L'ONUSIDA et l'UIP lancent un guide à l'intention du législateur
I N T E R V I E W
Dr Peter Piot Directeur du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA
Par Luisa Ballin
Un guide ayant pour but d'aider les parlementaires à mettre les problématiques relatives au virus du SIDA à leur agenda national a été lancé par ONUSIDA et l'UIP le 24 novembre dernier, simultanément à la Chambre des Communes, à l'Assemblée écossaise d'Edimbourg, à l'Assemblée galloise de Cardiff, et à l'Assemblée de l'Irlande du Nord à Stormont.
Q: Quel est la portée de ce Guide pratique à l'intention du législateur sur le VIH/SIDA, la législation et les droits de l'homme?
Peter Piot: Il s'agit d'un guide unique en son genre qui donne aux parlementaires des informations pratiques sur le rôle que peuvent jouer la législation et le respect des droits de l'homme pour faire face à l'épidémie du SIDA. Il donne des directives concernant , entre autres domaines, le droit pénal et les réglementations de santé publique pour mieux garantir les stratégies de prévention au niveau national. Par exemple, pour interdire la discrimination contre les personnes victimes du SIDA, la prohibition des tests VIH obligatoires, la protection des normes de sécurité,
la disponibilité de trousses de dépistage, de sang non contaminé, de préservatifs et de médicaments. Ce guide identifie la procédure que les législateurs
peuvent suivre pour faire adopter des lois spécifiques et il cite des exemples qui démontrent comment certains pays ont mis en oeuvre pareilles lois.
Q: Pourquoi estimez-vous si important de vous adresser à des parlementaires?
P.P.:Les parlements et leurs membres ont un rôle important à jouer . Adopter des lois
et des réformes requiert des information non seulement sur le plan de l'épidémie, mais également au niveau des droits de l'homme si l'on veut faire face à
cette épidémie. Le Guide est plus un instrument pratique qu'une simple document de travail. C'est un passeport pour l'action, à un moment où les lois, la politique et la protection des droits de l'homme sont plus importants que jamais. Je veux croire que ce Guide à l'usage des Législateurs donnera une idée plus précise à ceux qui souhaitent lutter pour que la maladie, qui ne cesse de se propager, connaisse enfin un recul. Maladie dont on n'avait même pas
connaissance il y a deux décennies.
Q: Quelle est votre évaluation de la situation?
P.P.: Aujourd'hui, le SIDA est en augmentation. Nos derniers chiffres montrent qu'environ 33,6 millions
d'hommes, de femmes et d'enfants sont affectés par cette épidémie fatale. En 1999, quelque 5,6 millions de personnes ont été contaminées par le virus.
Cette même année, 2,6 millions de gens sont mort du SIDA. La moitié des infections ont lieu entre jeunes de moins de 25 ans qui meurent du SIDA avant d'avoir atteint les 35 ans. La maladie est également une menace fatale pour les générations futures. D'ici 1999, le SIDA aura
laissé sur son passage 11,2 millions d'orphelins, des enfants qui auront perdu leur mère avant d'avoir eu 15 ans. Et si 95% des personnes atteintes du SIDA vivent dans les pays du tiers-monde, ce virus reste également un défi pour le monde industrialisé.
Q: Quel est le rapport entre SIDA et droits de l'homme?
P.P.: L'ONUSIDA a, dès le début, souligné que le respect des droits de l'homme,
hormis sa valeur intrinsèque, était crucial pour combattre l'épidémie. Un manque de respect des droits de la personne peut favoriser l'épidémie de différentes
façons : à travers la discrimination, qui ne fait qu'accentuer de l'épidémie sur les personnes contaminées par le virus ainsi que sur celles qui en sont affectés
comme par exemple leurs familles ou les communautés au sein desquelles elles vivent. Par exemple, une personne qui est licenciée de son travail parce qu'elle est séropositive devra également assumer le fardeau du chômage, sans compter le stress, l'humiliation et l'opprobre es stigmates causés par un traitement discriminatoire. Deuxièmement, lorsque
les droits économiques, sociaux ou culturels ne sont pas respectés, les gens sont plus vulnérables.
Q: Que faire?
