   | Mme Betty Boothroyd, M. Raymond Forni et M. Gennady Seleznev ont fait part de leur opinion sur la Confé à Luisa Ballin, Attachée de Presse de l'UIP. |
Mme Betty Boothroyd, Présidente de la Chambre des Communes, Royaume-Uni
Q: Comment l'Union peut-elle renforcer les Nations Unies ?
B.B. : Je me félicite de l'intérêt que manifestent les parlements pour les Nations Unies et les encourage dans ce sens, appuyant en particulier le renforcement des liens entre l'Union et l'ONU au titre de leur accord de coopération de 1996. L'Union a incontestablement un rôle à jouer en encourageant les parlements du monde s'intéresser davantage à l'action de l'ONU et en relayant celle-ci auprès des citoyens de leur pays. En réunissant en son sein des parlementaires du monde entier, l'Union constitue pour eux un forum unique qui leur permet à la fois d'échanger des vues et des expériences et de faire entendre leur voix à l'ONU.
Q: Comment les parlements peuvent-ils conférer une dimension parlementaire à l'ONU ?
B.B. : A mon avis, les questions majeures traitées par les Nations Unies doivent être débattues au sein des parlements nationaux. Un rôle de premier plan est dévolu aux parlements en matière de contrôle des politiques conçues par leur gouvernement et mises en uvre par ses représentants au niveau d'instances comme l'ONU.
Q : Comment l'Union peut-elle renforcer l'OMC ?
BB. :L'Union doit intervenir en aidant les parlements du monde à relever le défi consistant à conférer une dimension parlementaire à l'OMC. Elle pourrait également contribuer en tant que telle en coopérant avec l'OMC au débat des questions relevant du domaine de compétence de cette dernière. L'Union est bien placée pour réunir des parlementaires pour débattre de la manière dont les gouvernements réagissent. En servant ainsi de courroie de transmission entre gouvernement et peuple, l'Union peut apporter une dimension supplémentaire distincte et hautement appréciable à cet important débat public.
Q : En fait, les parlements peuvent-ils conférer une
dimension parlementaire à l'OMC ?
B.B. : Les questions que pose l'OMC doivent être débattues à fond au sein des parlements nationaux. L'intérêt public croissant pour l'action des organisations internationales comme l'OMC rend encore plus importante cette fonction de contrôle. Les parlements ont un rôle primordial à jouer en veillant à ce que les préoccupations de l'opinion au sujet des activités des organisations internationales soient proprement relayées auprès des gouvernements nationaux et trouvent une solution.
M. Raymond Forni, Président de l'Assemblée nationale, France
Comment l'Union interparlementaire, organisation mondiale des parlements, peut-elle renforcer l'ONU et l'OMC ?
Permettez-moi tout d'abord de rappeler l'attachement de la représentation nationale française à l'Union interparlementaire, qui est la plus ancienne des institutions politiques internationales puisque sa création date de 1889. Promouvoir la paix et la coopération entre les peuples par la voie parlementaire est plus que jamais, en ce début de XXIième siècle, indispensable.
Dans un monde encore trop souvent déchiré par des conflits meurtriers et soumis à une concurrence économique exacerbée, il est essentiel que la coopération entre les peuples soit renforcée. Or qui, mieux que les parlementaires, peut être à même de favoriser une telle coopération ? Qui, mieux que les Parlements, est en mesure d'apporter l'appui politique nécessaire à la construction d'un monde plus pacifique et prospère ?
En favorisant la concertation entre les Parlements, en proclamant avec force la valeur universelle du droit fondamental de la personne humaine à être représentée par les élus de son choix, en appelant l'attention des responsables gouvernementaux sur la nécessité de mieux associer les institutions représentatives à la coopération internationale, l'Union interparlementaire contribue efficacement - j'en suis convaincu - à la prise en compte du rôle des Parlements dans le rapprochement entre les peuples.
Mon vu le plus cher est que la Conférence des Présidents des Parlements nationaux à New York du 30 août au 1er septembre prochain soit l'occasion de réaffirmer, avec force, la nécessité de voir enfin consacrer une voix parlementaire dans le concert des Nations.
En effet, dans ce monde global, si les hommes veulent avoir la maîtrise de leur société et de leur avenir, ils doivent inventer un pouvoir politique à la dimension du pouvoir économique des entreprises mondiales.
Certes, ce pouvoir politique mondial existe déjà. L'Organisation des Nations Unies et ses principaux organes formés de délégués des gouvernements du monde en fut la première institution. A ce titre seul, elle mérite une immense considération. Le reproche d'impuissance qui lui a été si souvent fait, est profondément injuste, si l'on considère ce qu'elle a pu réaliser sans avoir réellement les moyens d'accomplir sa mission principale de maintien de la paix entre les Nations.
