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Union interparlementaire  
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OMAN
CAS N° OM/01 – TALIB AL MAMARI

Décision adoptée à l'unanimité par le Conseil directeur
à sa 195ème session (Genève, 16 octobre 2014)

Le Conseil directeur de l'Union interparlementaire,

saisi du cas de M. Talib Al Mamari, membre du Majlis A’Shura d’Oman, qui a été examiné par le Comité des droits de l’homme des parlementaires au titre de sa Procédure d’examen et de traitement des plaintes (Annexe I des Règles et pratiques révisées du Comité),

tenant compte des lettres du Président du Majlis A’Shura, dont la dernière est datée du 9 septembre 2014, des informations communiquées par la délégation d'Oman à la 131ème Assemblée de l'UIP lors de l’audition du 14 octobre 2014, et des informations régulièrement fournies par les plaignants,

considérant les faits suivants concernant l'arrestation de M. Al Mamari, les poursuites engagées contre lui et sa condamnation :

  • M. Al Mamari a été arrêté le 24 août 2013 pour avoir participé à une manifestation le 22 août 2013; les plaignants contestent le flagrant délit invoqué par le ministère public;
  • M. Al Mamari a été déclaré coupable le 10 octobre 2013 et condamné à une peine de sept ans d'emprisonnement et à une amende de 1 000 riyals pour atteinte au prestige de l'Etat, trouble à l'ordre public et entrave à la circulation; à cet égard, la Cour explique dans son jugement que M. Al Mamari a été condamné pour avoir encouragé l’agitation en « incitant les citoyens de Liwa à manifester en face du port industriel de Sohar » et pour avoir fait circuler à dessein des informations partiales portant atteinte à la dignité de l’État en diffusant « délibérément des nouvelles tendancieuses propres à nuire au prestige du pays »; pour ce dernier chef d’accusation, il ressort plus précisément des documents du tribunal que M. Al Mamari a porté atteinte au prestige du pays en donnant au gouvernement un délai pour répondre aux revendications des manifestants et en le menaçant de manifester à nouveau – quitte à en perdre la vie – s'il n'y répondait pas; M. Al Mamari et ses avocats ont rejeté les conclusions du juge de première instance, contestant à la fois la forme et le fond de cette décision, et ont interjeté appel;
  • M. Al Mamari a été libéré sous caution le 11 octobre 2013 dans l’attente de l’appel, mais a été arrêté à nouveau plus tard, le même jour, et accusé d’incitation pour sa conduite à la mosquée pendant les prières du vendredi;
  • la Cour d'appel a confirmé le 16 décembre 2013 le jugement rendu contre M. Al Mamari mais a réduit la peine à quatre ans d'emprisonnement et l'amende à 500 riyals après avoir réuni les peines dont sont passibles les infractions multiples qui lui sont reprochées;

  • en février 2014, la Cour suprême a annulé la décision rendue contre M. Al Mamari en raison d'un vice de procédure et a ordonné que l’affaire soit rejugée par le tribunal de Liwa, lieu des infractions supposées, plutôt que par celui de Mascate;
  • le procès en révision a cependant eu lieu une fois de plus à Mascate, en raison de « craintes pour la sécurité », selon la délégation d’Oman entendue par le Comité le 14 octobre 2014, et aussi parce que la décision de la Cour suprême de transférer l’affaire à Liwa avait été ultérieurement contestée en justice;
  • le 6 août 2014, le tribunal de Mascate a reconnu M. Al Mamari coupable des chefs d’accusation et l’a condamné à quatre ans d’emprisonnement et à une amende de 700 riyals; le juge a statué que M. Al Mamari pouvait être libéré moyennant une caution de 10 000 riyals; M. Al Mamari a fait appel et attend le verdict, qui pourrait être rendu à la prochaine audience, fixée au 25 octobre 2014;
  • bien que la caution ait été versée, M. Al Mamari est toujours en détention en raison de l’enquête ouverte contre lui pour sa conduite à la mosquée pendant les prières du vendredi, qualifiée d’incitation à commettre des infractions,

considérant que, s'agissant des manifestations auxquelles M. Al Mamari a pris part et des circonstances précises de son arrestation, les plaignants affirment ce qui suit :