P.P.: Outre le respect des droits de l'homme, il faut une plus grande participation des personnes
contaminées ou affectées par le virus du SIDA. Ce principe désormais acquis, mieux connu sous le sigle GIPA (en anglais), a été officiellement adopté,
lors du Sommet de Paris sur le SIDA en 1994, par 42 gouvernements nationaux qui ont déclaré que le principe d'une plus grande participation des personnes affectées était
déterminant du point de vue éthique et de l'efficacité des politiques nationales, pour combattre l'épidémie. En conclusion: changer le cadre législatif dans lequel
nous évoluons aidera à réduire la discrimination et la réprobation et contribuera à freiner la propagation de l'épidémie.
Les femmes dans les parlements nationaux
L'UIP a publié (17 décembre 1999) les dernières statistiques qui indiquent que le nombre de femmes parlementaire s'élève à 12,9%, alors qu'elles étaient
11,3% en 1995. A fin août 1999, les 179 parlements du monde comptaient 13,2% de femmes députées et 10,9% de femmes sénateurs. Les parlements des pays nordiques continuent
d'être les plus "féminisés" au monde avec une moyenne de 38,9% de femmes parlementaires. L'Europe et les pays membres de l'OSCE (y compris les pays nordiques) arrivent
au second rang avec 15,5% de femmes à la Chambre basse et 10,0% au Sénat. L'Asie compte 14,9% de femmes à la Chambre basse et 14,6% de femmes au Sénat. Viennent ensuite les Amériques avec 14,7% de femmes à la Chambre basse et 14,8% au Sénat, suivies par l'Europe et les pays membres de l'OSCE (Pays nordiques non inclus) avec 13,1% de femmes à la Chambre basse et 10,0% au Sénat. L'Afrique Sub-Saharienne dispose de 10,9% de femmes à la
Chambre basse et 13,3% au Sénat. La région du Pacifique compte 8,7% de femmes à la Chambre basse et 21,3% au Sénat. Ferment la marche les Etats arabes avec 3,8% de femmes à
la Chambre basse et 2,5% au Sénat (voir sur le site Web de l'UIP: les femmes dans les parlements).
Les femmes dans le pouvoir exécutif
S'agissant du pouvoir exécutif, les données recueillies par l'UIP et valables à fin août 1999, montrent que, seuls 7 pays (Guyane, Irlande, Lettonie, Panama, Saint-Marin,
Sri Lanka et Suisse) vantent une femme Chef de l'Etat (reines et gouverneurs-généraux mis à part)et seuls 3 Etats (Bangladesh, Nouvelle Zélande et Sri Lanka) peuvent
se targuer d'avoir une femme Chef de Gouvernement. La moyenne des femmes dans les gouvernements est de 11,7% sur 190 Etats. Le plus haut pourcentage de femmes dans les Cabinets revient à
la Suède avec 55% (11/20). Seuls 4 Etats (Bangladesh, également Chef de gouvernement et Sri Lanka idem, plus chef de l'Etat, Cambodge, et Norvège) ont une femme au poste de Ministre de la Défense et anciens combattants. Alors que 15 Etats ont une femme Ministre des Affaires étrangères.
Réunion de Présidents de Parlements à Genève à fin janvier
La IIIème réunion du Comité préparatoire de la Conférence des Présidents des Parlements nationaux se tiendra au Palais des Nations de Genève les 31 janvier
et 1er février 2000, à l'invitation du Directeur général de l'Office des Nations Unies à Genève, M. Vladimir Petrovsky. Cette réunion a pour but de parachever
les préparatifs de la Conférence des Présidents de parlements nationaux que l'UIP organisera à la veille de l'Assemblée du Millénaire, dans la salle de l'Assemblée générale des Nations Unies à New York du 30 août au 1er septembre 2000.
Mission du Comité des droits de l'homme des parlementaires au Bélarus
Une mission du Comité des Droits de l'homme des parlementaires de l'UIP s'est rendue, du 19 au 24 novembre 1999, en République du Bélarus pour enquêter sur le cas de plusieurs
membres du XIIIè Soviet suprême, qui est en cours d'examen par le Conseil de l'UIP. La mission a rencontré les autorités compétentes, ainsi que les parlementaires
concernés, y compris ceux qui se trouvent actuellement en prison. La mission soumettra son rapport lors de la prochaine réunion du Comité des droits de l'homme des parlementaires
qui se réunira du 23 au 27 janvier 2000 au siège de l'UIP à Genève. Le Comité présentera ses conclusions et recommandations au Conseil de l'UIP lors sa
166ème session qui aura lieu à Amman, le 6 May prochain, date à laquelle le rapport sera rendu public.