Mais ce pouvoir politique mondial n'est qu'une émanation des exécutifs des divers pays. Si un pouvoir politique mondial plus équilibré et démocratique doit voir le jour, il faut que, face à cet exécutif, soit érigé un pouvoir délibératif, analogue à ce que sont nos Assemblées élues. C'est d'autant plus nécessaire qu'à défaut de cette création, la société civile mondiale s'organisera d'elle-même comme elle a déjà commencé à le faire, et c'est heureux, à travers une multitude d'organisations non gouvernementales.
Ces ONG expriment des valeurs universelles, s'attachent à défendre les droits de l'homme, à promouvoir plus d'équité économique et sociale, à préserver l'environnement. Leurs combats sont le plus souvent, à mes yeux en tout cas, légitimes.
Elles regroupent des militants, particulièrement sensibilisés ou actifs. Mais l'adhésion à ces ONG repose sur des choix personnels. Elles ne sauraient se prévaloir de la même représentativité que les Parlements démocratiquement élus, qui ont vocation à s'exprimer au nom du peuple tout entier, et sur tous les sujets.
Je crois très profondément qu'il faut une expression politique à la société civile et que celle-ci ne peut être formée que d'élus des diverses Nations. C'est pourquoi, je souhaite vivement que l'Union interparlementaire soit davantage associée au système des Nations Unies ainsi qu'aux autres grandes organisations intergouvernementales et notamment l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
A l'aube d'un nouveau millénaire, je suis convaincu de l'utilité d'une Assemblée parlementaire des Nations Unies. La coopération internationale est de moins en moins séparable de la politique nationale et touche de plus en plus directement la vie de nos peuples. Elle doit donc être l'affaire de tous et d'abord des parlementaires.
La finalité de la création de cette nouvelle enceinte multilatérale serait de mettre l'accent sur la dimension parlementaire des relations internationales, de tenir compte du besoin de plus de démocratie, d'association et de représentation qui s'exprime à travers le monde.
Le moment me paraît venu de compléter le pouvoir politique mondial encore très imparfait - et dont personne ne conteste la nécessité dans l'irrésistible mouvement de mondialisation économique - en créant sa seconde composante, indispensable à son équilibre, celle qui est au plus près de la voix des peuples.
Q. Concrètement, comment les Parlements pourraient apporter une dimension parlementaire à l'ONU et à l'OMC ?
R.F. L'insertion d'une entité parlementaire dans le système politique mondial nécessitera la mise en place de procédures très simples et officielles. L'accord de coopération conclu entre l'UIP et l'ONU en 1996 est un premier pas, très positif, pour mieux associer les Parlements aux Nations Unies. Mais il faut sans doute aller plus loin afin que la Conférence de l'Union interparlementaire devienne une véritable Assemblée parlementaire des Nations Unies.
On pourrait imaginer, par exemple, que sur toutes les questions relatives au développement économique et social, au respect de la diversité culturelle et à la protection des droits de l'homme, la Conférence de l'Union interparlementaire se voit reconnaître un droit de définition des objectifs, de proposition des solutions mais aussi de contrôle de l'action menée qui pourrait prendre la forme notamment d'une communication annuelle sur tous ces sujets lors de l'Assemblée générale des Nations Unies.
Si l'on se réfère au contenu de la Charte des Nations Unies, il apparaît que la justification de l'ONU, et son ambition réelle, résident dans la volonté de faire émerger un ordre juridique international, et de le faire respecter. Or force est de constater que cet ordre juridique international manque aujourd'hui de cohérence.
Les institutions financières internationales issues des accords de Bretton-Woods, s'écartent parfois des principes fixés dans la Charte des Nations Unies. Or, la globalisation de l'économie donne à leurs interventions une importance que ne pouvaient soupçonner les auteurs de la Charte. Par ailleurs, les institutions spécialisées des Nations Unies sont aujourd'hui de plus en plus concurrencées par d'autres mécanismes de régulation et de décision : le G-8, le G-20, le P-5, etc. D'autres organisations intergouvernementales à vocation mondiale comme l'OMC sont indépendantes de l'ONU. Le système de règlement des différends de l'OMC constitue une nouvelle référence de l'ordre juridique mondial dont il faudra bien s'assurer de la cohérence avec les principes de la Charte et le droit international en vigueur.
