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COLOMBIE
CAS N° CO/155 - PIEDAD DEL SOCCORRO ZUCCARDI DE GARCIA

Résolution adoptée à l'unanimité par le Conseil directeur
à sa 193ème session (Genève, 9 octobre 2013)

Le Conseil directeur de l'Union interparlementaire,

saisi du cas de Mme Piedad del Socorro Zuccardi de García, membre du Sénat colombien, qui a fait l’objet d’un examen et d’un rapport du Comité des droits de l’homme des parlementaires conformément à la Procédure d’examen et de traitement, par l’Union interparlementaire, de communications relatives à des violations des droits de l’homme dont sont victimes des parlementaires,

considérant la succession suivante de mesures judiciaires prises contre la sénatrice à l’initiative de la Cour suprême qui, dans ce cas, comme dans celui de n’importe quel membre du Congrès colombien, fait office en matière pénale à la fois de procureur et de juge en statuant en instance unique :

  • le 28 juin 2010, sur instruction de la Cour suprême, une enquête préliminaire a été ouverte sur la sénatrice Zuccardi de García, de nationalité colombienne et italienne, car elle était soupçonnée d’avoir coopéré entre 2000 et 2003 avec les groupes paramilitaires; les investigations ont été diligentées sur la base des déclarations faites en 2009 par un paramilitaire démobilisé, aspirant au bénéfice de la Loi sur la justice et la paix;

  • le 12 juin 2012, la Procuraduría General de la Nación a sollicité la clôture de l’enquête et l’abandon des poursuites, l’un des deux motifs étant qu’il n’y avait aucun élément de preuve raisonnable, ni aucun indice permettant de conclure que la sénatrice aurait pu être compromise dans une alliance de quelque nature que ce soit avec des groupes paramilitaires, notamment aux fins de l’obtention d’un soutien électoral pour elle-même ou pour autrui;

  • le 11 février 2013, la Cour suprême a décerné un mandat d’arrêt, qui a été exécuté le 23 février, malgré les protestations de la défense; le 5 mars 2013, elle a décidé d’inculper la sénatrice pour association de malfaiteurs aggravée et de la placer en détention provisoire;

  • la Cour suprême a décidé, début août 2013, de clôturer la phase d’instruction de l’affaire, ouvrant un délai légal de 20 jours à la défense pour déposer son mémoire aux fins de non-lieu; la réouverture de l’instruction a été sollicitée par la défense suite à l’inclusion d’une déposition fortement contestée, mais a été rejetée par la Cour qui a alors fixé la date de dépôt du mémoire en défense au 20 septembre 2013; la décision de la Cour suprême sur une mise en accusation éventuelle est attendue au plus tard aux premiers jours d’octobre 2013,
considérant que, selon la source, Mme Zuccardi a été arrêtée le 23 février 2013 et incarcérée et qu’il lui a fallu attendre le 5 mars 2013, soit plus d’une semaine, pour qu’un tribunal se prononce sur sa détention; que ce tribunal étant celui-là même qui a délivré le mandat d’arrêt, à savoir la Cour suprême, la sénatrice n’a pas pu faire appel de cette décision ni faire contrôler la légalité de sa détention par une juridiction compétente, comme le prévoit expressément la Convention américaine relative aux droits de l’homme,

considérant aussi que l’enquête préliminaire a dépassé le délai de six mois prévu par l'article 325 de la loi 600 (2000) et que l’article 239 de cette même loi autorisant le transfert de preuves et régissant la validité des investigations techniques et le respect des critères de publicité et du principe du contradictoire a été violé,

considérant en outre les affirmations suivantes de la source, qui concernent plus précisément l’audition des témoins et l’impartialité de la Cour suprême :

  • plusieurs témoins ont mis en doute la partialité et les méthodes des enquêteurs; ces témoins auraient dénoncé des actes de pression et d’intimidation devant la Cour suprême, qui n’a exigé aucune vérification;

  • le magistrat auxiliaire de la Cour suprême saisi du dossier procède lui-même à des transferts de témoignages hors contexte et interdit à la défense la lecture intégrale des actes d’audition antérieurs; ainsi à titre d’exemple, la source souligne que le magistrat auxiliaire déforme systématiquement les dépositions de témoins en leur forme, remplaçant par exemple des expressions telles que "j’ai entendu dire que…" par "j’ai dit que…" (témoin alias Diego Vecino);

  • la Cour suprême autorise le transfert de preuves et de témoignages issus d’autres procédures pour les inclure dans la présente procédure, sans permettre que la défense ait accès à l’ensemble des actes externes, ou alors que le transfert de preuves n’est que partiel;

  • bien que la Cour suprême ait décidé début août 2013 de clore la phase d’instruction de l’affaire, elle a décidé par la suite de verser au dossier des éléments supplémentaires, notamment la déposition d’un ancien maire, M. Torres Serra, mettant en cause la sénatrice; or cette déposition lui a valu une condamnation à 35 mois de prison, en octobre 2012, pour dénonciation calomnieuse de la sénatrice;

  • les enquêteurs responsables ont été mis en cause notamment par un témoin (alias Never) pour avoir exercé des pressions et extorqué un faux témoignage à charge contre la sénatrice Zuccardi de García; le témoin en question aurait déposé plainte sur ces faits auprès du Parquet (Fiscalía), mais la Cour suprême a refusé d’inclure comme pièces à conviction tant cette plainte que les actes d’enquête effectués sur ces faits;