L'OMC recherche la coopération de l'UIP
L'Organisation mondial du Commerce a recherché la coopération de l'Union interparlementaire (UIP) à la suite du fiasco de Seattle, a déclaré mardi la Présidente du Conseil de l'UIP, Najma Heptulla. Après l'échec du sommet de l'OMC, son président a exprimé le désir d'associer l'UIP, organisation forte de 139 parlements nationaux dans la négociation avec l'organisation du commerce, a-t-elle déclaré à la presse.
Mme Heptulla, la première femme a être élue à l'unanimité Présidente du Conseil de l'UIP dans ses 110 ans d'existence, a déclaré que les priorités de l'UIP sont les droits de l'homme et le désarmement, et qu'elle joue un rôle majeur dans la protection des membres de ses parlements affiliés.
The Observer New Delhi 15 décembre 1999
Koweït: Les femmes ne voteront pas
Le Parlement du Koweït a rejeté un projet de loi qui
aurait accordé le droit de vote aux femmes, une semaine
après que les législateurs ont également
rejeté un décret promulgué par l'émir
permettant aux femmes de voter et de se présenter à
des élections.
Des centaines d'hommes de l'émirat ont salué avec
joie ce vote négatif rejetant le projet de loi par 32 voix
contre 30. Soixante-quatre parlementaires, dont quinze ministres
avec droit de vote, ont assisté à la session . Seuls
deux législateurs se sont abstenus.
Le 23 novembre dernier, le Parlement avait rejeté, [par
41 votes contre 21] un décret promulgué par l'émir,
cheikh Jaber Al Ahmed al Sabah, accordant le droit de vote aux
femmes.
Les parlementaires religieux conservateurs et les libéraux
ont déclaré soutenir les droits des femmes mais
n'ont pas apprécié que l'émir signe ce décret
alors que le Parlement n'était pas en session. L'émir
a le droit de promulguer des décrets en urgence en cas
de vacance du Parlement mais celui-ci ne peut voter contre à
la reprise de la session parlementaire.
Associated Press (AP)
30 novembre 1999
Colloque sur le renforcement des Parlements dans les Etats arabes
Le Liban accueille depuis hier une conférence sur le renforcement
des Parlements dans les Etats arabes, organisé par le bureau
régional pour les pays arabes au sein du PNUD, avec la
collaboration de l'Assemblée nationale. Il s'agit plus
précisément d'un colloque préparatoire au
congrès des parlementaires arabes qui se tiendra au Parlement
du Liban.
L'objectif du colloque a été clairement défini
par M. Martin Chungong, représentant de l'Union interparlementaire
(UIP). Il s'agit d'engager une réflexion sur "les
moyens de permettre aux organes législatifs des pays arabes
d'accomplir la mission qui leur est impartie pour pouvoir répondre
aux aspirations du peuple". Et c'est dans cet esprit , que
le chef du Parlement, M. Nabih Berry, qui a présidé
la réunion d'ouverture, a proposé l'organisation
d'un congrès sur le mouvement féminin dans les Assemblées
nationales, après avoir déploré le refus
du Parlement koweïtien d'accorder le droit de vote aux femmes.
"Nous ne pouvons pas passer le cap du troisième millénaire
en étant seulement une moitié de la société", a-t-il déclaré.
L'Orient - Le Jour (Beyrouth)
7 novembre 1999
LE POSTER DE L'UIP
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Le Directeur général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), M. Mike Moore, a accepté de prendre part à la rencontre de parlementaires qui aura lieu dans à l'occasion de la Xème CNUCED à Bangkok (10 et 11 février 2000). Il nous a livré quelques réflexions sur la récente Conférence ministérielle de Seattle, avant de se rendre à Bangkok.
