"L’année 2003 a été particulièrement encourageante pour les femmes dans les parlements nationaux. Deux records du monde ont été battus et des évolutions positives ont été observées dans plusieurs régions" a indiqué le Secrétaire général de l'Union interparlementaire (UIP), M. Anders B. Johnsson.
Les dernières statistiques de l'UIP montrent qu’à la fin 2003, les femmes avaient pour la première fois franchi le cap des 15 % en moyenne mondiale dans les parlements nationaux. En effet, elles représentent aujourd'hui 15,2 % des effectifs tant des chambres basses que des chambres hautes. En outre, sur les 181 pays dotés d’un parlement national, plus de 94 % ont au moins une femme au Parlement. Il convient toutefois de relativiser ces résultats car seuls 14 pays ont atteint le chiffre de 30 % de femmes au Parlement, seuil généralement considéré comme critique pour que les femmes puissent réellement influer sur l’action du Parlement.
Un deuxième record du monde a été battu, au Rwanda, où les élections tenues en 2003 se sont traduites par une progression remarquable, soit 23,1 points de pourcentage, de la présence des femmes à l'Assemblée nationale. Avec un score de 48,8 %, l’Assemblée nationale est plus proche de la parité que tous les autres parlements nationaux. Jusqu'à ces élections, on pensait que les pays nordiques étaient les mieux placés pour atteindre cet objectif. Parmi les raisons diverses expliquant cette progression, on notera que les femmes parlementaires au Rwanda ont profité d'un quota constitutionnel leur réservant 24 des 80 sièges à la Chambre basse. En outre, à la Chambre haute, 30 % des sièges sont réservés aux femmes.
"Dans les pays sortant d’un conflit, l’utilisation de plus en plus répandue de mécanismes comme les quotas et les sièges réservés, qui assurent la présence et la participation des femmes dans les institutions nouvellement créées, a porté ses fruits. De fait, outre les pays nordiques habitués des premières places, on a vu ces cinq dernières années les pays sortant d’un conflit figurer en bonne position dans les 30 premiers du classement des femmes dans les parlements nationaux établi par l’UIP » a noté le Président de l’Organisation, le sénateur chilien Sergio Páez.
Il est important que les femmes soient présentes dès le début du processus de reconstruction après conflit et que leur participation soit assurée tout au long de ce processus. « Espérons que les leçons apprises au Rwanda et dans d’autres pays sortis d’un conflit serviront dans les pays en phase de transition après conflit » a poursuivi M. Páez.
Sur les 38 pays ayant tenu des élections en 2003, 19 (50 %) avaient pris des mesures volontaristes propres à améliorer la participation des femmes à l’action politique. On citera notamment la Belgique et Djibouti où une volonté politique forte a permis la mise en oeuvre de quotas soit dans les partis politiques, soit au Parlement. Les résultats des élections de 2003 ont été globalement encourageants, les femmes progressant dans la plupart des pays. Toutefois, au Koweït, les femmes n’ont toujours ni le droit de vote ni celui d’être candidates aux élections, ce qui leur barre l’accès à l'arène politique.
S’agissant de la progression des femmes dans les parlements nationaux d'un point de vue régional, il est clair que les gains les plus nets ont été obtenus en Afrique sub-saharienne où la moyenne régionale est passée de 11,3 % en 2000 à 15,3 % en 2004. Si des progrès similaires ont été observés aux Amériques, en Europe et dans la région arabe, les choses n’ont pas été aussi faciles pour les femmes dans le Pacifique ou en Asie.
Se porter candidate à un mandat parlementaire reste difficile pour les femmes dans le monde entier. Sur les quelques pays recensés sur ce point dans l'étude de l'UIP, il y avait plus de candidatures masculines que de candidatures féminines. De plus, le pourcentage de candidates élues y était généralement plus faible que le pourcentage de candidats élus.
Une fois élues, les femmes doivent relever de nouveaux défis, notamment pour accéder aux postes de responsabilité. De fait, le nombre de femmes présidant une Chambre n’a cessé de reculer depuis 2000. Toujours selon M. Johnsson, "pour que les femmes deviennent des acteurs légitimes et crédibles dans le processus politique, il faut qu’elles puissent accéder à tous les volets et à tous les niveaux de l'activité parlementaire".
