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Communiqué de presse de l'Union interparlementaire
Genève, le 15 juillet 1996
N° 54


L'UNION INTERPARLEMENTAIRE SE REUNIT POUR EXAMINER DES CAS DE PARLEMENTAIRES EN BUTTE A DES ATTAQUES DIVERSES

Cinq parlementaires représentant toutes les régions du monde sont réunis au siège de l'Union interparlementaire du 15 au 18 juillet 1996 pour examiner des cas de parlementaires et d'anciens parlementaires dont les droits fondamentaux à la liberté d'expression et d'action ont été menacés du fait de mesures arbitraires prises à leur encontre.

Les cinq parlementaires sont les membres du Comité des droits de l'homme des parlementaires qui tient sa 74e session. Ce Comité de l'Union interparlementaire, qui se réunit quatre fois par an, a été créé il y a exactement 20 ans. Depuis sa création, il a examiné 807 cas de parlementaires victimes dans 80 pays de mesures arbitraires de diverses natures - expulsion illicite du parlement, incarcération et détention arbitraires, procès inéquitable, etc. D'autres cas concernent des parlementaires qui sont menacés de mort ou ont même été assassinés. Grâce aux travaux du Comité, une forte proportion de ces cas a pu aboutir à un règlement satisfaisant.

Les cinq membres du Comité sont M. Nicos Anastasiades (Chypre), Président du Comité (juriste, chef de son parti au parlement, Président de la Commission de l'éducation et membre de la Commission des affaires étrangères); M. Hugo Batalla (Uruguay), Vice-Président du Comité (Vice-Président de l'Uruguay et Président du Sénat); M. François Autain (France, ancien ministre et actuellement questeur du Sénat); M. Hilarion Etong (Cameroun, Professeur de droit public à l'Université de Yaoundé II, membre de la Commission des lois constitutionnelles, des droits de l'homme et des libertés de l'Assemblée nationale); et M. Clyde Holding (Australie, ancien ministre, avocat de causes en rapport avec les libertés civiles).

Pendant sa session de quatre jours, le Comité sera saisi des cas de 130 parlementaires de 25 pays. Il devrait en clore trois au cours de la session, qui ont trouvé un règlement satisfaisant du fait de la libération de prison des parlementaires en question ou d'autres développements. Cependant, le Comité sera saisi de plusieurs nouveaux cas qui ont été portés à son attention depuis sa dernière session, il y a trois mois: il s'agit de ceux de six parlementaires de trois pays qui ont été assassinés, écroués sans inculpation ou dont l'immunité parlementaire a été levée pour qu'ils puissent être poursuivis pour des propos qu'ils ont tenus au parlement.

Selon le Secrétaire général de l'Union interparlementaire, M. Pierre Cornillon : "Il est regrettable qu'au moment où augmente le nombre des parlements pluripartites, tant de parlementaires soient encore la cible d'attaques pour avoir simplement exercé leur droit à la liberté d'expression. Cela montre que trop nombreux sont encore les pays où le rôle de l'opposition légale est mal compris et où le parti au pouvoir a de la peine à accepter que soient exprimées avec force des opinions adverses et embarrassantes".

Le Comité commencera par examiner ces cas à huis clos, conformément à sa procédure confidentielle, afin de donner aux parlements et aux gouvernements intéressés la possibilité de les faire aboutir à un règlement prompt et satisfaisant. Cependant, si les cas, traités confidentiellement par l'Union interparlementaire en relation avec les autorités des pays concernés ne progressent pas suffisamment, ils sont rendus publics. Le Comité soumet des rapports publics et recommande des mesures spécifiques.

A l'heure actuelle, plus de la moitié des cas inscrits à l'ordre du jour du Comité sont publics: ils concernent 73 parlementaires des 12 pays suivants : Albanie, Burundi, Cambodge, Colombie, Gambie, Honduras, Indonésie, Maldives, Myanmar, Nigéria, Togo et Turquie.

L'Union interparlementaire est l'organisation mondiale des parlements qui regroupe actuellement 133 parlements nationaux.

Voici un résumé des cas publics dont est saisi le Comité :

Albanie (un parlementaire) : il s'agit du cas de M. Fatos Nano, ancien Premier Ministre albanais et Président du parti socialiste, qui a été arrêté en 1993 à la suite de la levée de son immunité parlementaire, jugé et condamné pour avoir détourné des fonds publics en faveur d'une tierce partie dans le cadre d'une aide d'urgence dispensée par l'Italie à l'Albanie en 1991. Entre-temps, un tribunal italien a établi l'innocence de la tierce partie. Jusqu'à présent, les efforts déployés par M. Nano pour obtenir la révision de son jugement et de sa peine, ont échoué. De plus, ses avocats n'ont pas pu le voir depuis octobre 1995. Le Comité a exprimé la crainte que les poursuites contre M. Nano soient motivées exclusivement par des considérations politiques et que son maintien en détention soit lié à la perspective des élections générales (elles ont eu lieu en mai 1996).