Une assemblée historique de législateurs
Le 2 décembre 1999 à la Conférence ministérielle de Seattle, j'ai eu le grand plaisir de m'adresser à la toute première assemblée de législateurs
de pays membres de l'OMC. Cette réunion historique s'est achevée par l'adoption d'un appel lancé par des membres du Parlement européen préconisant la création
d'une instance permanente de parlementaires de l'OMC. Cette instance, qui permettra aux parlementaires des pays membres de l'OMC "d'échanger des vues, de s'informer et de suivre les négociations et activités de l'OMC" devra tenir sa première réunion au plus tard en février 2001. Le moment retenu pour cette première assemblée de législateurs et l'accord qui s'est fait sur la création d'une instance
permanente sont des plus opportuns.
Légitimité et responsabilité - le rôle des parlements et des parlementaires
La Conférence ministérielle de Seattle a été le théâtre des manifestations les plus spectaculaires et les plus hostiles jamais observées lors d'une réunion
de l'OMC. L'image déplaisante qui restera dans le monde de cette conférence ministérielle est celle de vives confrontations entre manifestants et policiers. Pour certains
détracteurs de l'OMC, l'Organisation paraît distante et mystérieuse, puissante et opaque. Elle est perçue comme un simple instrument d'application de règles commerciales
en apparente contradiction avec les préoccupations centrales de nos sociétés.
D'autres s'émeuvent des nouvelles caractéristiques du système commercial multilatéral, principalement de l'impact des procédures obligatoires de règlement
de différends de l'OMC sur les besoins des producteurs, consommateurs et espèces menacées des pays pauvres en développement. Le reproche peut-être le plus sévère adressé ces derniers mois à l'OMC est qu'elle ne
serait ni représentative, ni démocratique et qu'elle compromettrait la souveraineté des gouvernements.
L'Etat-nation abandonne-t-il ses droits et prérogatives légitimes à des institutions mondiales ? La question est pertinente et elle suscitera des débats pendant
de longues années encore. Toutefois, dans le cas de l'OMC, certains éléments fondamentaux doivent être rappelés. L'OMC est conduite par ses membres et, partant,
par les gouvernements et les parlements. Tous les deux ans, les ministres du commerce des membres de l'OMC se réunissent pour définir et impulser l'action de l'Organisation. Les
accords de l'OMC doivent être approuvés et ratifiés par les membres et leurs parlements. Ces exigences font de l'OMC l'une des organisations internationales les plus transparentes.
En outre, l'OMC fonctionne par consensus. Chaque membre peut en entraver la marche et certains ne s'en privent pas. Chaque membre peut se retirer de l'OMC avec préavis de six mois.
Parmi les membres de l'OMC figure la plus grande démocratie du monde, l'Inde. Près 0de 300 millions d'électeurs y sont nécessaires pour constituer un gouvernement. L'Etat
indien est responsable par l'intermédiaire de son ministre du commerce, qui est responsable devant le Gouvernement indien, le Premier Ministre, son parti, son groupe et le parlement, puis ses électeurs dans sa circonscription et, en dernière analyse, devant l'ensemble des citoyens. Cette chaîne de
responsabilité existe dans la plupart des membres de l'OMC et c'est le meilleur système connu. Il varie d'un pays à l'autre mais les principes régissant cette responsabilité
sont les mêmes partout. Gouvernements et parlements agissent avec le consentement de leurs peuples et par leur intermédiaire. Cela est non moins vrai de l'OMC. Et c'est très bien ainsi.
Reprocher à l'OMC de n'être pas représentative et transparente est non seulement contestable mais déprécie le rôle et la légitimité des parlements et
des législateurs dans le monde entier. Certes les organisations non gouvernementales jouent un rôle non négligeable dans la définition des grandes orientations et sont des
instruments toujours plus importants pour exprimer l'opinion et les préoccupations du public mais les parlements demeurent la seule instance élue et responsable publiquement, l'assemblée
la plus légitime de représentants des citoyens.
