ISRAËL
CAS N° IL/05 – MS. HANEEN ZOABI |
Décision adoptée à l'unanimité par le Conseil directeur
à sa 195ème session (Genève, 16 octobre 2014)
Le Conseil directeur de l'Union interparlementaire,
saisi du cas de Mme Haneen Zoabi, membre de la Knesset israélienne, examiné par le Comité des droits de l’homme des parlementaires au titre de sa Procédure d’examen et de traitement des plaintes (Annexe I des règles et pratiques révisées du Comité),
considérant les informations ci-après communiquées par le plaignant :
- Le 29 juillet 2014, la Commission d’éthique de la Knesset a décidé de suspendre pour une durée de six mois le droit de Mme Haneen Zoabi de faire des déclarations devant la Knesset, d’intervenir lors des séances de questions-réponses au Parlement et d’engager des débats en commission ou en séance plénière, au motif que l’intéressée aurait fait des déclarations qui « sortaient du cadre de l’exercice légitime de la liberté d’expression » dont bénéficient les députés de la Knesset. Selon le plaignant, la suspension dont elle fait l’objet est la plus longue de l’histoire de la Knesset et la sanction la plus lourde que la Commission puisse appliquer en vertu du droit israélien;
- Selon le plaignant, la principale question examinée par la Commission d’éthique était celle d’une interview que Mme Zoabi avait accordée à Radio Tel Aviv le 17 juin 2014, c’est-à-dire cinq jours après l’enlèvement de trois adolescents israéliens en Cisjordanie, alors qu’on ne savait pas encore qu’ils avaient été exécutés. Mme Zoabi a provoqué l’ire du présentateur et de nombreux auditeurs en refusant d’appliquer aux ravisseurs la qualification simpliste de « terroristes ». Au lieu de cela, elle a déclaré : « Est-ce surprenant que des personnes sous occupation, vivant des vies impossibles, à un moment où Israël procède chaque jour à de nouveaux enlèvements, se comportent de cette manière ? Ce ne sont pas des terroristes. Même si je ne suis pas d’accord avec eux, ce sont des gens qui ne voient absolument pas d’issue et qui n’ont donc pas d’autre choix que de recourir à ces moyens tant qu’Israël n’ouvrira pas les yeux sur la souffrance des autres et ne s’efforcera pas de la comprendre ». Le plaignant prétend que, lorsqu’ils ont évoqué cette déclaration, presque tous les médias et même la Commission d’éthique de la Knesset, en ont occulté la partie dans laquelle Mme Zoabi affirmait qu’elle « désapprouvait » l’enlèvement de ces adolescents;
- Le bureau du Procureur général aurait annoncé le 24 juillet 2014 qu’il ne diligenterait pas d’enquête de police pour incitation à la violence en relation avec cette interview. Selon le plaignant, le Procureur général adjoint, M. Raz Nizri, a reconnu « qu’on pouvait difficilement qualifier les déclarations de Mme Zoabi d’incitation à commettre un enlèvement »;
- Le 7 octobre 2014, Mme Zoabi a saisi la Haute Cour de Justice, qui ne s’est pas encore prononcée, d’une demande d’annulation de la suspension de 6 mois,
considérant que, selon le plaignant, la décision de la Commission d’éthique relève d’une campagne de persécution sur laquelle des juristes israéliens auraient attiré l’attention,
considérant également que, selon le plaignant, la sanction appliquée à Mme Zoabi revêt un caractère discriminatoire si on la compare à la suspension d’une seule journée qui avait été appliquée par la Commission d’éthique à l’ancien député de la Knesset, M. Aryeh Eldad, lorsqu’il a demandé en 2008 que M. Ehud Olmert, alors Premier Ministre, soit condamné à mort pour avoir proposé que certaines parties des territoires occupés deviennent un Etat palestinien; pour le plaignant, il s’agissait manifestement en l’espèce d’une incitation à la violence dans un pays dont un ancien Premier Ministre, M. Yitzhak Rabin, a été assassiné par un extrémiste qui avait précisément avancé ce type d’arguments pour justifier ses actes,
considérant aussi que le Procureur général a annoncé le 25 juillet 2014 qu’il avait ordonné à la police d’ouvrir officiellement une enquête à l’encontre de Mme Zoabi pour incitation à la violence et pour outrage à fonctionnaire, à savoir un policier, devant le tribunal de district de Nazareth le 6 juillet 2014; selon le plaignant, les avocats de Mme Zoabi n’ont pas encore reçu les pièces du dossier alors que l’intéressée a répondu à ces accusations le 11 août 2014, pendant un interrogatoire de police mené à Lod,