Au 1er mars 2003, dans les parlements monocaméraux, on ne comptait que sept présidentes (6,2 %), dans les pays suivants : Dominique, Estonie, Géorgie, Hongrie, Lettonie, République de Moldova et Saint-Marin. Dans les parlements bicaméraux, on ne dénombrait pas plus de 14 présidentes (10,3 %), six à la tête d’une Chambre basse (8,8 %) et huit d’une Chambre haute (11,8 %), dans les pays suivants : Afrique du Sud (Assemblée nationale et Conseil national des provinces), Antigua-et-Barbuda (Chambre des représentants et Sénat), Bahamas (Sénat), Belize (Chambre des députés), Chili (Chambre des députés), Espagne (Congrès des députés), Grenade (Sénat), Inde (Conseil des Etats - Présidente pro tempore), Jamaïque (Sénat), Lesotho (Assemblée nationale), Pays-Bas (Première Chambre des Etats-Généraux) et Trinité-et-Tobago (Sénat).
L'UIP a invité les présidents des parlements nationaux à présenter ce qu'ils font pour promouvoir la participation active des femmes dans leur parlement et mieux sensibiliser l’opinion aux questions de genre.
Ils et elles ont dit :
"J'ai toujours été partisan de l'égalité des êtres humains. J'ai longtemps été un militant des droits de l'homme. En ma qualité de président, j'encourage la participation égale de tous les membres, notamment des femmes parlementaires, en vue d’instaurer un équilibre entre hommes et femmes. Nous avons une commission de sensibilisation aux questions de genre, les femmes sont présentes dans toutes les commissions permanentes et ad hoc et dans toutes les délégations aux réunions locales, régionales et internationales. J'ai aussi été impliqué personnellement dans la réforme de l’UIP, en particulier sur les questions de parité".
M. Mosé Tjitendero, Président de l'Assemblée nationale namibienne
"Nous avons pris des dispositions pour que les femmes parlementaires participent à toutes les activités du Parlement au niveau des commissions permanentes, des visites sur le terrain, des voyages d'étude et autres missions tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du Rwanda. Nous avons par ailleurs commencé à organiser des formations en matière législative en vue de renforcer les compétences des femmes parlementaires car la plupart d'entre elles font leur première entrée au Parlement, au même titre d'ailleurs que bon nombre de leurs collègues masculins. Nous faisons le plaidoyer auprès des différents partenaires afin que des moyens matériels et financiers accrus soient mis à la disposition des députées et sénatrices, notamment par le biais du Forum des Femmes Rwandaises Parlementaires (FFRP) pour leur permettre d'être plus à l'écoute de la population, plus particulièrement des autres femmes qui voient en elles leur flambeau et leur porte-parole&.
M. Alfred Mukezamfura, Président de la Chambre des députés rwandaise
"Cette législature est la première en Hongrie au cours de laquelle quatre femmes ont obtenu des portefeuilles ministériels au sein du Gouvernement. La présidence du plus grand groupe politique du Parlement est assumée par une femme, une de nos vice-présidentes est aussi présidente de parti et - pour la première fois dans l'histoire de la démocratie hongroise - une femme préside le Parlement. Les députées participent activement aux travaux, sans qu'elles aient besoin de soutien particulier. Mon expérience me fait penser que les tâches assumées par les parlementaires ne dépendent pas de leur sexe. Les différences, s'il y en a, ne se trouvent pas au niveau du fond mais plutôt au niveau de l'approche et des solutions proposées. Nous savons tous que l'angle d'approche des hommes et des femmes est différent. Les hommes cherchent des solutions sur le terrain rationnel et les femmes sur le plan émotionnel. J’essaie de veiller à ce que les hommes et les femmes aient les mêmes chances en matière d'emploi, d'études, de politique, et que les mamans de jeunes enfants puissent bénéficier de tous leurs droits afin de retourner dans la vie active".