Burundi (cinq parlementaires) : ce cas intéresse cinq parlementaires dont deux, M. Mfayokurera et M. Ndikumana, ont été assassinés en août 1994 et décembre 1995, respectivement. Trois autres, MM. Ntibayazi, Banvuginyunvira et Ndihokubwayo, ont été grièvement blessés lors de tentatives d'assassinat dirigées contre eux. Aucune enquête sérieuse n'a été menée pour identifier les coupables, de sorte que les agresseurs jouissent de l'impunité totale. Le Comité a exprimé son indignation devant la violence qui a une nouvelle fois coûté la vie à des parlementaires et il a engagé les autorités compétentes à s'acquitter du devoir qui leur incombe en vertu du droit national et international de veiller à ce que toute la lumière soit faite sur le meurtre des parlementaires. Il a estimé que l'impunité constituait une grave menace pour la démocratie et les droits de l'homme et encourageait les coupables à persister dans leurs agissements.

Cambodge (six parlementaires) : en l'espèce, le premier cas est celui de M. Sam Rainsy, ancien Ministre des finances et membre fondateur du FUNCINPEC, parti actuellement au pouvoir. Après avoir fustigé la corruption au gouvernement, il a été limogé de son poste de Ministre des finances en 1994, expulsé de son parti en mai 1995 puis de l'Assemblée nationale en juin 1995 à la demande du gouvernement qui souhaitait que son mandat soit révoqué. Le Comité considère que M. Rainsy a été expulsé du Parlement en dernière analyse pour avoir exercé son droit à la liberté d'expression. De plus, le Comité s'est dit alarmé par les menaces de mort dont M. Rainsy fait l'objet, et a prié instamment le Gouvernement de le protéger.

L'autre cas intéresse cinq parlementaires du parti libéral démocrate bouddhiste, dont l'un de ses fondateurs, M. Son Sann. Après une scission de ce parti en mai 1995, le Gouvernement a reconnu la faction opposée à celle que dirigeait M. Son Sann dont les efforts pour tenir un congrès du parti afin de clarifier la situation ont été contrariés par le Gouvernement. Deux attaques à la grenade dirigées contre les participants à la veille du congrès ont fait 30 blessés. Le Gouvernement a promis qu'il allait procéder à une enquête approfondie mais il semble qu'il n'en ait rien fait. Le Comité a donc engagé les autorités à veiller à ce que les investigations soient menées avec toute la diligence nécessaire.

Colombie (six parlementaires) : tous les parlementaires en cause ont été assassinés entre 1986 et 1994 et auraient été victimes d'exécutions extrajudiciaires perpétrées par des groupes ayant agi sur instruction des forces armées colombiennes. Depuis un certain temps déjà, le Comité est préoccupé par le manque d'empressement des autorités colombiennes à protéger les parlementaires. L'an dernier, des organes spéciaux ont été créés pour enquêter sur les assassinats, un groupe a été dépêché pour capturer deux chefs d'unités paramilitaires recherchés pour le meurtre de deux des sénateurs. Le Comité s'est donc étonné d'apprendre que le Gouvernement était en train de négocier avec eux dans le but de les réintégrer à la vie civile, ce qui leur garantirait une totale impunité.

Gambie (un parlementaire) : ce cas intéresse M. Lamin Wa Juwara, membre de la Chambre des Représentants dissoute lors du coup d'Etat militaire de juillet 1994, qui a été arrêté en octobre 1995 et qui a depuis disparu. Le Comité s'est dit extrêmement inquiet de l'arrestation, puis de la disparition de M. Wa Juwara et a souhaité connaître d'urgence le lieu où il se trouve et les raisons de son arrestation.

Honduras (un parlementaire) : il s'agit d'un membre du Congrès hondurien, M. Miguel Angel Pavon Salazar, assassiné en 1988, peu après avoir témoigné devant la Cour interaméricaine des droits de l'homme dans une affaire de disparition. Bien que l'instruction de ce cas, qui était au point mort depuis plusieurs années, ait repris en 1994, elle n'a donné à ce jour aucun résultat. Le Comité a demandé des renseignements plus détaillés sur les enquêtes en cours.

Indonésie (deux parlementaires) : le premier cas concerne un membre du parti du Congrès indonésien, M. Sukatno, qui a passé 28 ans en prison, pour la plupart dans le quartier des condamnés à mort, pour avoir pris une part active à la tentative de coup d'Etat communiste de 1965. M. Sukatno n'a bénéficié d'aucune mesure de clémence en dépit d'appels répétés lancés par l'Union interparlementaire. Il serait très souffrant, physiquement et moralement.