  • les manifestations auxquelles M. Al Mamari a pris part étaient pacifiques et avaient pour objet de protester contre la pollution à Liwa; les revendications des manifestants n'étaient pas d'ordre politique : ils demandaient simplement au gouvernement de protéger la santé des habitants de Liwa menacée par la pollution; selon les plaignants, M. Al Mamari a été arrêté et détenu pour avoir exercé son droit à la liberté de réunion pacifique; ils soulignent que, selon les dires de nombreux témoins, il assistait à la manifestation en qualité de médiateur et s'acquittait de son devoir de parlementaire, à l’écoute des revendications de la population; qu'un enregistrement vidéo, fourni par les autorités pour prouver que M. Al Mamari avait incité à la violence pendant la manifestation, a visiblement fait l'objet d'un montage et que le passage montrant des enfants jetant des pierres correspond en réalité à des événements distincts survenus en une autre occasion;
  • le 23 août 2013, M. Al Mamari a rencontré d'autres parlementaires et des représentants des services de sécurité pour discuter des manifestations et de l'action des forces de l'ordre; à la fin de la réunion, M. Al Mamari est retourné au domicile de son frère où il séjournait depuis qu'il avait été blessé lors de l'intervention de la police contre les manifestants; il a été arrêté par les forces de sécurité aux premières heures du 24 août 2013, lors d’une descente au domicile de son frère;
  • au cours des manifestations, des membres des forces de sécurité ont procédé à des tirs de gaz lacrymogène et ont utilisé des canons à eau pour disperser la foule; M. Al Mamari figurait parmi les personnes blessées suite à l'intervention violente de la police; le Président du Majlis A’Shura a expliqué, dans sa lettre du 6 mars 2014, que le Majlis ne pouvait pas examiner le rapport médical faisant état des blessures subies par les citoyens concernés car personne n’avait porté plainte officiellement; il a cependant indiqué que, le lendemain de l’événement, les membres du Majlis n’avaient remarqué aucune blessure nécessitant un traitement médical,

considérant que, selon les informations communiquées par la délégation d’Oman à l’audience du 14 octobre 2014,

  • des collègues de M. Al Mamari au Parlement lui ont conseillé de ne pas descendre dans la rue et d’user au contraire de ses pouvoirs au Parlement pour plaider sa cause;
  • la région de Liwa a bénéficié d’énormes investissements qui ont eu des retombées très positives sur la population; il se peut qu’il y ait de la pollution, mais le gouvernement a veillé à ce qu’elle ne dépasse pas des limites acceptables et cinq ministres se sont rendus sur place pour fixer ces limites; si la pollution avait été un sujet d’inquiétude, le Parlement aurait été le premier à le savoir et à adopter une position critique,
considérant que, s'agissant des conditions de détention de M. Al-Mamari et de l’équité de son procès :
  • l'un des plaignants indique que, pendant la période précédant le premier appel, M. Al Mamari était détenu à l'isolement dans un établissement pénitentiaire de la sécurité nationale sans que son avocat puisse le rencontrer et que le procès en première instance a été présidé par un juge hostile, très proche du ministère public;
  • dans sa lettre du 12 janvier 2014, le Président du Majlis A’Shura précise que M. Al Mamari a été condamné en première instance à l’issue d’une audience publique à laquelle son avocat a assisté, que celui-ci a eu accès à toutes les pièces du dossier et que le procès en appel s'est aussi déroulé en présence de l'avocat de M. Al Mamari; il explique en conclusion qu’à son avis, toutes les mesures prises ont été conformes au droit et qu’aucune des dispositions applicables n’a été enfreinte; dans sa lettre du 6 mars 2014, le Président écrit que M. Al Mamari est bien traité par les autorités pénitentiaires, qu’il est en compagnie d’autres détenus et qu’il est autorisé à recevoir des visites; le Président joint un document du Directeur de la prison centrale – établissement où M. Al Mamari est détenu – qui contient une liste des personnes ayant rendu visite à M. Al Mamari, avec mention de la date de la visite et de la nature de la relation; le Vice‑Président du Majlis A’Shura, lors de l'audition du 17 mars 2014, a confirmé cette information et a ajouté que M. Al Mamari était même chargé de conduire les prières musulmanes avec d'autres détenus, que ses collègues parlementaires avaient le droit de lui rendre visite et que plusieurs s'en étaient prévalus;
  • le Vice-Président du Majlis A’Shura a déclaré à cette même audition que le procès de M. Al Mamari avait respecté les garanties d'une procédure équitable et qu'il avait été autorisé à monter un très solide dossier pour sa défense; il a aussi déclaré que le Majlis A’Shura avait suivi de près le procès, notamment par l'intermédiaire d'un observateur,

