile d’envoyer un juriste observer le procès et prie le Secrétaire général de prendre les dispositions nécessaires;

  8. demeure également préoccupé par le fait que M. Jatuporn a été poursuivi et condamné pour diffamation; se joint au Rapporteur spécial des Nations Unies pour recommander aux Etats de ne plus considérer la diffamation comme une infraction pénale; souhaite donc savoir si les autorités thaïlandaises envisagent de réviser dans ce sens la législation en vigueur; souhaite recevoir copie des décisions rendues en première instance et être tenu informé de la procédure en appel;

  9. considère que le cas présent a des ramifications qui vont bien au-delà de la situation individuelle de M. Jatuporn et qui touchent aux relations constitutionnelles et institutionnelles entre la Chambre des représentants et les tribunaux; prie le Secrétaire général de se rendre en visite en Thaïlande pour soulever cette question auprès des autorités parlementaires, exécutives et judiciaires compétentes et étudier la possibilité d’une assistance de l’UIP en la matière;

  10. prie le Secrétaire général de porter la présente résolution à l'attention des autorités compétentes et de la source;

  11. prie le Comitéde poursuivre l’examen de ce cas et de lui faire rapport en temps utile.
Note : vous pouvez télécharger une version électronique du texte intégral de la brochure "Résultats de la 128ème Assemblée de l'UIP et réunions connexes" au format PDF (taille du fichier environ 1' 113Ko). Cette version nécessite Adobe Acrobat Reader que vous pouvez télécharger gratuitement.Get Acrobat Reader

PAGE D'ACCUEILred cubeDROITS DE L'HOMMEred cubeDOMAINES D'ACTIVITESred cubeSTRUCTURE ET DOCUMENTS