Mme Katalin Szili, Présidente de l'Assemblée nationale de Hongrie
"En Lettonie, il y a près de 20 % de femmes au Parlement. Nous n'avons pas de système de quotas parce que nous sommes convaincus que les gens sont élus pour leurs compétences. Les femmes sont très actives, non seulement dans la famille mais aussi dans la vie politique. Notre président est une femme, notre ministre des Affaires étrangères est une femme, le Président du Parlement est une femme et le Président de la Commission des Affaires étrangères est aussi une femme. Cela ne signifie nullement que nous avons un préjugé contre les hommes, c'est simplement le résultat d’une évolution de la société. Historiquement, les femmes lettones ont toujours été très actives. Nous sommes élues parce que les gens ont confiance en nous et pensent que nous sommes aptes à faire le travail. Bien sûr, on peut toujours faire plus, particulièrement sur la question de la violence dans la famille, ou lorsque les employeurs ne versent pas les mêmes salaires aux femmes qu’aux hommes".
Mme Ingrida Udre, Présidente du Parlement letton
"Nous avons plusieurs explications à la forte présence des femmes dans les parlements nordiques. Il y a par exemple le système proportionnel. En Finlande, il y a un système proportionnel mais il y a aussi le choix individuel des électeurs. Autre explication : le débat d’idées dans le pays. En Scandinavie, la classe politique est, en quelque sorte, en avance. Les entreprises sont à la traîne et l’Université aussi. Nous n'avons pas assez de femmes professeurs dans les universités et, par ailleurs, les femmes sont peu présentes dans les syndicats".
M. Björn von Sydow, Président du Parlement suédois
"Au Sri Lanka, il y a très peu de femmes au Parlement. Il y a beaucoup de propositions visant à accroître les candidatures féminines, mais encore faudrait-il que les électeurs les choisissent. Aux dernières élections, nous avions beaucoup de candidates et même une candidate qui était ministre mais elle a été battue. Nous avons un système représentatif proportionnel et les gens préfèrent élire des hommes que des femmes. Nous envisageons de confier à une commission le soin de mettre au point un nouveau système électoral. Je pense que si nous réussissons à mettre en place un nouveau système, nous aurons plus de chances d’avoir des femmes parlementaires".
M. Joseph Michel Perera, Président du Parlement sri lankais
"Avant d’être Président de l’Assemblée nationale du Mali, je suis un élu de la Nation qui a ses convictions sur la problématique de la promotion de la femme. Des convictions qui sont très largement partagées par les groupes parlementaires et le Bureau de l’Assemblée nationale. Avec l’appui des groupes parlementaires et de la Conférence des Présidents, nous avons pu faire élire deux femmes aux postes, respectivement, de 4ème et 6ème Vice-Présidents de l’Assemblée nationale. Un femme est également Vice-Présidente d’une Commission générale de travail et la composition des missions parlementaires à l’extérieur et à l’intérieur du pays est toujours mixte. La parité est une norme admise par tous les partis politiques présents à l’Assemblée nationale du Mali et chaque fois que nous sommes appelés à procéder aux nominations personnelles, la mixité est l’un des critères de référence".
M. Ibrahim Boubacar Keita, Président de l’Assemblée nationale malienne
"Au sein de la Chambre des députés, c’est le Bureau – présidé par le Président de la Chambre et composé des représentants de tous les groupes parlementaires – qui joue un rôle central pour ce qui est des décisions concernant la vie de l’Institution : initiatives politiques, sociales et culturelles qui se déroulent en dehors de l’activité législative. Je veille à renforcer cette tradition qui a pu s’exprimer sous des formes différentes et stimulantes. J’ai accueilli l’initiative, promue par des députées du Bureau, d’organiser des rencontres entre les parlementaires et des femmes, figures de proue au niveau national et international. Ces rencontres ont fait émerger le point de vue des femmes sur des questions stratégiques qui ont un grand impact sur l’opinion publique, comme par exemple la rencontre organisée avec les journalistes envoyées en Iraq pendant le conflit de l’année dernière. J’ai également soutenu des initiatives visant à mettre en contact la Chambre des députés et la société civile. Nous avons institué le Prix annuel Ilaria Alpi et Maria Grazia Cutuli, deux journalistes italiennes qui ont perdu la vie dans l’exercice de leur devoir respectivement en Somalie et en Afghanistan. Je voudrais aussi rappeler la journée d’étude du mois de décembre 2003 à la Chambre des députés, consacrée à la présentation des discours parlementaires de Nilde Lotti, première femme italienne à présider la Chambre, qui a occupé cette charge plus longuement que quiconque".
M. Pier Ferdinando Casini, Président de la Chambre des Députés italienne