Dans ce contexte, la Conférence de l'Union interparlementaire pourrait être l'organe d'expression et d'exigence d'une meilleure cohérence de l'ordre international. Elle pourrait notamment se saisir systématiquement des questions inscrites à l'ordre du jour du G8, en débattre, soit en Assemblée plénière, soit au sein des commissions spécialisées et faire parvenir aux participants du G8 les résultats de ces délibérations assorties de propositions éventuelles. La voix de nos Parlements, sans volonté aucune de concurrencer celle des gouvernements, peut contribuer à prévenir les risques de déstabilisation des Etats et de marginalisation des peuples.
Dans l'incertitude et parfois le désarroi qui résultent de l'inadaptation des structures politiques et sociales étatiques traditionnelles aux formes nouvelles de notre monde devenu " village planétaire ", les Parlements incarnent un idéal collectif porteur d'aspirations démocratiques, de paix et d'humanisme.
Ne pas se résigner au monde tel qu'il est mais s'efforcer de l'améliorer en essayant d'encourager les évolutions favorables, telle doit être l'ambition internationale de nos Parlements.
Je souhaite que la conférence de New York soit le symbole d'une coopération internationale plus équilibrée où nos Parlements trouvent enfin toute la place qui leur revient.
M. Gennady Seleznev, Président de la Douma d'Etat de la Fédération de Russie
Q : Comment l'Union interparlementaire peut-elle renforcer les Nations Unies et l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ?
G.S. :L'Union interparlementaire, en sa qualité d'organisation mondiale des parlements, peut et doit mettre tout en uvre pour renforcer à la fois l'ONU et l'Organisation mondiale du commerce ainsi que leurs institutions par une action concertée dans le domaine de la consolidation de la paix, de la sécurité, de l'économie et du libre-échange. Il est notoire que l'Union - organisation ayant plus d'un siècle d'existence - a acquis une grande expérience en matière de règlement de problèmes de ce genre pour avoir organisé maintes conférences spécialisées sur différents thèmes, dont bon nombre de problèmes cruciaux du monde contemporain. Il est à noter que ces dernières années, à la suite de la conclusion d'accords de coopération entre l'Union, d'une part, et l'ONU, l'UNESCO, le PNUD, l'OIT et d'autres organisations internationales, d'autre part, l'Union et ces organisations ont renforcé leur potentiel de coopération et d'action concertée pour résoudre les problèmes concrets qui préoccupent l'Union, l'ONU ou l'OMC. Cette coopération doit se poursuivre parce qu'elle peut servir l'objectif commun de renforcement de l'ONU et de l'OMC, ainsi que de l'Union elle-même.
Dans cette optique, on peut faire les propositions suivantes : tirer parti de la précieuse expérience des législateurs et législatrices des parlements nationaux dans la recherche de solutions à divers problèmes; s'assurer le concours d'experts parlementaires dans le domaine des activités des organisations internationales aux fins d'une assistance consultative et technique; recourir à la diplomatie parlementaire pour le règlement de différentes questions.
Plus concrètement, comment les parlements peuvent-ils assurer une dimension parlementaire de l'ONU et de l'OMC ?
La démocratisation des relations internationales et leur restructuration dans le sens d'une coopération équitable et mutuellement avantageuse doivent devenir la préoccupation majeure des parlements. Ils doivent agir au-delà du simple cadre de la politique nationale, dans notre ère de mondialisation et d'interdépendance grandissante. C'est la raison pour laquelle la Russie appuie sans réserve la politique de l'Union visant à renforcer sa coopération avec l'ONU et l'OMC, à introduire une "dimension parlementaire" dans les relations internationales. C'est le meilleur moyen de renforcer la démocratie, la coopération et l'interaction entre les branches législative et exécutive à différents niveaux, à l'échelle nationale, régionale et mondiale.
Nous devons partir du principe que l'ONU est la principale organisation uvrant pour la paix et que, sans elle, il serait impossible de trouver une solution aux problèmes internationaux. C'est pourquoi il est très important de recourir à la diplomatie parlementaire comme moyen pour permettre à la société civile d'influer sur les décisions que prend la branche exécutive. Le contrôle parlementaire sur la négociation et la mise en uvre de solutions ainsi que le processus de ratification de conventions et traités internationaux sont très importants aussi.
Il faut souligner l'importance de la coopération parlementaire dans l'élaboration de projets de lois et déclarations sur les droits de l'homme, dans la lutte contre le terrorisme international, la corruption, le crime organisé, le trafic de drogue et le blanchiment de l'argent. Le concours de parlementaires donne plus de poids à ces instruments. De cette manière, la participation de parlementaires au règlement des problèmes débattus au sein des Nations Unies permet en premier lieu de renforcer le rôle de l'ONU et d'accroître son influence dans le monde.
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