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Communiqué de presse de l'Union interparlementaire
Genève, le 13 septembre 2000
N° 101


AFFAIRE ALPHA CONDE : UN PROCES INIQUE

Le Comité des droits de l'homme des parlementaires de l'Union interparlementaire (UIP) a appris avec consternation la condamnation de Monsieur Alpha Condé et de plusieurs de ses co-accusés par la Cour de sûreté de l'Etat guinéen (juridiction d'exception), à des peines allant jusqu'à cinq ans d'emprisonnement. Les observateurs mandatés sur place par l'UIP ont été amenés à considérer sans l'ombre d'un doute que la condamnation de M. Condé et de certains de ses co-accusés est intervenue au terme d'une procédure qui, à l'évidence, n'a respecté en aucune manière les normes d'un procès équitable telles qu'elles sont définies par les traités internationaux ratifiés par la Guinée.

Le Comité des droits de l'homme des parlementaires examine depuis plus de deux ans le cas de l'ex-candidat à la présidence guinéenne en 1998 face à l'actuel Président, le Général Lansana Conté. Arrêté en décembre 1998, au lendemain de l'élection présidentielle sans que son immunité parlementaire ait été levée, le député Alpha Condé s'est vu reprocher à l'époque une tentative de sortir clandestinement du territoire et de violences envers un agent de la force publique lors de son arrestation. Durant l'instruction du dossier, le parquet a cherché à établir, sur la base d'une vingtaine de témoignages, la thèse d'une atteinte à la sûreté de l'Etat.

Une mission de l'UIP sur place en janvier 2000 avait révélé de graves violations des dispositions du Code de procédure pénale et ses conclusions avaient amené l'Union interparlementaire et son Comité à craindre que les poursuites engagées contre M. Alpha Condé ne reposent sur aucun motif légal valable et à demander sa libération immédiate. Le Comité a ensuite mandaté des observateurs au procès. Leur rapport sera soumis par le Comité au Conseil (organe directeur) à la 104ème Conférence de l'UIP à Djakarta (15 - 21 octobre 2000).

Les observateurs ont notamment relevé l'omniprésence du pouvoir politique dans le déroulement du procès (interventions publiques du chef de l'Etat affirmant la culpabilité des accusés), le fait que des témoignages aient été retenus, d'une part, à charge alors qu'il est allégué de manière convaincante qu'ils ont été obtenus par la torture et que, d'autre part, on a fait valoir leur manque de sérieux pour acquitter certains co-accusés. Des manifestations de partialité de membres de la Cour de sûreté de l'Etat, allant jusqu'à entraîner la révocation de l'un d'eux et son remplacement par son suppléant pour avoir menacé un avocat qui interrogeait un témoin de l'accusation, ont également été constatées.

Les observateurs ont constaté des entraves constantes mises à l'exercice de la défense systématiquement à tous les stades du procès, depuis l'instruction préalable (absence d'accès au dossier) jusqu'aux audiences (pressions exercées sur les avocats de la défense, absence de rémunération des avocats commis d'office, convocation chez le Garde des Sceaux, menaces d'arrestation d'un avocat pour l'empêcher de plaider). L'absence de facto de transparence des débats a également été signalée, l'accès de la salle d'audience étant subordonnée à l'autorisation du pouvoir politique et l'accès aux rues menant vers la Cour contrôlées les jour d'audiences. De plus, la salle était remplie d'agents des forces de sécurité en uniforme ou en civil, les retransmissions télévisées du procès étant partiales (diffusions des plaidoiries des parties civiles mais non de celles de la défense) et les journalistes de la presse internationale interdits d'accès aux audiences.

L'absence de respect du principe de l'égalité des armes entre la défense et l'accusation a aussi été relevée, la Cour ayant par exemple refusé d'entendre les témoins dont la défense demandait l'audition, alors que tous les témoins de l'accusation ont été entendus. Sans parler des inégalités de traitement entre les avocats, ceux de la défense étant privés de toutes les facilités matérielles mises à la disposition des avocats de la partie civile.

Enfin, l'absence de garanties concernant l'éventuel exercice des voies de recours préoccupe sérieusement les observateurs de l'UIP, le seul recours prévu par la loi pouvant être exercé devant la Cour Suprême, dont le président en exercice est actuellement le Premier ministre.

L'UIP, l'organisation mondiale des parlements a été fondée en 1889. Basée à Genève, elle compte 138 parlements nationaux affiliés et cinq assemblées parlementaires régionales comme membres associés. Elle dispose d'un Bureau de liaison avec l'ONU à New York. Créé en 1976, le Comité des droits de l'homme des parlementaires de l'UIP (qui siège à huis clos) est composé de cinq parlementaires : M. François Autain (France, Président), M. Hilarion Etong (Cameroun, Vice.-Président), M. Mahinda Samarasinghe (Sri Lanka), M. Juan Pablo Letelier (Chili) et Mme Maria Grazia Daniele Galdi (Italie).

Contact à Genève : Mme Luisa Ballin, Chargée de l'Information. Tél. (41.22) 919.41.16/27, fax (41.22) 919.41.60, courrier électronique lb@mail.ipu.org ou cbl@mail.ipu.org

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