Qu'il me soit permis de faire ici une observation plus personnelle. Durant la Conférence ministérielle de Seattle, un parlementaire m'a dit "C'est très bien de parler
avec les organisations non gouvernementales mais qu'advient-il des structures gouvernementales, ce sont elles qui constituent les gouvernements en place". Il avait raison, nous devons
dialoguer avec les unes et les autres. De la même façon, lorsque j'évoquais les organisations non gouvernementales et leur influence utile et démocratique sur les gouvernements,
un ambassadeur d'un pays non représenté à Genève nous a demandé d'aller davantage au-devant de ses attentes. Près de 30 pays ne peuvent s'offrir le luxe d'avoir une mission à Genève. Aussi devons-nous en effet aller au-devant d'eux. Je ne suis à la tête de l'OMC que depuis quelques mois et mes adjoints sont plus fraîchement nommés encore mais nous avons réussi à organiser un séminaire pour les pays non représentés à Genève afin d'informer pleinement leurs représentants
sur ce qui aurait lieu à Seattle. Nous avons en outre veillé à ce que les technologies nouvelles comme les pages web et les centres de référence soient utilisées
pour maintenir le contact avec ces pays.
En dernière analyse, les parlements sont l'instrument le plus efficace pour qui veut examiner, juger et infléchir les décisions prises par les membres au sein de l'OMC. Il faut insister sur ce point et j'engage l'UIP à rappeler de temps à autre à ses membres ce rôle éminent
et cette responsabilité majeure des parlements.
Tirer les enseignements du passé pour mieux préparer l'avenir
Dans le monde moderne, chacun sait que sans coopération et accords internationaux, les gouvernements souverains auraient bien des difficultés à fonctionner et à défendre les intérêts nationaux. Tout accord international est un abandon de souveraineté mais c'est aussi un acte de souveraineté, l'acceptation d'engagements en échange de l'acceptation similaire d'engagements par les autres signataires. L'intégrité et l'indépendance des nations, en particulier les petits pays, sont renforcées par les institutions, traités et accords internationaux.
Durant le dernier demi-siècle, le GATT/OMC a su trouver des formules mutuellement avantageuses de coopération internationale et cela malgré la complexité des enjeux. Le mot millénaire est un peu galvaudé mais un nouveau siècle se profile et il n'est pas inutile de réfléchir à l'avenir et de voir quels enseignements peuvent être
tirés du passé. Le GATT/OMC a été conçu par nos courageux parents qui y voyaient une organisation sur de l'ONU, de l'OIT, du FMI et de la Banque mondiale.
Ils ont porté l'uniforme et nous le costume-cravate. Ils ont connu la grande dépression et ont compris que le protectionnisme n'avait fait que la prolonger et la rendre plus dévastatrice.
Cette dépression et le Traité de Versailles ont rendu la guerre presque inéluctable et c'est de là que sont nées les grandes tyrannies de notre temps, le fascisme et le marxisme. Nos parents ont souhaité proscrire à jamais la guerre et ils ont créé le GATT/OMC
et les autres institutions du système international pour être au service des peuples par l'intermédiaire de leurs gouvernements.
Le système a bien fonctionné. Durant la crise asiatique, d'aucuns prédisaient la fin de l'économie mondiale et laissaient entendre que la mondialisation était trop
poussée. Pourtant, grâce aux politiques avisées des pays victimes de la crise et à la clairvoyance des Etats-Unis, du Japon et de l'Europe, qui n'ont pas fermé leurs marchés, l'Asie se redresse aujourd'hui. La capacité de résistance du système commercial multilatéral a été démontrée à maintes reprises.
L'Histoire nous a enseigné que la libéralisation, en dépit de ses vertus, n'est jamais acceptée sans réticences et que le retour au protectionnisme, malgré
tous ses déboires, est toujours plébiscité. Le système commercial multilatéral n'aurait jamais autant contribué à la croissance économique
et au développement dans le monde sans ceux qui sont fidèles à leurs convictions et qui défendent des idées apparemment peu populaires.