  • la Cour utilise des rapports de police comme preuve à charge, sans jamais procéder à une vérification des informations qui y figurent,
considérant encore que, selon la source qui fait ressortir l’absence totale de témoins directs et oculaires de l’implication de la sénatrice, il n’existe aucune preuve mettant en cause Mme Zuccardi; qu’en réponse aux accusations retenues contre elle, la source affirme que la sénatrice n’a assisté ni participé à aucune réunion avec des membres des AUC (Autodefensas Unidas de Colombia) au cours des années 2000 à 2003 et qu’en termes électoraux, et après analyse des votes, elle n’avait nul besoin d’appui pour être élue et réélue; que si Mme Zuccardi de García avait bien participé au cours de l’année 2000 à trois réunions, dont une seule en présence du chef paramilitaire Carlos Castaño, ce fut en compagnie de nombreux élus et représentants et sous l’égide du Haut-Commissaire pour la Paix, et ce de manière absolument officielle et publique; qu’il ne s’agissait donc en aucun cas d’une concertation occulte, mais au contraire de réunions institutionnelles concernant les problèmes de sécurité pour la population du sud du département de Bolivar; qu’à cette exception près, la source affirme qu’aucun témoin paramilitaire n’a jamais vu ou rencontré la sénatrice Zuccardi de García; qu’elle souligne aussi que la Cour suprême ne mentionne aucune date précise mais fait porter les accusations sur toute la période 2000-2003,

rappelant qu’en juin 2012, le Président de la Colombie s’est formellement opposé à une initiative législative de réforme judiciaire proposant notamment la création d’une instance d’appel dans les procédures applicables aux membres du Congrès en matière pénale, et que cette opposition a conduit le Congrès à abandonner cette initiative; rappelant également qu’une mission de l’UIP s’est rendue à Bogota en août 2011 pour contribuer à améliorer le fonctionnement du Congrès national de Colombie et que, dans ce cadre, elle a formulé une série de recommandations, notamment afin que soient mieux respectées les garanties d’un procès équitable dans les affaires pénales en gagées contre des membres du Congrès,

considérant que le Secrétaire général de l’UIP, à l’invitation du Président sortant du Congrès colombien, a pris la parole le 4 juin 2013 devant le Sénat colombien pour exposer les moyens d’améliorer le fonctionnement du Congrès colombien, notamment de manière à assurer à ses membres une protection judiciaire appropriée,

sachant que la Colombie est partie à la Convention américaine relative aux droits de l’homme et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et qu’elle est tenue à ce titre de faire pleinement respecter le droit à un procès équitable,

  1. rappelle ses préoccupations concernant le respect des garanties d’une procédure équitable dans les procès intentés au pénal à des membres du Congrès colombien, la fiabilité des témoignages de paramilitaires démobilisés et la manière de les recueillir et de les utiliser dans les affaires pénales intentées à des parlementaires;

  2. juge d’autant plus important, au vu de ces préoccupations concernant notamment l’impossibilité d’interjeter appel, que les garanties d’une procédure équitable soient strictement observées dans le cas de Mme Zuccardi;

  3. est donc vivement préoccupé de constater qu’aux préoccupations générales relatives à un procès équitable dans les affaires pénales intentées aux parlementaires colombiens s’ajoutent, dans le cas présent, des allégations faisant état de nombreuses autres irrégularités graves, notamment l’inclusion d’un témoignage, après la clôture de l’enquête, d’une personne qui a été condamnée à une peine d’emprisonnement pour parjure pour avoir mis en cause Mme Zuccardi par des déclarations mensongères;

  4. a bon espoir que la Cour suprême tiendra dûment compte de tous les éléments présentés par la défense pour décider s’il convient ou non d’aller jusqu’au procès; attend donc avec impatience la décision de la Cour suprême à ce sujet;

  5. estime qu’il est crucial, vu les préoccupations susmentionnées relatives aux garanties d’un procès équitable, d’envoyer un observateur suivre le procès au cas où la Cour suprême déciderait d’aller jusque-là; prie le Secrétaire général de prendre les dispositions nécessaires à cette fin;

  6. demeure convaincu que seule une nouvelle loi permettra de répondre pleinement aux préoccupations suscitées par la procédure applicable aux membres du Congrès colombien en matière pénale, qui ne satisfait pas aux normes relatives à un procès équitable; a conscience que la protection judiciaire des membres du Congrès étant un sujet très sensible en Colombie, toute amélioration de cette protection pourrait être aisément perçue comme un traitement de faveur indu; exprime donc l'espoir que le Congrès national, ainsi que les autorités exécutives, judiciaires et administratives se déclareront favorables à une réforme législative établissant une véritable séparation entre les instances chargées de l’instruction et les tribunaux, ainsi qu'un droit de recours utile pour les parlementaires; encourage l’UIP et les autorités parlementaires colombiennes actuelles à continuer de collaborer étroitement à cette fin;

  7. prie le Secrétaire général de porter la présente résolution à l’attention des autorités compétentes et de la source;

  8. prie le Comité de poursuivre l’examen de ce cas.
Note : vous pouvez télécharger une version électronique du texte intégral de la brochure "Résultats de la 129ème Assemblée de l'UIP et réunions connexes" au format PDF (taille du fichier environ 1'163 Ko). Cette version nécessite Adobe Acrobat Reader que vous pouvez télécharger gratuitement.Get Acrobat Reader

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