rappelant que, selon le plaignant, les poursuites engagées contre M. Al Mamari doivent être replacées dans le contexte suivant : depuis son élection au Parlement en 2011, M. Al Mamari a vigoureusement défendu les intérêts de sa province au Parlement, notamment pour dénoncer les atteintes à l'environnement et la pollution dans sa région, et il est maintenant réputé pour ses critiques à l'encontre du gouvernement auquel il reproche de ne pas suffisamment s’engager en faveur de l'état de droit et de la bonne gouvernance; que, selon le plaignant, la condamnation de M. Al Mamari vient s’ajouter à des incidents de harcèlement dont il a été victime dans ses activités de parlementaire : M. Al Mamari aurait été arrêté en 2011 dans le contexte de manifestations organisées pour demander une plus large participation du peuple à la vie politique à Oman, il aurait été détenu pendant près de 48 heures, puis libéré après avoir été battu et maltraité par des policiers; en 2012, le Parquet aurait engagé une action contre M. Al Mamari, en raison d'un message sur Facebook critiquant un employé du ministère du Logement, et aurait demandé au Majlis A’Shura de lever son immunité, ce que le Parlement aurait refusé de faire; à la fin de 2012, M. Al Mamari aurait été agressé dans la chambre d'hôtel où il séjournait et menotté par des policiers qui l'auraient battu et menacé,

considérant que le 9 mai, l’un des plaignants s’est inquiété de l’arrestation et du placement en détention de trois personnes, dont au moins un membre de la famille de M. Al Mamari, qui auraient été appréhendées pour avoir défendu publiquement M. Al Mamari et demandé sa libération; que ces arrestations ont été confirmées par l’autre plaignant, qui a indiqué que le neveu de M. Al Mamari avait été détenu pendant 67 jours,

considérant que le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association a effectué une mission à Oman du 8 au 13 septembre 2014 et qu’il n’a pas été autorisé à rencontrer M. Al Mamari; considérant que, dans les conclusions préliminaires de sa mission, publiées dans une déclaration le 13 septembre 2014, le Rapporteur spécial :

  • s’est inquiété des restrictions aux droits à la liberté de réunion et d’association, et de la « culture du silence et de la peur qui règne et qui pèse sur toute personne désireuse de prendre position pour des réformes à Oman et d’y travailler »;
  • a indiqué qu’il s’était entretenu avec de nombreuses personnes qui avaient dit avoir été arrêtées et placées en détention au mépris des garanties d’une procédure régulière, et avoir été en butte à des manœuvres d’intimidation et torturées pour avoir affirmé leurs droits;
  • a ajouté que, bien que le droit à la liberté de réunion pacifique soit garanti dans la Loi fondamentale d’Oman, la restriction qui y est apportée – ce droit doit s’exercer « dans les limites de la loi » – est appliquée de telle manière qu’elle revient souvent à réduire à néant l’essentiel de ces droits;
  • a également exprimé ses préoccupations devant la façon dont les pouvoirs publics réagissaient aux manifestations qui, selon les informations qu’il avait reçues, avaient donné lieu à des arrestations arbitraires et à un emploi excessif de la force, ainsi que devant les représailles qui s’exerceraient contre des blogueurs et des défenseurs des droits de l’homme, et a évoqué le cas de personnes arrêtées et incarcérées pour avoir, semble-t-il, exprimé en ligne des opinions dissidentes,