considérant en outre que, selon le plaignant, la police n’a pas fait preuve pendant cette période de la neutralité attendue des organes chargés d’appliquer la loi, abusant sensiblement de ses pouvoirs et privant la population de son droit de manifester pacifiquement, comme en attestait l’organisation non gouvernementale Adalah selon laquelle plus de 600 personnes, tous des Palestiniens, avaient été arrêtées pour participation présumée à des manifestations depuis le début du mois de juillet 2014,
considérant que le plaignant souligne que Mme Zoabi a récemment fait les frais, à plusieurs reprises, de violences policières, notamment le 18 juillet 2014, lors d’une manifestation contre la guerre à Haifa; qu’elle a alors été verbalement et physiquement agressée par des policiers qui l’on laissée menottée pendant une demi-heure; que Mme Zoabi a officiellement porté plainte contre la police pour ses agissements pendant cette manifestation et que cette plainte n’a à ce jour donné lieu à aucune enquête,
considérant que, selon le plaignant, Mme Zoabi est la seule personnalité publique israélienne à avoir fait l’objet d’une enquête pour incitation alors que les discours racistes anti-arabes étaient légion pendant les 50 jours de l’opération « Bordure protectrice » qui a notamment été émaillée d’appels à la violence et de menaces contre les Palestiniens de Gaza et d’Israël de la part de responsables politiques israéliens de premier plan, de rabbins et d’universitaires, et considérant que, selon le plaignant, l’enquête concernant Mme Zoabi a été menée avec une grande célérité de manière à tirer parti du climat de guerre qui prévalait à l’époque et à ce qu’il y ait un consensus national en faveur de sa condamnation,
rappelant que le 13 juillet 2010, pendant la précédente législature, la Knesset a adopté une résolution tendant à révoquer trois des privilèges parlementaires de Mme Zoabi pour la durée de son mandat en raison de sa participation à la flotille humanitaire pour Gaza en mai 2010, question qui avait déjà été examinée par le Comité des droits de l’homme des parlementaires au titre de sa Procédure,
ayant à l’esprit qu’Israël est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et, à ce titre, tenu de garantir la liberté d’expression, qui est également garantie par la Loi fondamentale d’Israël,
- est vivement préoccupé par le fait que le droit de Mme Zoabi de participer à toutes les activités parlementaires a été suspendu pour une période de six mois, à l’exception de son droit de vote, ce qui porte atteinte à sa capacité d’exercer le mandat qu’elle tient de ses électeurs, d’une part, et à la représentation effective de ces derniers à la Knesset, d’autre part; craint qu’elle n’ait été suspendue pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression en prenant une position politique, comme le Comité des droits de l’homme des parlementaires l’a craint lorsque l’intéressée a participé à la flottille humanitaire pour Gaza en 2010; souhaite recevoir copie de la décision intégrale de la Commission d’éthique de la Knesset;
- espère sincèrement que la Haute Cour de Justice se prononcera rapidement sur la requête contestant la suspension et adoptera une décision qui reconnaisse pleinement le droit à la liberté d’expression dont le respect est essentiel pour les parlementaires; souhaite être tenu informé de l’avancée de la procédure;
- souhaite recevoir des informations officielles sur l’enquête pénale visant Mme Zoabi, y compris sur les faits précis à l’origine des accusations portées contre elle;
- souhaite également recevoir des informations officielles sur les mesures prises pour enquêter sur les allégations de violences policières, physiques et verbales, perpétrées le 18 juillet 2014 contre Mme Zoabi au cours d’une manifestation; souhaite également savoir s’il a été procédé à un examen complet, y compris par la Knesset dans le cadre de sa mission de contrôle, du comportement policier pendant cette manifestation;
- prie le Secrétaire général de transmettre la présente décision aux autorités compétentes et au plaignant; le prie également de la transmettre à toute tierce partie susceptible de communiquer des informations pertinentes;
- prie le Comité de poursuivre l’examen de ce cas et de lui faire rapport en temps utile.
Note : vous pouvez télécharger une version électronique du texte intégral de la brochure "Résultats de la 131ème Assemblée et réunions connexes de l'Union interparlementaire" au format PDF (taille du fichier 1057Ko). Cette version nécessite Adobe Acrobat Reader que vous pouvez télécharger gratuitement. | |
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