Lorsque le mur de Berlin s'est effondré, lorsque Nelson Mandela a été libéré, lorsque ici ou là des généraux sont rentrés dans
leurs casernes, le monde s'est réjoui. Les gens ont célébré les valeurs universelles de la liberté politique et économique. Ils ont célébré la levée des barrières sociales, économiques et politiques et ils se sont réjouis
de la plus forte intégration du monde. L'avenir a été considéré avec optimisme car, à travers le monde, on a pris conscience des effets bénéfiques
que l'élimination de ces barrières pouvait avoir sur le sort de chacun. Les défis sont inchangés. Plus d'emplois et plus d'entreprises florissantes pour que les recettes fiscales croissent et financent nos rêves de meilleurs soins de santé, d'un environnement plus sûr et plus
convivial, d'une éducation plus solide et de soins aux personnes âgées. Les moyens de les atteindre sont également inchangés.
J'ai la conviction, très largement partagée dans le monde, que commerce et économie sont les moyens les plus efficaces pour concrétiser ces rêves.
L'après Seattle
Bien des choses restent à faire pour que ce message soit entendu. Les préoccupations exprimées non seulement par diverses organisations non gouvernementales mais aussi par
des pays membres sont authentiques et judicieuses. A l'avenir, les gouvernements et l'OMC devront s'efforcer de nouer un dialogue nourri et durable avec la société civile. En la matière, les parlements peuvent jouer un rôle fondamental et je me félicite vivement de l'initiative prise par l'assemblée des législateurs réunis à Seattle de mettre en place une instance permanente de parlementaires de l'OMC. J'espère être en mesure de me consacrer davantage à l'avenir, dans la limite du temps et des moyens qui me sont impartis, aux instances parlementaires. Ces réserves émises à propos de nos moyens limités sont fondamentales car le
budget total de l'OMC est inférieur au seul budget de frais de voyage du FMI. Même le WWF a un budget trois fois supérieur à celui de l'OMC.
Parallèlement, nous devons veiller à ce que les pays en développement aient une place plus juste autour de la table. Trop de pays, en particulier les pays les moins avancés qui ne représentent que 0,5 % du commerce mondial, sont marginalisés. Ils sont très souvent exclus alors qu'ils ont un avantage concurrentiel à l'exportation. Cette situation est regrettable et doit être corrigée de toute urgence.
Nombre de pays ont besoin de temps et d'assistance technique pour digérer et mettre en uvre leurs engagements. Et pourtant, ils le peuvent. Nous devons regarder au-delà de la Conférence
interministérielle de Seattle et aller de l'avant. Recenser contradictions et difficultés tout en nous mobilisant pour négocier une issue qui soit équitable. Certes il y a des différences entre membres de l'OMC. Cela n'étonnera personne. Mais elles ne devraient pas interdire un rapprochement
sur nombre des questions clés inscrites à l'ordre du jour du système commercial multilatéral, dont l'accès aux marchés, l'agriculture, l'investissement, la concurrence, la transparence des marchés publics, la facilitation des échanges et le commerce électronique. Ce sont des domaines auxquels les parlements souverains s'intéressent et sur lesquels ils feront, in fine, le choix décisif.
Certes les détracteurs de l'OMC ont eu leur jour de gloire mais n'oublions pas que 31 pays et plus de 1,5 milliard de personnes veulent adhérer à l'OMC. Pourquoi ? Parce
que l'OMC travaille autant pour la nation la plus puissante que pour la plus modeste. Pour autant, tous nos détracteurs n'ont pas tort. Le système commercial multilatéral n'est peutêtre pas parfait mais il est de loin préférable à l'absence de réglementation commerciale internationale. Trop souvent en ce siècle, c'est la force et la coercition
qui ont prévalu. Nous devons faire en sorte que le siècle prochain soit celui de la persuasion, du règlement des différends dans un cadre institutionnel à travers des mécanismes mutuellement acceptés. Symboles d'une nouvelle ère éclairée de relations internationales civilisées.
Il nous faut aujourd'hui rendre hommage à nos parents qui, éprouvés par les traumatismes de l'Histoire, ont créé des institutions comme le GATT, devenu aujourd'hui
l'OMC, pour qu'elles s'acquittent de leur mission, sur instruction des gouvernements et des parlements, en organisant et en réglementant nos différences commerciales, politiques, culturelles et
sociales. Je suis fier de représenter une institution en laquelle ses membres se reconnaissent. J'y ai le titre de directeur général. Mais, en réalité, je ne suis
pas directeur et moins encore général. Je suis plutôt un navigateur, un médiateur et un serviteur du bien public.
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