considérant que les autorités parlementaires d’Oman ont affirmé à plusieurs reprises que les libertés d’opinion et d’expression étaient pleinement protégées à Oman, y compris pour les parlementaires, et que M. Al Mamari avait exercé ce droit sans jamais se plaindre de harcèlement,

notant que la délégation d’Oman à la 131ème Assemblée de l’UIP a invité le Comité à se rendre à Oman afin de mieux comprendre les questions soulevées dans ce cas, en particulier le contexte culturel et historique dans lequel elles doivent être replacées,

  1. remercie le Président du Majlis A’Shura et la délégation d’Oman de leur coopération et des informations qu’ils ont communiquées;

  2. est préoccupé par la grave allégation selon laquelle M. Al Mamari a été poursuivi et déclaré coupable de chefs d’accusation attentatoires à son droit légitime à la liberté de réunion; souhaite recevoir copie du jugement de première instance dans le procès en révision, ainsi qu’une copie des preuves, vidéos et témoignages sur lesquels la Cour s’est appuyée pour le déclarer coupable; souhaite aussi recevoir copie du document dans lequel est consignée la décision d’annuler l’arrêt initial de la Cour suprême ordonnant que le procès en révision ait lieu à Liwa;

  3. compte que la Cour d’appel rendra un arrêt exemplaire qui tiendra dûment compte des droits de l’homme fondamentaux de M. Al Mamari; souhaite recevoir copie de la décision en appel dès qu’elle sera disponible;

  4. est préoccupé par l’allégation selon laquelle trois personnes auraient fait l’objet de représailles pour s’être publiquement inquiétées du cas de M. Al Mamari; souhaite recevoir les commentaires des autorités sur ce point;

  5. souhaite aussi recevoir des documents officiels sur les motifs légaux et factuels pour lesquels M. Al Mamari est accusé d’incitation pour avoir prononcé un discours à la mosquée pendant les prières du vendredi; souhaite être informé de l’avancée de la procédure en l’espèce;

  6. note les divergences entre les informations communiquées par les autorités et celles des plaignants en ce qui concerne les allégations faisant état d'un emploi disproportionné de la force par la police pendant les manifestations; souhaite recevoir des plaignants des informations précises sur le point de savoir si ceux qui auraient été blessés s'en sont officiellement plaints auprès des autorités compétentes;

    7.       accueille favorablement l’invitation de la délégation d’Oman, qui propose qu’une délégation du Comité se rende en visite dans ce pays; considère qu’une telle visite serait une excellente occasion de procéder à un échange de vues, dans un esprit de dialogue et d’ouverture, avec les autorités parlementaires, judiciaires et exécutives, les plaignants et les tierces parties intéressées, et de parvenir à une meilleure compréhension des questions soulevées en l’espèce, et en particulier du contexte juridique, historique et culturel dans lequel elles se posent; souligne qu’il est d’une importance fondamentale que la délégation rencontre aussi M. Al Mamari lui-même;

  7. prie le Secrétaire général de prendre les dispositions nécessaires pour que cette visite ait lieu dans un très proche avenir et de communiquer la présente décision aux autorités parlementaires, aux plaignants, ainsi qu’à toute tierce partie susceptible de faciliter la préparation de la visite;

  8. prie le Comité de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport en temps utile.
Note : vous pouvez télécharger une version électronique du texte intégral de la brochure "Résultats de la 131ème Assemblée et réunions connexes de l'Union interparlementaire" au format PDF (taille du fichier 1057Ko). Cette version nécessite Adobe Acrobat Reader que vous pouvez télécharger gratuitement.Get Acrobat Reader

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