Le second cas intéresse M. Sri Bintang Pamungkas, membre de la Chambre des Représentants indonésienne connu pour ses prises de position très critiques à l'égard du gouvernement. Il a été condamné à deux ans et dix mois d'emprisonnement parce qu'il aurait traité de dictateur le Président de la République d'Indonésie dans un discours qu'il a prononcé en Allemagne en avril 1995. M. Pamungkas a été déchu de son siège parlementaire en mai 1995 à la suite d'un décret officiel de destitution signé par le Président. Le Comité a noté avec regret que la loi indonésienne habilite les partis politiques à faire révoquer les représentants du peuple qui tiennent pourtant leur mandat de la volonté populaire. Le Comité a également considéré que M. Pamungkas n'a fait qu'exercer son droit à la liberté d'expression.

Maldives (deux parlementaires) : le premier cas est celui de M. Ilyas Ibrahim, ancien membre du Majlis des Citoyens des Maldives, poursuivi pour avoir brigué la présidence aux élections de 1993. Après avoir fui à l'étranger, il a été jugé par contumace et condamné à plus de 15 ans d'exil à l'issue d'un procès au cours duquel les normes internationalement reconnues n'ont pas été respectées. Il est rentré depuis aux Maldives dans l'espoir d'obtenir réparation et il aurait été assigné à résidence. Le deuxième cas est celui de M. Mohammed Saleem, lui aussi membre de l'Assemblée, condamné en avril 1995 à cinq ans et demi d'exil pour corruption. Sa condamnation serait liée au soutien qu'il a apporté à M. Ibrahim et au fait qu'il a des opinions politiques semblables.

Myanmar (23 parlementaires) : ce cas est lié au fait que les autorités militaires du pays n'ont pas convoqué le Parlement élu en 1990 et il intéresse des parlementaires élus qui tous ont été arrêtés et condamnés à de lourdes peines d'emprisonnement à l'issue de procès sommaires, dont un parlementaire décédé en détention. Bien que la plupart d'entre eux aient été libérés à condition qu'ils ne mènent aucune activité politique et aient été également privés de leur droit de voter et d'être élus, certains ont été arrêtés à nouveau par la suite et sont toujours en prison où ils seraient traités de manière inhumaine ou dégradante. Deux parlementaires ont été assassinés.

Nigéria (sept parlementaires) : ce cas intéresse des membres de l'ancien Parlement nigérian, élu en juillet 1992 et dissous à la suite du coup d'Etat de novembre 1993. Les sénateurs ont été arrêtés le 2 juin 1994 et inculpés de trahison et de complot contre le Gouvernement. Bien que le juge ait récemment ordonné la clôture des cas, les parlementaires seraient sous la menace constante d'une nouvelle arrestation. Craignant pour sa vie, le sénateur Tinubu s'est exilé. Un membre de la Chambre des Représentants a été arrêté en mai 1995 et est resté en détention jusqu'en décembre sans qu'aucune accusation ne soit portée contre lui.

Togo (trois parlementaires) : il s'agit de trois parlementaires assassinés en 1992 et 1994, probablement par les forces de sécurité. Les autorités ne cessent d'affirmer que ces crimes font l'objet d'une enquête mais celle-ci n'a nullement progressé, bien que, dans l'un des cas au moins, on connaisse parfaitement l'identité du coupable. A sa dernière session, le Comité a "craint ... d'avoir à conclure" que les autorités compétentes sont réticentes à faire la lumière sur ces crimes odieux et que l'Etat togolais pourrait donc avoir une part de responsabilité, par omission, dans les meurtres de ces parlementaires.

Turquie (seize parlementaires) : les intéressés, tous d'origine kurde, ont été élus en 1991 au Parlement turc où ils représentaient la région du sud-est. Ils ont tous perdu leur mandat à la suite de la dissolution, en juin 1994, du Parti de la démocratie (DEP) auquel ils appartenaient, par la Cour constitutionnelle turque. Certains ont fui à l'étranger et tous les autres ont été inculpés de séparatisme, délit passible de la peine capitale. Quatre d'entre eux ont été reconnus coupables d'appartenance à une organisation armée et condamnés à quinze ans d'emprisonnement. Ils ont tous fait appel auprès de la Commission européenne des droits de l'homme. Quatre autres ont été reconnus coupables de propagande séparatiste aux termes de la loi antiterrorisme. Ils ont été condamnés à des peines d'emprisonnement et au paiement de lourdes amendes et sont en outre privés de leurs droits politiques pour le restant de leurs jours. Un parlementaire a été assassiné en 1993.


Pour complément d'information, s'adresser à :
Robin Newmann, Chargé de l'Information, tél. 919.41.50/25
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